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MIRACLE, VALEUR PROBANTE


plus solides. Le discernement du miracle est du reste chose parfois fort délicate, où les profanes individuels, fussent-ils même des hommes de science ; risquent facilement de se tromper. « Lorsque donc P. Saintyves écrit que « par une o sorte d’inconséquence, l'Église demande aux fidèles « d'être les juges des miracles anciens assez mal « attestés, et leur refuse aujourd’hui de se prononcer « sur ces matières, lorsqu’il s’agit de quelque merveille « contemporaine », l’exagération saute aux yeux. En vérité l'Église demande aux fidèles d'être les juges de miracles anciens qu’elle a jugés elle-même suffisamment attestés, et elle ne leur refuse de se prononcer sur les merveilles contemporaines que pour autant que leur jugement prétendrait être définitif et se substituer au sien. » Van Hove, op. cit., p. 335-336.

D’ailleurs, il ne faut pas exagérer les difficultés du discernement du miracle. Tous les miracles n’exigent pas une enquête approfondie et scientifique. Les difficultés surgissent et les enquêtes sont nécessaires, là où l'évidence du miracle n’est pas complète. Voir col. 1847 sq. Il sufiit, pour vérifier le bien fondé de l’assertion conciliaire, qu’un certain nombre de miracles de l'Évangile, les plus éclatants, apparaissent aux regards des hommes non prévenus, comme des signes évidents du sceau divin apposé à la prédication de la doctrine chrétienne. Ces miracles, résurrection de morts, résurrection personnelle de Jésus-Christ (pour ne prendre que les exemple les plus obvies), sont vraiment des signes omnium intelligenliæ accommodala.

Conclusion'. — L’Eglise déclare que la preuve du miracle est appropriée à l’intelligence des hommes de tous les temps, et même de l'époque actuelle. Cette dernière assertion concerne évidemment, d’une part, la force probante du miracle considérée dans la logique qui s’impose aux esprits de tous les âges, la vérité ne pouvant jamais perdre ses droits ; mais, d’autre part, elle vise très certainement les raisons concrètes qu’on a souvent invoquées pour proclamer non pas certes l’inutilité, mais l’inefficacité relative de l’argument du miracle sur les esprits contemporains.

On a fait valoir que l’argument du miracle n’a sa force entière que pour ceux qui en sont les témoins immédiats, et que, pour les autres, l'éloignement dans le temps ou dans l’espace fait que l’impression produite s’affaiblit. On dit également que le miracle, s’adressant à la seule intelligence et par la force de la seule logique, ne saurait in amereto agir suffi samment sur l'âme entière pour y déterminer l’adhésion de la foi. On assure encore que les progrès de la critique ont soulevé tant de difficultés sur le caractère historique des événements miraculeux qui corroborent la prédication première du christianisme, que la tâche de l’apologétique par le miracle devient de plus en plus difficile. Enfin, on s’attache à rappeler que les esprits contemporains ont tant de prévention contre le surnaturel, que ce qui devait être une raison de croire devient souvent pour eux une difficulté à croire.

A prendre ces raisons objectivement, il faut reconnaître la part considérable de vérité qu’elles renferment. Mais par rapport à la valeur probante du miracle il faut convenir qu’elles nous incitent simplement à avouer, comme on l’a dit fort exactement, que la preuve par le miracle < reste soumise, dans son rendement effectif, aux lois générales de la psychologie humaine et aux lois spéciales de la psychologie religieuse ». J. Rivière, art. Miracle, dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, t. iv, col. 1023. Puisque nos contemporains ont fréquemment de particulières préventions contre le surnaturel et, partant, contre le miracle, l’enseignement catho lique touchant la possibilité du miracle devra être présenté de façon à détruire ces préventions. Les exigences critiques qu’ont formulées, dans ces derniers temps, les apologistes catholiques eux-mêmes, par rapport au discernement du miracle, devront donner satisfaction aux plus difficiles. L’Introduction à l'étude du merveilleux et du miracle, du P. de Tonquédec, est, sous ce rapport, un modèle du genre qu’on peut présenter à nos contemporains. Mais ce qu’il faut surtout, c’est encadrer l’argument du miracle dans une apologétique générale, qui perfectionnera, tout en lui demeurant fidèle, l’apologétique traditionnelle et, s’adressant à l'âme tout entière, disposera cette âme à recevoir finalement la forte impression que le miracle, sceau divin de la vérité, ne peut manquer de produire sur elle, si, par ailleurs, elle est déjà disposée à accepter le divin.

t)n consultera les traités de théologie fondamentale. Xous signalons particulièrement, comme ayant étudié plus complètement la question du miracle, ceux du P. GarrigouLagrange, De revelatione (édition en deux ou un vol.), et de Ottiger (1 er volume de la Theologia fundamenlalis). En plus :

I. L. Brémond, La vraie notion du miracle, dans Revue des sciences ecclésiastiques, t. lxxxi, p. 193-209 ; 289-306 ; E. Coste, Qu’est-ce que le miracle ? Paris, 1900 ; L. de Grandmaison, Les signes divins et le miracle, dans Recherches de science religieuse, 1914, p. 105-122 ; Jésus-Christ, dans Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 1288-1538 ; B. de Sailly, La notion et le rôle du miracle : J. D. Folghera, Le miracle d’après S. Thomas d’Aquin, dans Revue thomiste, 1904, p. 318-338 ; J. Gondal, Le miracle, Paris, 1905 ; A. L. Lépicier, Del miracolo, Rome, 1901 ; E. Le Roy, Essai sur la notion du miracle, dans Annales de philosophie chrétienne, t. clui, p. 5-33 ; 16(5-191 ; 225-259 ; Le problème du miracle, dans Bulletin de la société française de philosophie, mars 1912, p. 85-168 ; A. Mercier, Le miracle, phénomène surnaturel, dans Revue thomiste, 1907, p. 456-467 ; Périer, Le miracle est-il une violation des lois de la nature dans Revue pratique d’apologétique, t. xxx, p. 18-29, 75-88 ; J. Pernoud, A propos du miracle, dans Revue du Clergé français, t. xi.vm, p. 543-547 ; P. Vallet, Les trois formes du surnaturel : Le miracle, la révélation et la grâce, Paris, 1900 ; Van Weddingen, De miraculo, ' Louvain, 1869 ; .1. Wehrlé, iVofe sur la nature, la finalité et la fréquence du miracle, dans La nouvelle journée, 1922, p. 327-362 ; A. Zacchi, // miracolo. Milan, 1923.

II..1. de Tonquédec, Introduction à l'étude du merveilleux et du miracle, Paris, 1916 ; G. Sortais, La Providence et le miracle, Paris, 1905 ; E. Boutroux, De lu contingente des lois de la nature, Paris, 1895 ; E. Bruneteau, De quelques théories éliminalrices du miracle, danj Revue pratique d’apologétique, 1914, t. xviii, p. 499-509 et 561-583 ; J. de Bonniot, Miracles et savants. L’objection scientifique contre le miracle, Paris, 1882 ; A. de la Barre, Le miracle et les groupements hiérarchiques des forces, dans filiales, t. lxix, p. 600-618 ; Faits surnaturels et forces naturelles, Paris, 1900 ; P. de Munnynck, O. P., La conservation de l'énergie et la liberté morale, Paris, 1900 ; Déterminisme, dans Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 928-941 ; P. de Vrégille, La valeur des théories physiques, dans Études, t. cvii, p. 349-373 ; A. Van Hove, La doctrine du miracle chez saint Thomas, et son accord avec les principes de la recherche scientifique ; E. Le Roy, La science positive et les philosophics de la liberté, dans Bulletin du Congrès international de philosophie, t. i (Philosophie générale et métaphysique), p. 313-341, Paris, 1900 ; De la valeur objective des lois physiques, dans Bulletin de la société française de philosophie, 1901, p. 5-32 ; L. Lescœur, l.n science et les faits surnaturels contemporains. Les vrais et les faux miracles, Paris, s. d. ( la 1'° édition dans Annales de philosophie chrétienne, t. cxxxi-cxxxiv) ; L. Noël, Le déterminisme, dans Mémoires de l’Académie roijale de Belgique. Classe des Lettres cl des Sciences morales et politiques et Classe des Beaux-Arts, IP série, t. ii, Bruxelles, 1906 ; II. Poincaré, La science et Vhgpolhèse, Paris, 1920 ; La valeur de ht science, Paris, 1920 ; Science et méthode, Paris, 1920 ;.1. Wilbois, La méthode des sciences physiques, dans Revue de métaphysique et de morale, 1899, p. 579-615 ; 1900, p. 291-322 ; Sur un argument tiré du déterminisme physique en faveur de la liberté humaine,