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MICHEL CÉRULAIRE, LES POLÉMIQUES


démontrer que le Christ a célébré la cène le 13 et non le 14 nisan l’effraient quelque peu et il s'écrie : « Laissons tout cela aux chronographes et aux calculateurs ! » xi, P. L., col. 988 D. Sa confiance dans les documents falsifiés s’est encore accrue. Il connaît un texte du VIe concile œcuménique où l’on entend l’empereur Constantin Pogonat interroger les légats romains sur la manière dont leur Église célèbre le saint sacrifice, et ceux-ci répondre en invoquant pour justifier les azymes une décision du pape Sylvestre : Sic et oblalio munda débet esse a’fermento, juxla quod in geslis pontifwalibus a beato Sijlvestro leyimus esse statutum. xix, col. 991 C. La façon dont il attaque la coutume grecque de mêler un peu d’eau chaude au précieux sang ne témoigne guère que de son pédantisme. Mais ces défauts, qui ne doivent pas faire oublier d’assez sérieuses qualités, sont péchés mignons à côté du vice capital du libelle d’Humbert. Dès les premières lignes s’affirme une violence dans l’invective qui va jusqu'à la grossièreté. Plus bête qu’un âne, Nicétas est bien moins un moine qu’un Épicure ; sa place n’est pas dans un monastère, mais au cirque ou dans un mauvais lieu : Nec credendus es degerc in monasterio Sludii sed in amphithcatro aut lupànari. i, col. 984 C. C’est un perfide stercorianiste, puisqu’il estime que le jeûne est rompu par la participation au corps et au sang du Christ, xxii, col. 993 ; un nicolaïte qui veut transformer l'Église de Dieu en une synagogue de Satan, en une prostituée ; un abominable cynique, qui ne sait même pas rougir de son vomissement : un vrai disciple de Mahomet, discipulus Muhamed, cujus farinie totus es. xxvi, col. 997. Ce débordement d’injures se termine par une sentence d’excommunication : Tu vero, miserrime Nicela, donec resipiscas, sis anathema ab omni Christi Ecclesia cum omnibus qui tibi acquiescunt in tam perversa doclrina. xxxv, col. 1000.

Au Palais-Sacré, où l’on continuait toujours à entretenir l’idée d’une réconciliation avec Rome, on s’alarma de ces violences. On entreprit de réconcilier les deux adversaires. Le 24 juin, les légats se rendirent au monastère du Stoudion.et là, en présence de l’empereur, eut lieu une discussion entre le moine grec et les représentants du pape. A en croire la Commemoratio brevis, Nicétas se serait laissé convaincre de son erreur, aurait anathématisé son récent écrit et toutes les personnes qui niaient la primauté de l'Église romaine, ou se permettaient d’attaquer en quelque point sa foi toujours orthodoxe. Sur l’heure l'écrit de Nicétas fut jeté au feu ; le lendemain, le moine allait trouver les légats, hors de la ville, au palais de Pégès où ils résidaient, et après une nouvelle condamnation qu’il porta lui-même sur son livre, il fut reçu par eux à la communion, la réconciliation fut complète : Efjectus esteorum familiaris amicus. Com. brevis, i, ii, P. L., t. cxliii, col. 1001.

La rupture avec Michel.

 Succès tout relatif,

d’ailleurs, car le patriarche lui-même entendait bien ne plus se départir de l’attitude qu’il avait prise : il ignorerait les légats, se refuserait à toute discussion, à toute audience. Témoignage concordant de la Comm. brevis, iii, col. 1001, et de Cérulaire lui-même, iie lettre à Pierre d’Antioche, 3, P. G., t. cxx, col. 816. Les légats finirent par se rendre compte que, si la poigne du basileus pouvait courber le front d’un moine, elle était impuissante à faire obéir le patriarche ; ils se décidèrent à quitter Constantinople, mais sur un coup d'éclat. Le samedi 16 juillet ils se rendirent à Sainte-Sophie à l’heure du service solennel, et après avoir protesté contre l’obstination du patriarche, ils déposèrent, au vu de tous, clergé et peuple, sur l’autel principal une sentence d’excommunication contre lui. Puis, sortant de l'église, ils secouèrent la poussière de leurs souliers, suivant la recommandation du Christ,

en s'écriant : « Que Dieu voie et nous juge. Com. brevis, m ; cf. iie lettre de Cérulaire à Pierre d’Antioche, 4, P. G., col. 817 ; Édit. synodal, ibid., col. 741.

Le texte de l’excommunication nous est conservé à la fois par Humbert et par Cérulaire : les deux versions ne diffèrent pas sensiblement. Ce texte commence par rappeler la primauté du Siège apostolique et son droit de regard (sollicitudo) sur toutes les Églises ; ces prérogatives justifient la venue à Constantinople des légats. Comme jadis Jahvé descendait à Sodome pour se rendre compte de la vérité des rumeurs qui étaient montées jusqu'à lui, les apocrisiaires romains sont venus en cette ville, pour savoir si vraiment les cris qui sans cesse en venaient, étaient justifiés ou non. Leur enquête leur a fait connaître les bons sentiments et l’orthodoxie des glorieux autocrates, du clergé, du sénat et du peuple. Mais, par contre, Michel, qui par abus se dénomme patriarche, et ses fauteurs ne cessent de semer en cette ville l’ivraie de leurs hérésies. Suivait une énumération des diverses erreurs doctrinales auxquelles s’apparentait le faux patriarche : Comme les simoniaques, lui et ses gens, vendent le don de Dieu ; comme les valésiens (cf. S. Augustin, De hæres., xxxvii, P.L., t.'xui, col. 32) ils pratiquent la castration, et laissent arriver des eunuques à la cléricature et même à l'épiscopat ; comme les ariens, ils rebaptisent, en particulier les Latins ; comme les donatistes, ils affirment qu’en dehors de l'Église grecque, l'Église du Christ a disparu ; comme les nicolaïtes, ils admettent le mariage des prêtres ; comme les sévériens, ils déclarent maudite la loi de Moïse ; comme les pneumatomaques, ils ont retranché du symbole la procession du Saint-Esprit à partir du Fils ; comme les manichéens, ils déclarent entre autres que le pain fermenté a une âme ; comme les nazaréens, ils attachent de l’importance aux questions de pureté extérieure, refusant de baptiser les enfants, même en danger de mort, avant qu’ils aient huit jours, refusant la communion ou même le baptême aux femmes en couches et au moment de leurs règles, et cela même en cas de danger, et de plus ils ne reçoivent pas à la communion ceux qui se rasent la barbe selon la coutume de l'Église romaine. « Rappelé à l’ordre pour toutes ces erreurs et pour plusieurs actes coupables par lettres de notre maître le pape Léon, Michel a refusé de venir à résipiscence. Puis à nous, légats, voulant le reprendre pour tout cela, il nous a refusé audience, nous a interdit de dire la messe dans les églises, comme jadis il avait fermé les églises des Latins, les appelant azymites et les poursuivant par paroles et voies de fait, allant jusqu'à anathématiser le Siège apostolique dans ses enfants, osant se prévaloir à rencontre du Saint-Siège du titre de patriarche œcuménique. Nous donc, ne pouvant supporter ces injures inouïes et ces outrages adressés au Saint-Siège, remarquant que la foi catholique est en tout ceci notoirement atteinte, par l’autorité de la sainte et indivisible Trinité, du Siège apostolique, dont nous sommes les chargés d’affaires, de tous les Pères orthodoxes des sept conciles, de toute l'Église catholique en un mot, nous signons l’anathème contre Michel et ses fauteurs, anathème que le révérendissime pape avait prononcé contre eux s’ils ne venaient à résipiscence. Et dès lors : Michel, qui se dit faussement patriarche, en réalité néophyte et n’ayant pris l’habit monastique que par crainte, en butte aux accusations les plus graves, avec lui Léon qui se dit évêque d’Achrida, le sacellaire de Michel, Constantin (le texte grec dit Nicéphore), qui a sacrilègement foulé aux pieds le sacrifice des Latins, et tous ceux qui les suivent en leurs susdites erreurs et présomptions, qu’ils soient anathema maranatha (voir ci-dessus col. 1685) avec les simoniaques, valésiens, ariens, donatistes, nicolaïtes.