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    1. MIRACLE##


MIRACLE, CONSTATATION DU TAIT

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thaumaturge, il n’y a pas d’obstacle à ce que Dieu se serve d’un pécheur comme instrument du miracle. Cf. Albert le Grand, In /V""’.S>/iL, dist. XVIII, a. 2 et ad obj. 4. La foi est sans doute une disposition éloignée au pouvoir de faire des miracles ; elle n’en est pas la condition unique, et rien ne permet d’affirmer avec certitude qu’un hérétique ou un infidèle ne puisse être, à la rigueur, l’instrument divin dans l’accomplissement d’un miracle. Sur ce dernier point, on pourrait apporter des textes contradictoires de saint Thomas, De potentat, q. vi, a. 5, ad 5° m et In Joannem, c. ii, lect. 3. On peut dire qu’en général les Pères et les théologiens ont admis la possibilité du miracle citez les hérétiques ; il s’agit bien entendu du miracle qui ne servirait pas à accréditer leurs erreurs. Ainsi Tertullien, Adv. Marcionem, t. III, n. 18, P. L., t. ii, col. 346 ; S. Cyprien, De unitate Ecclesiæ, n. 15, P. L., t. iv, col. 511 ; Origène, Cont. Celsum, 1, III, n. 3, P. G., t. xi, col. 924 ; S. Augustin, /n Joannis evang., tr. xiii, n. 17, P. L., t. xxxv. col. 1501 ; Lib. de quivsl. i.xxxiii, q. lxxix, P. L., t. xl, col. 90 etc., et, parmi les théologiens, Suarez, Prolegomenon III De gratia, c. iv, n. 9 ; Estius, In I Ium Sent., dist. VII, § 20. Voir Van Weddingen, De mirarulo, p. 183 sq. On lira de L. de Grandmaison, Le Sadhu Sundar Singh et le problème de la sainteté hors de l’Église catholique, dans Recherches de science religieuse, 1922, p. 1 sq.

4. Les créatures matérielles. Les faits nous obligent à envisager une coopération des créatures matérielles elles-mêmes aux miracles. Nous n’insisterons pas sur la salive dont se servit Jésus-Christ pour guérir un muet, Marc, viii, 23, et un aveugle, Joa., ix, 6, ni sur l’onction d’huile par laquelle les apôtres, au nom du Christ, guérissaient les malades. Rappelons seulement que souvent les miracles se sont accomplis au contact des vêtements ou des ossements ayant appartenu à un personnage mort en odeur de sainteté. Cf. IV Reg., xiu, 21. Le contact de l’eau de Lourdes a suffi parfois à provoquer des guérisons inespérées. Comparer Joa., loc cit., et IV Reg., v, 1-14.

2° L’explication théologique du fait. --- Nous n’avons pas à considérer ici la collaboration des créatures aux miracles quand il s’agit de leurs prières ou de leurs désirs. L’intercession des anges, de la Vierge et des saints est un exercice de leur pouvoir normal, naturel ; et, en sollicitant de la puissance divine l’accomplissement d’un miracle, ils n’exercent aucun pouvoir instrumental par rapport au miracle lui-même. La question se restreint donc aux actes de coopération proprement dits, lorsque les anges, l’humanité du Christ, la Vierge, les saints et peut-être quelque pécheur accomplissent avec Dieu, et par une puissance instrumentale reçue de Dieu, une œuvre miraculeuse. On a exposé, à propos des miracles de Jésus-Christ, les différentes explications proposées en théologie pour l’action instrumentale de l’humanité du Christ : causalité morale, causalité physique, causalité intentionnelle. Voir Jésus-Chhist, col. 1318-1321. Nous n’avons rien à ajouter ici à ce qui a été dit alors On voudra bien remarquer que nous avons maintenu, avec l’unanimité des théologiens thomistes, la causalité instrumentale physique de l’humanité du Christ aujourd’hui glorifiée dans le ciel.

Ce qui a été dit de l’humanité du Christ encore vivant sur terre vaut, toute proportion gardée, de te personne des thaumaturges, accomplissant ici-bas, au nom de Dieu, des œuvres miraculeuses. A leur sujet aussi, les théologiens font valoir les explications précitées. En faveur de la causalité physique, on insiste sur les gestes sensibles, qu’à l’exemple du Sauveur, les thaumaturges accomplissent. Élie s’étend par trois fois sur le petit corps du fils de la veuve, avant de le ressusciter. III Reg., xvii, 18-22. Des gestes sensibles analogues, plus accentués encore, sont accomplis par Elisée à l’égard du fils défunt de la Sunamite. IV Reg., iv. 32-36, Pierre prend par la main droite le boiteux des Actes, iii, 6-7. C’est par un contact physique que Paul ressuscite Eutychus à Troas, Act., xx, 9-13. Voir d’autres cas empruntés à l’histoire ecclésiastique dans Hugon, La causalité instrumentale en théologie, p. 180 sq. Sans doute, il faut reconnaître la valeur de cause morale aux prières, aux mérites des thaumaturges..Mais il semble difficile de ne voir dans leurs gestes sensibles qu’un simple occasionalisme.

Tout l’intérêt de la controverse théologique porte sur la causalité à reconnaître, ou ciel, à la Vierge el aux saints, par l’intercession desquels nous obtenons des miracles. Beaucoup de théologiens, même thomistes, ne veulent voir dans les élus qu’un pouvoir moral de prière, de médiation. C’est la thèse soutenue par.1. Bittremieux, dans De mediatione universali B. Marin’virginis quoad gratias, Bruges, 1926, p. 276 sq., et reprise par Van Hove, op. cit., p. 148 sq. Le P. Héris, O. P., semble restreindre la causalité physique à l’humanité sainte de Jésus-Christ et aux sacrements, Menue des sciences philosophiques et théologiques, 1927, p. 528. Mais, même pour qualifier l’action de la Vierge et des saints au ciel, quelques théologiens maintiennent la causalité physique. Citons Hugon, O. P., La causalité instrumentale, p. 194 sq. ; cf. Marie pleine de grâce, Paris, 1927, p. 175 ; Lépicier, 7Yacta<us de bealissima nirgine Maria, 4e édit., p. 524-528, etc.

Quant aux créatures purement corporelles, on peul à leur égard soulever les mêmes controverses qui se font jour entre théologiens sur la causalité des sacrements, avec cette différence toutefois que le théologien est obligé de conserver aux sacrements une véritable causalité par rapport à la grâce, tandis qu’on peut ne placer dans les créatures purement corporelles employées pour accomplir les miracles qu’un simple occasionalisme. La doctrine catholique n’est pas engagée en ces controverses. Cf. Hugon, La causalité instrumentale, p. 184 sq.


III. Constatation du miracle. Avant tout rappelons que, selon l’Église, la possibilité de constater le fait miraculeux comme tel est une vérité de foi. Voir les documents ci-dessus, col. 1799. Cette constatation suppose :
1° la constatation de la matérialité du fait réel ;
2° la constatation du caractère surnaturel de ce fait et son discernement d’avec les faits préternaturels angéliques ou diaboliques. On dira ensuite la certitude qui s’attache à la constatation du l’ait miraculeux, et l’obligation qui découle pour notre intelligence d’admettre la réalité des miracles.

I. CONSTATATION DE LA MATÉRIALITÉ DU FAIT.

— Il s’agit du miracle, fait sensible et par conséquent accessible à ceux qui en ont été témoins. Deux hypothèses sont à faire ici : il s’agit d’un témoignage sur un fait actuel ; il s’agit d’un témoignage historique sur un fait passé.

1° Constatation d’un fait actuel. Il semblerait que cette constatation fût très facile : un fait sensible est perçu, et, pourvu que les témoins soient dignes de foi, doit être accepté. Il suffirait donc de se mettre en garde contre les préjugés dont peuvent être victimes les témoins : préjugés négatifs : le scepticisme qui empêche de regarder, la crainte d’être induit en erreur par des apparences, d’avoir mal interprété le phénomène constaté, d’être le sujet d’une hallucination, ou, à l’inverse, préjugés positifs : la crédulité, l’amour du merveilleux, l’enthousiasme excessif, tous sentiments qui sont une prédisposition à l’hallucination véritable. Cf..1. de Tonquédec, op. cit., p. 252 ; D r E. Le Bec, l’reuues médicales du miracle, Paris, 1917, p. 74.