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MINISTRE DES SACREMENTS, CONDITIONS A REMPLIR


confirmation ou l’ordination données par des ministres hérétiques ne sont pas valides ; dom Chardon en cite plusieurs, col. 189 et 893 ; leur opinion n’est pas hérétique, mais elle est, à bon droit, complètement abandonnée.

2° L'état de grâce. — - Il faut étudier la question au point de vue de la validité du sacrement, à celui de sa licéité, et aussi des grâces accidentelles qui viennent des prières de l'Église.

1. Un ministre en état de péché mortel peut-il validement conférer un sacrement ? — Les partisans de la rebaptisation des hérétiques invoquaient volontiers un principe qui leur semblait être imposé par le bon sens : on ne peut donner ce qu’on n’a pas ; les hérétiques, n’ayant pas la grâce, ne peuvent la donner ; et pareillement les indignes.

Les Pères répondirent en rappelant le rôle secondaire et instrumental du ministre humain : il n’est dans le sacrement, que l’ouvrier de Dieu ; or la valeur morale de l’ouvrier importe peu à l’efficacité de son action ; seuls sont à considérer les pouvoirs dont il dispose et l’action de Dieu qui accompagne le rite posé par lui.

Il est inutile de multiplier les textes : la plupart de ceux que nous avons cités à propos de la foi du ministre pourraient être répétés ici, puisqu’ils affirment la validité de tout sacrement conféré dans la forme voulue par le ministre qui en a reçu le pouvoir. — Saint Ambroise recommande à celui qui veut recevoir le baptême de ne pas tant regarder la dignité personnelle du prêtre que sa fonction : Non mérita personarum considères, sed officia sacerdotum. De mysteriis, c. v, 27, P. L., t. xvi, col. 397. Car, dit-il ailleurs, les sacrements sont l'œuvre de Dieu ; nous, ministres humains, nous n’y apportons que notre collaboration : Non mundavit Damasus, non mundavit Petrus, non mundavit Ambrosius, non mundavit Gregorius ; nostra enim servitia, sed tua sunt sacramenta. Neque enim humanæ opis est divina conferre, sed tuum, Domine, munus est. De Spirilu Sanclo, t. I, prolog., 18, ibid., col. 708. — Saint Augustin a trop bien mis en lumière le rôle du Christ qui continue à sanctifier les âmes par les sacrements, pour pouvoir hésiter. Après avoir lumineusement commenté le mot des disciples de Jean-Baptiste : Ecce hic baptizat, Joa., iii, 26, alors que Jésus ne baptisait pas lui-même, mais laissait ce ministère à ses disciples, Joa., iv, 2, il conclut : Maintenant encore, c’est le Christ qui baptise par ses ministres. Si quos baptizavit ebriosus, quos baptizavit homicida, quos baptizavit adulter, si baplismus Christi erat, Christus baptizavit. In Joannem, tract, v, 12, P. L., t. xxxv, col. 1424. — Saint Grégoire de Nazianze développe la même pensée que saint Ambroise : « Ne dis pas : je veux un évêque pour me baptiser…, ou si c’est un prêtre, je le veux célibataire, dans tout l'éclat d’une continence admirée et d’une vie angélique… Pour te purifier, il suffit que le prêtre soit approuvé et non condamné… Suppose deux anneaux, l’un d’or, l’autre de plomb, ayant tous deux la même image de l’empereur et l’imprimant sur la cire. Entre les deux images, y aura-t-il une différence ? aucune… Toute la différence est dans la matière, non dans l’image. Ainsi tu dois regarder comme également capables de baptiser tous ceux qui remplissent ce ministère. Alors même que l’un serait plus vertueux que l’autre, le baptême a la même vertu. » Orat., x ;., 26, P. G., t. xxxvi. col. 395.

Cette vérité ne fut jamais mise en doute dans l'Église, à moins que l’on ne prenne pour des doutes théoriques les faits de réordination ; or, ceux-ci fuient avant tout des solutions de circonstance dans lesquelles la politique ou la passion eurent autant de part que la doctrine. Les scolastiques, reprenant la

pensée des Pères, mirent en pleine lumière le principe duquel découle la vraie solution, à savoir la place exacte du ministre dans le sacrement, son rôle dans la collation de la grâce. Le Christ en est l’auteur principal, les hommes qui donnent le sacrement ne sont que les fondés de pouvoir, les collaborateurs, les instruments du Christ. Dès lors qu’ils ont, par leur ordination ou autrement, le pouvoir d’administrer quelque sacrement, quel que soit leur mérite ou leur démérite personnel, leur pouvoir demeure et les sacrements conférés par eux sont valides. C’est ce qu’affirme, pour ne citer que lui, saint Thomas : Minister Ecclesiæ non agit in sacramentis quasi ex propria virtute, sed ex virtute alterius, scilicet Christi, et ideo in eo non requiritur gratia personalis, sed solum auctoritas ordinis per quamquasi Christi vicarius consliliiitur. Qusest. disp. de veritate, q. xxix, a. 5, ad 3um. Évidemment, si le ministre est digne, il représente mieux le Christ très saint qui agit par lui ; mais, fùt-il indigne, l’action du Christ n’en est pas arrêtée ni amoindrie : Christus operatur in sacramentis et per bonos, tamquam per membra viventia, et per malos tamquam per instrumenta cafentia vita. Sum. theol., III a, q. lxiv, a. 5, ad 2um. Par conséquent la malice, l’indignité morale du prêtre ou d’un ministre quelconque ne peut empêcher les fidèles de recevoir par lui la grâce que le Christ a mise dans le sacrement : Non igitur malilia ministrorum impedit, quin fidèles salutem per sacramenta consequantur. Cont. gent., t. IV, c. 77. Bien plus, entre deux sacrements identiques que donneraient deux ministres, l’un saint, l’autre pécheur, il n’y a pas de différence essentielle : c’est la même grâce qui coule par le sacrement, fruit non du mérite de l’homme, mais de la passion du Christ. In forma sacramentorum non plus facit verbum a justo quam a peccatore prolatum, quia non operatur ibi meritum hominis, sed passio Christi et virtus Dei. Opusc, xviii (xxii) De forma absolulionis, c. 3, dans l'édition Vives des Œuvres de saint Thomas, Paris, 1875, t. xxvii, p. 421.

Il n’y a donc pas lieu de s'étonner que l'Église ait consacré officiellement cette doctrine. Aux vaudois, Innocent III impose une profession -de foi où on les oblige de reconnaître que les sacrements sont valables, « même s’ils sont administrés par un prêtre pécheur », Epist., t. XI, exevi, P. L., t. ccxv, col. 1511, Denzinger-Bannwart, n. 424 ; Jean XXII condamna l’erreur contraire chez les fraticelles, Denz.-B., n. 488 ; le concile de Constance réprouva la proposition suivante de Wiclef : Si episcopus vel sacerdos existât in peccato mortali, non ordinat, non consecrat, non conficit, non baptizat, prop. 4, Denz.-B., n. 584 ; il imposa aux disciples de Wiclef ou de Jean Hus qui voulaient se convertir la reconnaissance de la vérité opposée, interrog. 22, Denz.-B., n.G72. Enfin le concile de Trente définit cette vérité dans sa session vii, sur les sacrements en général, can. 12 : Si quis dixerit ministrum in peccato mortali exsislenlem, modo omnia essentialia, quæ ad sacramentum conficiendum aut conferendum pertinent, servaverit, non conficere aut conferre sacramentum, anathema sit. Denz.-B., n. 855.

2. Licéité.

Un ministre qui, officiellement et selon

le rite solennel, conférerait un sacrement sans avoir l'état de grâce, commettrait un péché mortel.

Ainsi le requiert le respect dû au sacrement et à Dieu dont le ministre tient la place. Omnia sacramenta, dit saint Augustin, cum obsint indigne tractantibus, prosunt lamen per eos digne sumentibus. Cont. epist, Parmen., t. II, 22, P. F… t. xliii, col. 05. C’est I affirmation de l'Église dans un de ses livres officiels : le Bituel romain donne aux prêtres cet avertissement : Etsi sacramenta ab impuris coinquinari non possunt, neque a pravis minislris eorum effectua impediri, impure tamen et indigne ea ministrantes in seternse