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MICHÉE, LE LIVRE


distinguent considérablement pour se rencontrer avec le Deutéro-Jsaïe, Joël et Zacharie xii-xiv ; c) Bethléem et Éphrata, identifiés ici, ne le sont pas ailleurs, sinon dans la littérature postexilienne… d) Dans ces deux chapitres en liii, l’exil est supposé déjà survenu.

En conséquence, ces deux chapitres constituent une œuvre composite qu’on ne saurait dater que des temps qui ont suivi la captivité ; et même, selon Marti, les j. 4-14 du c. v, et, selon Duhm, tout le passage ne remonteraient pas au delà du iie siècle. Pour l’histoire de cette discussion voir Ryssel, Untersuchungen uber die Textgestalt und die Echtheit des Bûches Micha, Leipzig, 1887, p. 230 sq., et J. M. P. Smith, op. cit., p. 9 sq.

De tels arguments et la conclusion qu’on en tire sont loin pourtant d’avoir la valeur qu’on leur attribue trop généralement. — a) La prétendue incompatibilité entre les deux discours de Michée, l’un de menace, Mil, l’autre de promesse, iv-v, n’existe pas ; le rapprochement qu’on établit entre eux pour les opposer, ne répond pas sans doute à la réalité, car ils furent prononcés dans des circonstances qui ont dû être tout à fait différentes ; tandis que le premier discours, tout de menace, fut prononcé au moment où les armées assyriennes allaient frapper Samarie, ce n’est que plus tard, alors que l’éventualité imminente d’une invasion ennemie s’était éloignée, que Michée, dans son deuxième discours, entrevit une restauration glorieuse. La citation de l’exemple de Michée dans le livre de Jérémie ne laisse-t-elle pas d’ailleurs entendre que sa prédication n’avait pas été sans efficacité, puisque Dieu avait détourné de son peuple le châtiment imminent dont le menaçait le prophète ? « Et Jahvé s’est repenti de ce qu’il avait prononcé contre eux. » Jer., xxvi, 19. Ainsi donc si le danger assyrien n’était pas supprimé, le répit dont jouissait Jérusalem « permettait d’ouvrir aux yeux du peuple la consolante perspective des destinées glorieuses que Jahvé lui réservait. » Van Hoonacker, op. cit., p. 347.

b) D’autre part, tout, dans ces deux chapitres de Michée, n’est pas étranger aux prophètes ses contemporains, telle, par exemple, la prédiction de la conversion des peuples à la loi de Jahvé ; il n’est pas nécessaire, pour la rencontrer, d’aller la chercher dans le DeutéroIsaïe ou dans Zacharie ; Jérémie l’a formellement énoncée, ni, 17, et Isaïe, à maintes reprises, y fait allusion, xi, 10 ; xviii, 17 ; xix, 16-25 ; ce dernier passage, malgré les nombreuses et graves objections formulées contre son authenticité, n’est cependant pas à refuser à Isaïe ; Driver, Kuenen, Dillmann, Cornill… le lui maintiennent. Cf. Condamin, Le livre d’Isaïe, Paris, 1905, p. 134-136.

c) L’application du nom d’Éphrata à Bethléem, loin de trahir une origine récente, apparaît au contraire tout à fait dans la manière des jeux de mots du premier discours au cm ; si, en effet, le nom d’Éphrata est ici rapproché de celui de Bethléem, renfermant la souche qui doit produire le Messie, n’est-ce pas parce qu’il est implicitement mis en rapport avec la racine pûrâh : produire ?

d) Quant à la situation, enfin, qui serait celle de l’exil ou même des temps qui l’ont suivi, on a justement fait remarquer que l’inspiration prophétique peut donner la connaissance d’événements de beaucoup postérieurs au temps où fut prononcé l’oracle, comme le serait la fin de l’exil babylonien pour un voyant du viii c siècle. D’ailleurs, il n’est pas ici nécessairement question de la grande déportation du temps de Nabuchodonosor ; il s’agit peut-être, tout simplement, d’une déportation faite par les Assyriens, qui, du temps de Sargon déjà, transportaient les captifs à Babylone. A noter, pour finir, que s’il faut recon naître, avec quelques critiques, une glose tardive dans le ꝟ. 10 du c. iv, ou tout au moins dans ces mots : « Tu iras jusqu’à Babylone » (Nowack, Sellin, Van Hoonacker), un des principaux arguments en faveur d’une époque exilienne ou postexilienne pour la composition des c. iv-v de Michée perd son plus solide point d’appui.

Ainsi donc il n’y a pas d’arguments décisifs contre l’authenticité globale du deuxième discours de Michée. Cette conclusion se trouve encore confirmée par les deux remarques suivantes. Tout d’abord, la comparaison des ꝟ. 1-5 du c. iv de Michée avec Is., h, 2-5, établit nettement la priorité du texte de Michée, soit parce qu’il est meilleur que celui d’Isaïe, soit parce que son lien avec le contexte précédent, sans être complètement satisfaisant, est à coup sûr meilleur que dans Isaïe. Cf. Condamin, op. cit., p. 20. Est-ce à dire que le prophète Isaïe aurait lui-même emprunté ces quelques versets au livre de Michée ? Il ne le semble pas ; ou bien tous deux dépendraient d’une source commune, ou mieux il y aurait emprunt fait au livre de Michée, mais inséré de seconde main dans celui d’Isaïe. Ensuite, l’extirpation de tous les éléments de superstition et d’idolâtrie, que les influences païennes avaient introduits en Israël et qui sont mentionnés v, 11-13, pourrait bien être une allusion à la réforme religieuse instaurée par Ézéchias, et ainsi l’oracle que ces versets terminent s’affirmerait l’œuvre du prophète du viiie siècle.

3. Les chapitres vi-vii.

L’authenticité de ces derniers chapitres a été également l’objet de nombreuses discussions ; toutefois la critique est, à leur endroit, moins radicale que pour les deux chapitres précédents ; elle hésite à refuser à Michée au moins vi, 9-16 et vii, 1-6, et lui attribue même vi, 1-vn, 6 (Cornill, Steuernagel). Elle y voit, en général, un assemblage d’éléments de provenances et d’époques différentes ; l’un d’eux, la prière qui termine le recueil, vii, 7-20, daterait du temps de l’exil ou même d’après l’édit de Cyrus (Nowack), a moins que ce ne soit du IIe siècle, selon l’opinion de Marti et surtout de Haupt qui assigne à la période machabéenne, 170-100, les chapitres iv VII.

Constatons d’abord l’unité des deux derniers chapitres de Michée. La séparation très nette, généralement admise, entre vi-vn, 6, et vii, 7-20, ne s’impose pas ; la situation, en effet, que suppose la prière finale vu, 7-20, est bien la même que celle qui est décrite dans les versets précédents ; l’accent pénétré et pathétique qui l’anime est dans la même note que celui de la description de la colère divine et du châtiment prochain, vi ; sa forme dramatique enfin, qui tour à tour met en scène le peuple et Jahvé, continue le procédé employé vi, 1-8, où c’est tantôt Jahvé qui parle, tantôt un personnage représentant le peuple ettantôt un troisième interlocuteur. Cette unité des c. vi-vn apparaîtra plus parfaite encore, si l’on en restitue l’ordre logique qui a dû être l’ordre primitif en reportant les f. Il L’-13 du c. vu après le ꝟ. 6 du même chapitre, où ils continueront la menace de l’invasion étrangère et de la dévastation d’Israël, tandis qu’ils interrompaient manifestement la prière du c. vii, 7-ll a, qui ainsi se poursuit tout naturellement dans vu, 14-20. Cf. Van Hoonacker, op. cit., p. 349.

l’nis eut re eux, les éléments de ces chapitres vi et vu ne le sont pas moins au reste du livre, surtout s’il y est question, comme c’esl probable, de la ruine de Samarie, désormais fait accompli, et non pas de celle de Juda et de Jérusalem, qui ne sont pas nommés une seule fois. Les traits de la description du châtiment, vu, 1-6, rappellent, en effet, absolument ceux que le prophète Osée a laissés des années qui précédèrent l’invasion assyrienne dans le royaume du Nord,