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MICHEL CERULAIRE, LE CONFLIT AVEC ROME


çait d’emporter le nouveau souverain. Il espérait sans doute se créer des droits à la reconnaissance du basileus et reprendre la situation qu’il avait eue jadis sous Constantin Monomaque. Il n’en fut rien. Cérulaire, dès lors, passa dans l’opposition, Il n’est guère douteux qu’il n’ait encouragé de bonne heure le complot qui se forma à Pâques 1057 parmi les généraux mécontents, pour substituer Isaac Comnène au vieux Michel. Il est certain qu’au dernier moment il fut l’animateur du mouvement qui hâta la chute du Stratiotikos ; c’est lui qui le 30 août proclama à Sainte-Sophie la déchéance de Michel, l’avènement de Comnène ; c’est lui qui prit en main la direction de l’émeute, constitua le gouvernement provisoire en attendant rentrée dans la « ville gardée de Dieu » d’Isaac Comnène qu’il couronna le 1 er septembre. Sur la reconstitution de ces événements, voir H. Mâdler, Theodora, Michæl Stratioticos, Isaac Comnenos (dissert inaug.), Plaucn, 1894, spécialement p. 10 sq.

De tels services, et témoignant d’une telle puissance, auraient dû créer au nouveau basileus une vive reconnaissance à l’endroit de Cérulaire. Ce fut d’abord ce qui arriva, et durant les premiers mois du règne le patriarche fut à l’apogée de son pouvoir. Sans aller jusqu’à prétendre que Cérulaire ait jamais songé à réunir dans ses mains les deux pouvoirs civil et religieux (cf. Bréhier, op. cit., p. 275), il faut bien reconnaître qu’il entendait gouverner le basileus ; les témoignages très précis de deux contemporains, Michel d’Attalie et Jean Skylitzès, ne laissent aucun doute sur ce dessein, et il ne nous paraît pas nécessaire de recourir au réquisitoire de Psellus, pièce toute de commande, pour établir ce point. Mais Comnène n’était pas homme à se donner un maître ; il résolut bientôt de se débarrasser du patriarche. Profitant du moment où, selon son habitude, Cérulaire s’était, quelques semaines avant Noël, retiré en un monastère suburbain, il le. fit arrêter, jeter dans une embarcation et conduire dans l’île de Proconnèse (Maimara). Bientôt même on trouva que cette prison était encore trop rapprochée de Constantinople ; ordre fut donné de transférer Michel à l’île d’Imbros, dans l’Archipel. Il s’agissait maintenant d’obtenir de lui une abdication en forme, qui permettrait de lui donner un successeur. Mais, dans son cachot, Cérulaire se refusa à faire la moindre concession ; il fallut donc songer à une déposition en règle, et pour cela constituer un tribunal ecclésiastique devant qui l’on ferait comparaître le patriarche. C’est en prévision de ce procès que Psellus, l’ancien ami de Cérulaire, composa le réquisitoire dont il a été plusieurs fois question, et qui ne lui fait guère d’honneur. Le o consul des philosophes » en serait pour ses frais et pour sa honte. Le tribunal avait été réuni dans une ville de Thrace que Psellus ne désigne pas autrement, mais le vaisseau qui devait y conduire Michel fut entraîné par les courants dans la mer de Marmara et aborda au petit port de Madyle, assez loin, semblet-il, de l’endroit prévu pour la comparution. C’esl à Madyte que Cérulaire mourut quelques jours plus tard, accablé par les émotions de toute sorte, les fatigues et les mauvais traitements qu’on ne lui avait pas épargnés. C’était quelques jours avant Noël 1058.

A peine le patriarche est-il morl que la réputation de sa sainteté se répand dans toute l’Église d’Orient. Isaac Comnène affecte dès lors pour lui une vénération aussi grande qu’avait été sa sévérité. Sur son ordre le corps de Cérulaire est ramené en grande pompe à Constantinople, et le basileus vient lui-même honorer la dépouille mortelle, demandant pardon de ce qu’il avait entrepris (outre le confesseur de la foi. On parla bientôt du miracle permanent qui s’opérait au tombeau de.Michel, OÙ sa main droite, placée en forme da croix, comme jadis quand il bénissait le peuple,

demeurait sans corruption. L’année suivante, Isaac Comnène abdiquait à son tour, ayant désigné comma successeur Constantin X Doucas (1059-1007). Celui-ci était marié à Eudocie la propre nièce du patriarche défunt ; l’apothéose de Cérulaire allait commencer. Le nouveau patriarche, Constantin Lichoudès, instituait en son honneur des panégyries annuelles. C’est à la première célébration sans doute que Psellus, désireux de se concilier la faveur d’Eudocie, prononça cette oraison funèbre démesurée où il célébrait la sainteté et les hauts faits de celui dont il avait jadis requis la condamnation. La politique connaît de ces revirements !

IL Le conflit avec Rome. — En exposant la carrière de Michel Cérulaire sans entrer dans le détail du conflit avec Rome, nous n’avons fait en somme que reproduire l’impression que laissent les écrivains byzantins.

Pour eux, en effet (et Psellus ne fait guère exception dans l’Oraison funèbre), le fameux conflit de 1051 auquel nous attachons aujourd’hui tant d’importance ne semble pas compter. C’est à peine si une Chronique byzantine du xme siècle (qui a peut-être été influencée par les idées latines) fait allusion à l’ambition de Michel de jouer en Orient le même rôle que le pape en Occident, xocrà tov tîjç 7TpeaêuTépaç’Pa)o.Y)ç -KânoLV ayeiv. Sathas, Biblioth., t. vii, p. 164. Il y a plus. Les Latins eux-mêmes contemporains de l’événement ne semblent pas accorder beaucoup plus d’intérêt à un fait qui nous apparaît si gros de conséquences, et l’impression que donnent les acteurs mêmes du drame, c’est que Rome est sortie du conflit à son honneur. C’est finalement Michel qui fait figure de vaincu. Voir ci-dessous, col. 1702.

Et pourtant l’opinion est aujourd’hui, et depuis longtemps déjà, fermement ancrée, dans l’une et l’autre Église, que Cérulaire est responsable de la rupture, qui, plusieurs fois esquissée au cours des siècles précédents, a pris, de son chef, un caractère définitif. C’est à cause de ce geste que sa mémoire est honorée à Constantinople et dans les Églises qui relèvent plus ou moins de l’obédience byzantine, qu’elle est honnie à Rome et chez ceux qui dépendent d’elle. Ce n’est pas ici le lieu, semble-t-il, d’établir le bien-fondé de cette appréciation concordante, qu’il convient de renvoyer à une étude d’ensemble sur le schisme oriental. Voir Schisme oriental. Peut-être, en effet, le conflit de 1054 a-t-il eu un caractère plus épisodique qu’on ne le prétend d’ordinaire. Il reste qu’il a été un événement d’importance et dont il faut retracer ici très exactement et l’occasion et les diverses phases. C’est le seul but que l’on visera ici.

1° J/occasion du conflit. — Bien que l’on ail à maintes reprises soutenu le contraire, il nous paraît qu’au milieu du XIe siècle les relations étaient rompue » depuis un certain temps déjà entre Rome et Constantinople. A coup sûr ce n’était pas l’état de guerre entre les deux sièges, mais de part et d’autre on semblait avoir pris son parti d’une situation qui, à d’autres époques, aurait semblé anormale. Il est bien certain, par exemple, que Michel Cérulaire, au moment de son élévation au trône patriarcal, en 1013, n’envoya pas à Rome de lettre synodique ; certain également que sous son règne, et sans doute antérieurement déjà, le nom du pape n’était plus inscrit aux diptyques. Une attitude analogue était observée par les autres patriarcats orientaux, au moins par celui d’Antioche, le seul qui se trouvât en terre byzantine. La lettre par laquelle le patriarche Pierre notifia, en 1052, son élévation à saint Léon IX, causa à la curie romaine une joyeuse surprise, parce qu’elle reprenait une tradition interrompue ; Tandi.m per te videtur refloruisse sanctæ AntiSehena Ecclesiæ studium et sentire quod est