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    1. MIRACLE##


MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1842

Dr M. Le Bec, Critique et contrôle médical des guérisons surnaturelles, Paris, 1920, les principales règles techniques dont il faut tenir compte pour établir le fait de la maladie, le fait de la guérison et, postérieurement, le caractère extranaturel de celle-ci. Quant au premier point, le P. de Tonquédec a formulé de judicieuses réflexions, bien capables de satisfaire les esprits les plus exigeants, sur la critique des témoignages. Op. cit., p. 359-419. Il étudie successivement l’influence que pourrait avoir la croyance religieuse sur l’erreur ou la fraude, l’incompétence des non-professionnels et les cas possibles d’hallucinations collectives.

Constatation d’un fait passé.

< En ce qui concerne

les événements passés dont la constatation ne peut être faite que grâce au témoignage historique, des considérations analogues à celles qui viennent d’être émises, devront être retenues. Étant donné que l’événement est passé, il ne faudrait pas uniquement tenir compte des attestations dont il est muni. « La certitude d’un fait historique dépend pour nous en partie de la qualité des attestations qui le soutiennent, mais peut-être plus encore de l’idée que nous nous faisons de sa possibilité intrinsèque… Les faits historiques portent… deux coefficients d’admissibilité, de signes positifs ou négatifs, qui peuvent s’additionner ou s’entre-détruire : l’un représente la valeur du témoignage, l’autre la vraisemblance du fait. » J. de Tonquédec, op. cit., p. 281.

Cette considération générale fournit un argument a priori qui consiste « dans un raisonnement fondé sur la nature du fait considéré en lui-même, en dehors des témoignages et d’autres indices particuliers, par lesquels nous pouvons arriver à le connaître et à en démontrer la vérité ou la fausseté. En d’autres termes, plus précis et plus distincts, nous dirons qu’il fournit une preuve pour ou contre la vérité du fait, en établissant qu’il est ou qu’il n’est pas conforme aux lois générales qui régissent le monde… Le désaccord avec une loi ne va pas toujours jusqu’à rendre le fait absolument impossible : souvent il n’arrive qu’à mettre l’esprit plus ou moins en défiance. Il n’en sera tenu aucun compte, bien entendu, lorsque la vérité du fait sera appuyée par ailleurs sur des témoignages d’une autorité irrécusable. Mais, si les témoignages n’ont pas cette valeur qui impose la conviction à l’esprit, le fait deviendra d’autant plus improbable qu’il sera plus difficile de le concilier avec les lois générales dûment établies. D’un autre côté aussi, l’accord complet et frappant d’un fait avec toutes les lois physiques et morales, ce qu’on peut appeler sa vraisemblance, sa probabilité intrinsèque et positive, forme quelquefois un véritable argument en sa faveur, et cet argument pourra suppléer, dans une certaine mesure, au poids d’ailleurs fort léger des textes apportés comme preuves de sa réalité. » De Smedt, Règles de la critique historique, Paris, 1883, p. 273, 278.

En bref, le poids des preuves doit être proportionné à l’élrangeté des faits.

Appliquées au miracle, ces considérations générales engendrent des jugements pratiques sur la probabilité ou la possibilité des faits extraordinaires. On ne peut songer à rappeler ici les règles générales et pratiques de la critique, principalement historique, dont l’emploi s’impose en la matière présente. Voir Critique, t. iii, col. 2330. En ce qui concerne la critique relative aux documents où sont consignés des faits miraculeux, on pourra se référer à J. de Tonquédec, op. cit., p. 264 sq. : règles générales de la critique historique, p. 264-292 ; règles particulières aux diverses espèces de critique : critique textuelle, p. 294-295 ; critique littéraire externe ou critique de provenance, p. 296300 ; critique littéraire interne ou critique d’interprétation, p. 301-310 ; critique historique, propre ment dite ou critique du témoignage, p. 313 sq., établissant à quelles conditions les faits sont susceptibles d’être observés et les personnes susceptibles d’être crues.

11. CONSTATATION DP CARACTÈRE SURNATUREL. — L’observation du fait matériel nous présente une succession de deux phénomènes, le second, extraordinaire, ne trouvant pas son explication naturelle dans son antécédent. La constatation du caractère surnaturel du miracle consistera à montrer que le fait miraculeux n’a pas sa cause naturelle dans les phénomènes antécédents, mais qu’il procède d’une intervention divine.

On sait l’objection cent fois ressassée —des forces inconnues de la nature : comment déclarer l’intervention divine nécessaire en tel fait, alors que nous sommes dans l’ignorance des forces naturelles, et que ce que nous appelons miracle peut avoir dans la nature des causes que nous ne connaissons pas encore.

Il ne suffit pas de répondre que l’agent du miracle se manifeste comme une « cause libre, intelligente, conservatrice des lois de la nature, mais non point si étroitement qu’elle n’ait encore le droit de manifester, par un mode d’agir extraordinaire, la maîtrise absolue, l’action continue qu’elle exerce en tous temps sur le créé et qui nous fait l’adorer comme Dieu créateur ». Hugueny, Critique et catholique, l re édit., t. i, Apologétique, p. 291. En effet, la liberté de l’agent du miracle n’est pas un indice irrécusable de la eausa.ité divine. La prière que le thaumaturge peut adresser à Dieu n’est pas non plus nécessairement signe du vrai miracle : elle peut être simulée par des imposteurs ; elle peut ne pas être suivie du miracle demandé. D’ailleurs ces sortes d’indication ne touchent pas le fond même du problème métaphysique ici en jeu. Saint Thomas nous indique la voie à suivre : il faut prouver que Dieu seul peut accomplir le fait réputé miraculeux : quod solus Deus facere potes t. Sum. theol., III q. xliii. a. 1.

La vraie réponse doit donc atteindre la profondeur du problème : nous ne connaissons pas positivement ioutes les lois de la nature, mais d’une paît, nous savons avec certitude ce que la rature ne peut pas faire, et d’autre part, nous connaissons avec la même certitude des effets qui ne peuvent avoir que Dieu pour cause. Ce sont là deux points de repère, absolument sûrs, entie lesquels pourront se situer des cas douteux, mais q li déjà fourniront de précieux éléments de constatatun. On sait, par exemple, que la combinaison de l’hycrogène et de l’oxygène ne donnera jamais du chlore ; que de la semence de blé il ne germera jamais des roses, etc. On sait qu’une parole humaine ne sera jamais suffisante pour calmer les tempêtes ou ressusciter les morts. Cf. De Tonquédec, op. cit., p. 230-231. Sur ces données indiscutables se fondent :

La réponse du sens commun.

Indépendamment

des circonstances dans lesquelles ils se produisent, certains etïets doivent être rapportés à Dieu, parce que Dieu seul les peut produire. Seul l’auteur de la vie peut rendre la vie à un cadavre ; seul l’auteur de la matière peut multiplier instantanément la substance matérielle ou la convertir en un instant en une autre substance. Ces vérités sont perçues dans les premiers principes de l’être par le sens commun, en tant que le sens commun saisit l’être dans sa dépendance intime de la première cause. Cf. Garrigou-Lagrange, Le sens commun et la philosophie de l’être, p. 91-94 ; Billuart, De jide, diss. ii, a. 2, ad 3, 1, n.

2° La réponse de la philosophie, expliquant, développant la réponse du sens commun, en l’appliquant aux différentes catégories de miracles.

1. Certains /ails extn ordinaires ne peuvent avoir que