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MICHEL CÉRULAIRE, OCCASION DU CONFLIT


senliendiim, lui écrit le pape saint Léon. Epist., ci, P. L., t. cxliii, col. 770 A.

De cette rupture des relations ecclésiastiques entre les deux moitiés de la chrétienté, ce n’est pas ici le lieu d’analyser les causes éloignées ou prochaines ; il nous suiïîra d’avoir constaté le fait. Disons pourtant que les raisons qui, dans le domaine religieux, poussaient Constantinople à se retirer de l’obédience romaine étaient renforcées par les démêlés politiques qui, à tout instant, depuis l’époque carolingienne, mettaient aux prises les basileis avec les souverains temporels de l’Occident latin. Si les patriarches de la ville « protégée de Dieu » n’avaient que trop de tendances à rechercher une autocéphalie qui flattait leur orgueil, les empereurs byzantins avaient bien des raisons pour entretenir ces penchants.

En un point de l’espace surtout les frictions étaient continues entre les basileis et les césars occidentaux. Terre byzantine de par la conquête de Justinien au vie siècle, l’Italie, lambeau par lambeau, avait été arrachée à l’Empire. A un moment du ix B siècle, la domination de Constantinople s’y était réduite à une étroite zone littorale dans la région du Sud. Mais, au xe siècle, Byzance s’est relevée d’un long abaissement ; sur toutes ses frontières l’empire romain s’est renforcé ; de haute lutte il a repris une bonne partie des terres qui lui avaient jadis appartenu. L’Italie du Sud a été partiellement reconquise, les deux thèmes des Lombards et de Calabre ont été réorganisés, et il est possible, qu’à un moment ou à l’autre, sous le règne de Basile II le Bulgaroctone, on ait envisagé la conquête de Rome. C’est aussi vers l’Italie que, depuis l’établissement du Saint-Empire romain de la nation germanique les césars allemands tournent leurs ambitions. La fin du xe, le début du xie siècle sont remplis de leurs tentatives pour imposer leur suzeraineté jusqu’à l’Italie méridionale. Nous n’avons pas à dire ici les diverses expéditions allemandes entreprises en cette région, les secours fournis aux indigènes en révolte contre la domination byzantine, les efforts soutenus pour faire des principautés de Bénévent et de Salerne les points d’appui de la pénétration germanique. Il est inévitable que cette action allemande dans l’Italie du Sud ait exaspéré Constantinople ; l’irritation du Sacré-Palais n’a fait que croître, et contre les césars occidentaux, et contre les papes de Rome qui ne sont trop souvent que leurs serviteurs. A une époque où les questions politiques retentissent immédiatement dans les affaires religieuses, les frictions dont nous venons de parler ne pouvaient guère favoriser les bons rapports entre les deux Églises de Borne et de Constantinople.

Or, par un singulier revirement, l’année 1050 va voir s’ébaucher puis se conclure une alliance entre le basileus Constantin IX, l’empereur Henri III et le pape Léon IX, et justement encore à cause des affaires italiennes. C’est qu’un tertius galiciens est survenu dans ces régions, qui profite de la lutte séculaire entre indigènes, Grecs et Allemands, pour se tailler un domaine de plus en plus étendu. C’est l’installation des Normands, dans l’Italie du Sud, ce sont leurs déprédations, c’es*t leur arrogance qui, dans le commun péril, vont amener l’union des anciens adversaires. Le représentant du basileus en Italie, Argyros, est l’inspirateur de cette politique nouvelle. II l’a préconisée durant son séjour à Constantinople (entre 1019 et 1051) ; il la pratique dès qu’il est débarqué à Bari en 1051. Le basileus y est acquis ; le pape Léon IX s’y rallie avec joie, il essaie, non sans succès, d’y rallier l’empereur germanique dans son voyage de 1052.

Mais à cette politique un homme ne trouvait pas son compte, c’était Michel Cérulaire. LIne union politique

entre le basileus et l’Occident, c’était de toute nécessité un rétablissement des relations religieuses entre la nouvelle Rome et l’ancienne ; c’était la fin de l’autocéphalie où se complaisait Michel. On le voyait bien dès 1052, puisque le patriarche d’Antioçhe, choisi de Constantinople parmi les amis de Rome, inaugurait son règne en envoyant une synodique à Léon IX qui lui répondait au printemps de 1053 par l’envoi de sa profession de foi. P. L., t. cxliii, col. 769-773. Un jour ou l’autre le basileus exigerait sans doute de Cérulaire une démarche analogue ; Cérulaire n’était pas homme à s’y résigner sans combat. Sa conscience même le lui interdisait. Persuadé comme il l’était que les Occidentaux erraient sur plusieurs points importants du dogme et de la discipline, il ne croyait pouvoir réaliser cette commnnicatio in sacris qu’impliquait le rétablissement aux diptyques du pape romain. Sur ce point il s’est expliqué d’ailleurs avec une suffisante clarté. Voir des textes encore partiellement inédits dont la traduction est donnée dans Ant. Michel, Humbert und Kerullarios, Paderborn, 1925, p. 35 sq.

Le conflit à Constantinople.

Il est des cas où

l’olfensive est la meilleure forme de défensive, (/est pour empêcher entre Grecs et Latins la collusion qu’il redoute, c’est pour défendre les prérogatives de son siège que Cérulaire se met le premier en campagne.

Déjà il avait vivement combattu, pendant le séjour d’Argyros à Constantinople, les vues pacificatrices de ce dernier ; son irritation contre le catapan d’Italie avait pris la forme d’une haine personnelle, et à plusieurs reprises Argyros s’était vu refuser la communion. Michel à Pierre d’Antioçhe, lettre i, n. 7, P. G., t. cxx, col. 788. C’est sans doute au même moment ou un peu après, mais à coup sûr sous la même inspiration, que Cérulaire agit contre les Latins installés à Constantinople. Depuis quelque temps déjà les Hongrois et les Amalfitains avaient dans la capitale leurs églises à eux, où la liturgie se célébrait selon le rite latin. Par ordre du patriarche ces lieux de culte furent fermés ; des scènes de désordre eurent lieu où la populace fut montée contre les étrangers. A en croire une accusation postérieure du cardinal Humbert, le sacellaire Nicéphore serait allé jusqu’à des violences sacrilèges : les hosties des Latins auraient été foulées aux pieds, le pain azyme dont elles étaient faites n’étant pas susceptible d’abriter la présence réelle du Sauveur. Sur ces points, voir : S. Léon, Epist., c, n. 19, et 29, P. L., t. cxliii, col. 758 et 764, et l’excommunication portée par Humbert, P. G., t. cxx, col. 745746A. Ces violences, dans la pensée de Michel, devaient rendre difficile, impossible même, l’union avec Rome.

Il n’y faudrait pas insister cependant. Sur tout ceci on n’eut à Rome que des renseignements incomplets, et il ne semble pas qu’on y ait attaché d’abord une importance tragique ; l’émotion fut beaucoup plus vive quand, au printemps de 1053, fut transmise à la curie romaine, alors tout occupée des préparatifs de l’expédition contre les Normands, une lettre qui venait d’arriver à l’évêque de Trani, Jean, en provenance de Constantinople. C’était elle qui allait mettre le feu aux poudres.

3° La lettre à Jean de Trani. - Rédigée en grec, cette lettre avait été remise aussitôt au cardinal Humbert, le personnage le plus important de la curie, qui l’avait immédiatement traduite en latin.

Elle se donnait comme écrite par Léon, métropolite d’Achrida en Bulgarie. La Bulgarie était redevenue, depuis les conquêtes de Basile II en 11)2(1, une province de L’Empire et avait été pourvue peu après d’une hiérarchie grecque dont Léon était pour lors le chef. En étroites relations avec le patriarche de