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MINISTRE DES SACREMENTS, CONDITIONS A REMPLIR


reconnaître le baptême donné par les catholiques. Cette attitude motiva une nouvelle affirmation de la doctrine de la part de saint Optât de Milève et de saint Augustin. Saint Optât, après avoir rappelé l’ordre donné par le Christ à ses apôtres de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ajoute : In quo baptizarentur génies, a Salvutore mandatum est ; per quem baptizarentur, nulla exceptione discretum est. Non dixit apostolis : Vos facile, alii non faciant. Quisquis in nomine Patris et Filii et Spirilus Sancli baplizaverit, opus apostolorum implevil. De schismate donalislarum, t. V, 7, P. L., t. xi, col. 1058. Ayant ainsi affirmé sans restriction la validité de tout baptême conféré dans la forme voulue, l’évêque de Milève manque du courage et de la logique nécessaires pour aller jusqu’au bout des conclusions de son principe ; peut-être était-il influencé par le souvenir de saint Cyprien, par les incertitudes et les distinctions où se complaisaient les églises d’Orient. Lui aussi distingue : parmi ceux qui sont hors de l’Église, il y a les schismatiques qui ont gardé la foi complète, et il y a les hérétiques qui, « ayant abandonné le symbole », n’ont plus sur la Trinité qu’une foi défaillante et incomplète ; des premiers, et en particulier des donatistes, le baptême est valide ; mais les seconds n’ont que des baptêmes faux ; car il n’est pas possible « qu’un souillé puisse laver, un impur purifier, un tendeur d’embûches redresser, un perdu délivrer, un coupable pardonner, un condamné absoudre. » Ibid., t. I, 12, col. 907.

Il semble que cette phrase ait été assez usitée chez les donatistes : peut-être même est-elle textuellement empruntée à l’un de leurs prédicants, car saint Augustin emploie des formules analogues pour résumer l’idée donatiste qu’il va réfuter : Numquid divinse legis censura palietur ut vivificare quemquam mortuus possit, curare vulneralus, illuminare csecus, vestire nudus et mundare pollulus ? Contra epist. Parmeniani, t. II, 32, P. L., t. xliii, col. 73. Saint Augustin traite la question avec une logique vigoureuse et une admirable profondeur. Pour lui, tout baptême, ou plutôt tout sacrement, sans exception, est valide, pourvu qu’il soit donné avec la forme voulue par le Christ. Et il en donne les raisons. La première est que les prêtres, même indignes, même tombés dans l’hérésie, gardent le caractère sacerdotal et les pouvoirs qui lui sont attachés. Ceux qui se séparent de l’Église, disaient les donatistes, ne perdent pas leur baptême, mais ils n’ont plus le pouvoir de baptiser. C’est faHX, répond l’évêque d’Hippone ; le pouvoir donné par l’ordination est inamissible. Non eis ipsa ordinationis sacramenta detrahuntur, sed manent super eos… Sicul habent in baptismo quod per eos dari possit, sic in ordinatione jus dandi, ulrumque quidem adperniciem suam. Cont. epist. Parmen., t. II, 28, P. L., t. xliii, col. 67. Cf. Contra Cresconium, t. II, 12-14, ibid., col. 474. La seconde raison, c’est que le ministre du sacrement n’agit pas en son propre nom et par sa vertu personnelle, mais au nom du Christ ; c’est le Christ qui, ayant attaché aux sacrements la grâce divine, continue à la donner par le ministère de ceux qui les confèrent ; c’est lui qui agit en eux et par eux. Quel que soit donc le ministre, qu’il soit Pierre ou Judas, c’est toujours le Christ qui baptise, le Christ qui sanctifie ; l’indignité du ministre humain n’arrête pas la grâce de Dieu. Cette idée très profonde, nous la retrouverons quand nous exposerons le rôle du ministre des sacrements : les textes du saint Docteur y seront plus à leur place.

En Orient, l’incertitude persistait cependant, spécialement à l’égard des hérétiques qui n’avaient pas la foi intacte à la Trinité. Le concile de Nicée, par exemple, distingue entreles diverses hérésies ; il accepte le baptême et l’ordination des cathares et ordonne de

les recevoir dans l’Église, moyennant certaines conditions, can. 8, Mansi, t. ii, col. 671 ; Hefele-Leclercq, t. i, p. 576 ; au contraire il ordonne de rebaptiser les paulianistes, can. 19, Mansi, col. 675 ; Hefele-Leclercq, p. 615, c’est-à-dire probablement les membres des sectes antitrinitaires, Saltet, op. cit., p. 38, La même sévérité était réclamée vis-à-vis des ariens, qui ne croyaient pas à la divinité du Fils, par saint Athanase, Orat. II 3 - contra arianos, 52, P. G., t. xxvi, col. 237. Saint Basile rejette le baptême des encratites, « puisqu’ils regardent Dieu comme auteur du mal », et des montanistes qui, au dire du saint Docteur, « baptisaient au nom du Père et du Fils et de Montan ou de Priscille ». Epist. clxxxviii, Ad Amphilochium, can. 1, et cxcix, can. 47, P. G., t. xxxii, col. 667 sq. et 731. De même un concile de Laodicée( ?), entre 343 et 381, refuse toute valeur au baptême donné par les montanistes à cause de leurs erreurs sur la Trinité, can 8, Mansi, t. ii, col. 565 ; cf. ici, t. viii, col. 2612. Alors même que l’on acceptait le baptême de certains hérétiques, on rejetait parfois leur confirmation ou leur ordination. Ce même concile, de Laodicée reconnaît le baptême des novatiens, des photiniens et des quartodécimans, mais ordonne de leur réitérer la confirmation et l’ordination, can. 7. A Constantinople, au v B siècle, on réitérait à peu près généralement ces deux sacrements à ceux qui les avaient reçus dans l’hérésie. Saltet, op. cit., p. 49.

Pendant que l’Orient était ainsi dans la confusion des pratiques et des doctrines, Rome maintenait avec fermeté la vraie direction. Le pape Sirice écrit en 385 à Himérius, évoque de Tarragone : « Tu m’as signalé que beaucoup de gens baptisés par les impies ariens se hâtent de venir à la foi catholique et que quelques-uns de nos frères veulent les baptiser à nouveau. Cela n’est pas permis : l’Apôtre le défend et les canons l’interdisent… Envers eux, nous agissons comme envers les novatiens et les autres hérétiques : nous les agrégeons à l’assemblée des catholiques par la seule invocation du Saint-Esprit, au moyen de l’imposition des mains de l’évêque. C’est la pratique de tout l’Orient et de l’Occident. Il ne convient pas que tu t’écartes en quelque chose de cette manière de faire, si tu ne veux être séparé de notre communion par une sentence synodale. » Epist., i, 2, P. L., t. xiii, col. 1133.

C’est la même ligne de conduite que trace le pape saint Innocent I er. Pour tous les hérétiques, baptisés dans l’hérésie et qui viennent à se convertir, la loi (nostree lex est Ecclesiœ) est qu’on les reçoive par l’imposition des mains, sans qu’on puisse les promouvoir à la cléricature, Epist., xvii, 8, P. L., t. xx, col, 531. Le pape répète la même direction à l’évêque d’Antioche, en l’appliquant spécialement aux convertis de l’arianisme : il reconnaît leur baptême puisqu’on le leur a conféré au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; mais il ne croit pas qu’ils aient reçu le Saint-Esprit que donne la confirmation, ni « sa plénitude » dans l’ordination ; on devra donc les confirmer et on ne reconnaîtra pas les ordres qu’ils auraient reçus. Epist., xx, 4, ibid., col. 550. Il sait cependant que le concile de Nicée a distingué deux catégories chez les hérétiques, qu’il a accepté le baptême des uns et rejeté celui des autres ; il explique cette distinction par le fait que certains hérétiques baptisent correctement au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ce que ne font pas les autres : Paulianislæ in nomine Patris et Filii et Spirilus Sancli minime baplizant, et novatiani iisdem nominibus tremendis uenerandisque baptizant. Epist., xvii, 10, ibid., col. 533.

La même solution pratique est donné par saint Léon le Grand ; il dit, par exemple : « S’il est certain que quelqu’un a été baptisé par des hérétiques, on ne doit en aucun cas lui réitérer le sacrement de la régénéra-