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MESSE DANS L'ÉGLISE BYZANTINE, CONTROVERSES


contenta d’interdire toute discussion ultérieure sur la question. Mais comment empêcher des Byzantins de discuter ? Le patriarche fut le premier à violer la prescription synodale, et dans un mandement de carême parla de la controverse, en taisant les arguments des partisans de l’incorruptibilité.

La prise de Constantinople par les Latins, en 1204, vint interrompre les discussions, et chacun resta sur ses positions. Plusieurs dissertations furent composées de part et d’autre, et l’on en trouvera sans doute plus d’un écho dans l'énorme littérature théologique byzantine encore inédite. Signalons un court morceau, malheureusement coupé au milieu par une lacune, dans le cod. Paris, græc. 1189, du fonds grec, qui contient les œuvres du moine chypriote, Néophyte le Reclus (t vers 1220). Aux fol. 199v°-200v°, Néophyte nous dit son sentiment sur la question soulevée par Michel Glykas. Il termine en se rangeant du côté des partisans de l’incorruptibilité, bien que, chose curieuse, les récits de visions eucharistiques qui précèdent fassent attendre une solution toute contraire et favorisent nettement la conception ultra-réaliste.

Malgré l’appui des patriarches Georges Xiphilin et Jean Camatéros, la thèse de la corruptibilité ne réussit pas à devenir la doctrine officielle de l'Église byzantine. Elle fut peu à peu abandonnée et même traitée d’hérésie. Elle s’opposait trop ouvertement à l’enseignement formel de la plupart des anciens Pères grecs, qui enseignent que Jésus-Christ se trouve dans l’eucharistie avec sa chair impassible, vivante et glorifié ; que la division de l’hostie n’entraîne pas la division du corps ; que Jésus est tout entier présent sous la moindre parcelle ; que, si l’Agneau divin est immolé sur l’autel, c’est une immolation non sanglante, àvalpiaxToç 8uoâa, une immolation qui ne mérite pas ce nom, 0'jôu.evoç ocÔutwç. Glykas, sans doute, pouvait invoquer en sa faveur quelques expressions réalistes de saint Jean Chrysostome sur l’immolation de la victime de l’autel, expressions plus oratoires que théologiques, destinées à inculquer fortement à un auditoire populaire le dogme de la présence réelle. Il pouvait citer maint récit d’apparitions eucharistiques, où le Sauveur est dépeint sous la forme d’un petit enfant découpé en morceaux, à la fraction de l’hostie, et distribué sous cette forme aux communiants (voir, par exemple, l’histoire du moine incrédule à la présence réelle converti par saint Arsène, P. L., t. Lxxiii, col. 978 sq. ; l’histoire du Juif assistant à la messe célébrée par saint Basile, histoire que rapporte Glykas lui-même dans sa dissertation, loc. cit., p. 376). Il pouvait aussi se prévaloir jusqu'à un certain point de l’autorité d’Anastase le Sinaïte, dans VHodégos, c. xxiii, P. G., t. lxxxix, col. 291-298, où, discutant avec un gaïanite, Anastase paraît supposer que le corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie est corruptible. Mais ces arguments d’autorité étaient trop peu nombreux et trop imprécis pour contrebalancer les évidentes affirmations patristiques et plusieurs passages des liturgies de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, que citaient les partisans de l’incorruptibilité. Par ailleurs, la théorie de Glykas, qui transformait en véritable sacrifice sanglant l’hostie pacifique et non sanglante de nos autels, répugnait trop au sens chrétien pour s’imposer à la croyance des fidèles. Elle fut ruinée, du jour où les Byzantins prirent contact avec la théologie latine des accidents eucharistiques. C’est à peine si l’on en signale quelques traces chez les .mis de la période moderne. Cf. Athanase de Paros, ]~i-'j[j/ri TÔv Œîcuv 80Y".<xTa>v, Leipzig, 180C, p. 369372.


III. DOCTRINE DUS THÉOLOGIENS GRÉCO-RUSSES DE l'époque moderne. —

A partir du xvi° siècle, la I néologie eucharistique de l’Eglise gréco-russe devient, dans une large mesure, tributaire de la théologie catholique. Pour réfuter les protestants, qui s’attaquent à la fois au sacrement et au sacrifice, les théologiens orientaux empruntent volontiers les arguments de nos grands théologiens des xvi° et xvii 8 siècles.

Dès la fin du xvie siècle, Jérémie II, patriarche de Constantinople, répondant aux professeurs luthériens de Tubingue et de Wittenberg, s’inspire surtout dt l’Exposition de la liturgie de Nicolas Cabasilas, dont il transcrit plusieurs passages relatifs à la messe, représentation de toute l'économie et à la consécration, considérée comme l’essence du sacrifice. Première réponse, c. xiii, dans Gédéon de Chypre, KpiT7)ç -njç à>7]6eîaç, Leipzig, 1758, 1. 1, p. 64-65, 74.

Au xviie siècle, les négations protestantes sur le sacrifice de la messe comme sur la plupart des autres dogmes sont rejetées par plusieurs conciles locaux. La Confession orthodoxe de Pierre Moghila affirme le caractère sacrificiel de l’eucharistie. Ce sacrifice est propitiatoire pour les péchés des vivants et des morts ; il est le mémorial de la passion du Sauveur, et durera jusqu'à la fin des temps, Conf. orth., I" p., q. xviii, Kimmel, Monumenta fidei Ecclesiæ orienlalis, t. i, Iéna, 1850, p. 183-184. Dosithée, dans sa Confession de foi, c. xv et xvii, n’est pas moins explicite : Le sacrifice non sanglant de la Nouvelle Alliance a été institué à la dernière cène, quand Jésus a dit : Prenez et mangez : Ceci est mon corps, etc. C’est un sacrifice véritable et propitiatoire, offert pour tous les fidèles vivants ou morts et pour l’utilité commune, comme on le voit par les prières qui l’accompagnent et que nous ont transmises les Apôtres, ëti eTvoci. 6ucTtav àXï)GY) xal pacmxrjV, Trpoaspspo^évTjV UTcèp Trâvtcov eùaeÊtôv Tcôvtwv xal teÔvewtcov xal imkp (ôcpeÀeîaç 7ràvTwv. Kimmel, ibid., p. 449, 461.

Les manuels de théologie composés à partir du xvrae siècle pour l’usage des séminaires et des académies ecclésiastiques exposent généralement, à la manière des manuels catholiques et dans le même ordre, les diverses questions relatives au sacrifice de la messe. Quelques-uns cependant ne distinguent pas nettement entre le sacrement et le sacrifice, et mêlent les deux notions. Les questions proprement scolastiques sur l’essence du sacrifice, sur la distinction des divers fruits, sont communément passées sous silence par les théologiens contemporains. Quelques-uns pourtant font de brèves allusions aux opinions sur l’essence du sacrifice, et adoptent celle qui voit cette essence dans la consécration des deux espèces considérées séparément. Ainsi C. Androutsos, Aoyp : aTi.xY), Athènes, 1907, p. 373 ; Dyovouniotis, Ta ".ucnr^pia t^ç àvaTo>. !.x7Jç 6p00861 ; ou 'ExxX-rçataç, Athènes, 1913, p. 120 : y) evvoia tr t ç Guaîaç èv Tfl Osta eùxapiaxta EYxeirai èv -roi ycùpia[i& toù écpTOu xal oïvou ; Malinovskii, Résumé de théologie dogmatique, Serghiev Possad, 1908, p. 387.

La plupartjaffirment explicitement l’identité substantielle du sacrifice de la messe avec le sacrifice de la croix, tout en notant les différences qui les distinguent. Voir, par exemple, Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe, éd. russe de Pétrograd, 1883, p. 420-421 ; Malinovskii, op. cit., t. ii, p. 386-387 ; Androutsos, Huu.êo>ixy) èE, è716^ecoç ôp0086Çou, Athènes, 1901, p. 301-302 ; Aoyo-a-uxT), p. 370-371 ; Dyovouniotis, op. cit., p. 122-123. L’identité du prêtre principal, qui est Jésus-Christ lui-même, n’est pas oubliée. Mais Malinovskii, op. cil, , p. 387, remarque que le Sauveur offrit immédiatement le sacrifice de la croix, tandis qu’il offre le sacrifice eucharistique mediatement, c’està-dire par l’intermédiaire des prêtres, sans exclure pour cela sa participation actuelle, quoique invisible à ce sacrifice. Il y a également accord complet entre