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MICHEL LE SYRIEN


klay ; deux moines de l’entourage du catholieos arménien y mirent la main, David et lsaac ; puis, Vardan vardapet y ajouta le récit des événements écoulés jusqu’au pontificat de Constantin I" Bardzerberdtsi. Les mss. de ce texte sont nombreux : on en connaît douze à Edschmiadzin, dix au patriarcat arménien de Jérusalem, un à l’Académie des sciences de Pétersbourg, un au patriarcat arménien de Constantinople, un à la Bibliothèque nationale de Paris. C’est sur ce dernier et sur deux mss. de Saint-Lazare à Venise que V. Langlois établit sa traduction. Deux éditions du texte arménien ont été publiées à Jérusalem, la première en 1870, qui présente un texte secondaire, l’autre eu 1871, munie d’un index, dont le texte est correct. Le remaniement arménien a fait l’objet d’une étude critique de F. Haase, Die armenische Rezension der syrischen Chronik Michæls des Grossen, dans Oriens cliristianus, neue Série, t. v, 1915, p. 60-82, 271-284. Les conclusions ensontque la chronique arménienne n’est pas une traduction, mais une adaptation, les traducteurs ayant traité très librement l’original, ajoutant ou retranchant à leur gré, suivant ce qui devait plaire davantage aux lecteurs arméniens. Ce remaniement n’a donc à peu près plus aucune importance pour la connaissance de l'œuvre de Michel, sauf pour les passages où le manuscrit d’Orfa fait défaut ; c’est ainsi qu’il nous a préservé la liste des sources par laquelle Michel avait commencé sa Chronique.

III. Doctrine.

Patriarche jacobite, Michel a été un monophysite convaincu. Plusieurs faits de sa vie le démontrent, et principalement son attitude vis-àvis des Byzantins, des chalcédoniens, comme il affecte de les appeler. Lorsqu’en 11C9 il écrivit sa foi à propos des controverses soulevées par les Grecs à Antioche, l’empereur Manuel Comnène lui fit adresser par un dignitaire de Constantinople, nommé Christophe, une invitation à se rendre en cette ville. Barhébrseus, t. i, col. 549. Non seulement Michel n’y accéda point, mais lorsque l’année suivante, Théorianos vint en Syrie et lui fit savoir qu’il avait une lettre de l’empereur à lui remettre, Michel se contenta d’envoyer Jean de Kaysoum. De même, au deuxième voyage de Théorianos, le patriarche syrien se déroba et envoya Théodorebar Wahboun, son syncelle, avec l’ordre d’aller jusqu'à Constantinople, si l’occasion le requérait, mais les instructions qu’il lui remit montrent son opposition foncière contre les Grecs : « Si Dieu veut que tu arrives à la capitale, n’aie de conversation avec aucun de ceux qui s’y trouvent, abstiens-toi de toute leur conversation, toutes les fois que tu le pourras, car elle est mauvaise. » Chronicon de Bahmani, éd. Chabot, p. 313. Et le patriarche lui recommandait encore, lorsqu’il rencontrerait son ancien correspondant Christophe, de lui rappeler les fautes ou les erreurs qu’il avait précédemment confessées. Jbid., p. 314. On comprend que dans ces conditions Théodore ait fait échouer, dès sa première rencontre avec Théorianos, des pourparlers que le patriarche n’acceptait qu'à contre-cœur. P. G., t. cxxxiii, col. 288. Aussi bien Élie de Kaysoum, qui vint saluerThéorianos le lendemain, refusa de continuer la discussion et se contenta d’affirmer le bienfondé de la formule monophysite. Ibid., col. 296. Et aux trois lettres successives que l’empereur lui envoya par la suite, Michel ne répondit que par cette hautaine déclaration : « Nous désirons beaucoup… l’union avec quiconque ne change pas la doctrine des Pères et confesse avec Athanase et Cyrille l’unique nature du Verbe incarnée. » Barhébrœus, t. i, col. 557-559.

Telle est bien la doctrine de la profession de foi conservée en grec ; il y est précisé que la doctrine des Syriens n’est pas celle d’Eutychès : en disant « une hypostase » et « une nature », ils entendent sauvegarder la divinité et l’humanité sans changements. P. G.,

t. cxxxiii, col. 281. « Nous confessons, dit Michel, qu’il y a une seule hypostase, c’est-à-dire une seule nature du Christ. Car nous savons et croyor.s qu’elle est de deux (natures) sans confusion, sans division, sar.s changement, sans conversion. » Ibid., col. 284. « C’est le dogme que nous avons reçu des mains apostoliques ; confirmé par trois saints conciles œcuméniques. » Col. 285. La doctrine de la profession de foi arabe n’est pas différente : Michel y déclare se séparer de Nestorius, Eutychès, Mani et Marcion, Apollinaire, Julien (d’Halicarnasse) ; il se réfère à saint Athanase et saint Cyrille pour la formule « une seule nature du Verbe incarnée », et cite comme autorités de sa foi les conciles de Nicée, Constantinople et Éphèse, auxquels assistèrent sis compatriotes Jacques de Nisibe, Éphrem, Rabboula d'Édesse et Acace de Mélitène.

C’est cette foi aussi qui anime Michel dans le différend de quelques vardapets arméniens d'Édesse. en lutte contre leur patriarche. Comme ils avaient cherché appui auprès des Grecs, Michel s’inquiète de les voir sur le chemin qui conduit au chalcédonisme, epr ils disent déjà : Athanase et Cyrille « ont parfois affirmé deux natures dans le Christ et parfois une seule ; donc nous pouvons aussi dire une ou deux (natures) ». Michel leur explique longuement comment il faut comprendre au sens monophysite les paroles de ces Pères : Chronique, p. 704 sq., trad., t. iii, p. 351-354. Et c’est encore sa conviction monophysite qui rend Michel si dévot aux saints de son église, en particulier au patron de son couvent, Mâr Barsaumâ, dont il raconte les miracles avec un profond sentiment d’admiration. Michel est si bien apparu aux yeux de ses contemporains comme le chef et le soutien du monophysisme, que les Pères arméniens du concile de Sis en 1344, préparant une réunion de leur Église à l'Église romaine, anathématisèrent nommément Michel avec les deux théoriciens arméniens de l’hérésie, Jean Otznetsi et Paul de Daron. F. Tournebize, op. cit., p. 371.

Le choix de Michel par le patriarche d’Alexandrie, comme arbitre dans son conflit avec Marc ibn alQanbar, nous avalu enfin un témoignage sur la confession auriculaire, qu’il importe de mentionner. L’usage de confesser ses péchés à un prêtre était en train de se perdre dans l'Église d’Egypte, remplacé par rémunération des péchés à travers la colonne de fumée d’un encensoir. Ibn-al-Qanbar s'était élevé justement contre ce changement de discipline, mais il en était venu, dit Michel, à tomber dans l’erreur des messaliens et de Lampétius, professant que « quiconque confessait ses péchés était dans un corps en quelque sorte incorporel et arrivait à l’impassibilité ». Cette opinion « l’amenait à compter dans le Christ des natures, des volontés, des opérations ». Il n’en fallait pas plus pour que notre patriarche s’associât volontiers à l’excommunication portée par son collègue d’Alexandrie, et condamnât un homme qui chalcédonisait aussi effrontément. Pourtant, Michel déclare que, dans la question de la confession, c’est Ibn-al-Qanbar qui a raison. Dans l'Église syrienne, le même relâchement avait eu lieu, mais on y avait mis bon ordre ; Miche ! prescrivait « aux fidèles de confesser leurs péchés, comme l’ordonnaient les canons apostoliques, » et sans doute l’hérétique d’Alexandrie s'était prévalu de ce précédent. En le réfutant, Michel montre que la confession est louable, entendue autrement qu’il ne le fait. Il écrit ensuite au patriarche, aux évêques et au peuple d’Egypte, pour leur montrer qu’il ne faut pas mépriser la confession à cause de l’erreur d' Ibn-al-Qanbar. Chronique, p. 720, trad., t. iii, p. 379 sq. Voir sur cette affaire G. Graf, Ein Relormi’ersuch innerhalb der kopdsehen Kirche im zwôl/len Jahrhundert, dans Collectanea Hicrosolymitana, Yerôffentlichunqen der wissenschaftlîchen Station der Gôrresgesellscha/t in Jérusalem,