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MEYRONNES


ronnes est le premier et le plus coupable peut-être de ces disciples maladroits qui encombrent de réalités chimériques et subtiles la métaphysique de Duns Scot, et par l’exagération des principes de son maître mérita le titre de Magister aculus abstractionum. » Ue Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain-Paris, 1912, p. 531. Ce titre, dont M. De Wulf fait un grief à Meyronnes, était au contraire regardé comme un honneur pour celui auquel il fut donné, non point pour avoir multiplié les formalités, mais pour avoir découvert dans les œuvres de son maître quelques vérités cachées et abstraites : Arcana quædam et abstracta diligenlissime inprimis indagator invertit, quo factura est ut Abstraclionum magister merito dici meruerit. Ainsi s’exprimait Maurice du Port, dans l’avant-propos de son édition des commentaires sur les Sentences. Pour ce même auteur, sans les ouvrages de Meyronnes : Ad unguem nec disciplinas quas profitemur, nec scholasticse apicem quisquam adipisci potest… tantum nostris studiis necessarium ut solus is Scoli doctrinam aliis ignotam nobis aperiat atque dilucidet. Tandis que pour les uns il a exagéré les principes du Docteur subtil, pour les autres il les a perfectionnés, par exemple, dans la question de la distinction formelle. C’est lui, écrit le P. Prosper de Martigné, qui a formulé cette proposition universelle d’un usage fréquent dans toute démonstration des formalités : Ea de quibus demonstrantur diversa, et quibus conveniunt opposila eliam contradictorie, omni aclu intellectus secluso ex sua disiinguuntur natura. Il est une autre question, alors très discutée dans l’école, celle de l’immaculée conception de Marie, sur laquelle le premier il donna par écrit l’argument de convenance que l’on prête au Docteur mariai, mais dont c^lui-cï n’avait formulé que la première proposition. Deus poluit facere quod ipsa nunquam fuerit in peccato. Scot n’osait aller plus loin : Quid autem factum sit Deus novit. In 1 1 Ium lib., dist. III, q. i. Meyronnes n’hésite pas à écrire : 1. Quod Deus poluit matrem suam prwservare ; 2. Quod hoc ipsum decuil ; 3. Quod de facto ipsammct ab originali prseservavit. Ibid., q. n. Il a été en effet, et c’est une de ses gloires, un ardent champion du glorieux privilège de la Vierge, au point qu’un tenant de l’opinion opposée, Henri de Hesse, imaginait un dialogue entre les deux patriarches des prêcheurs et des mineurs, au cours duquel Dominique priait François de se réveiller et de rappeler ses fils au respect des saints docteurs, de saint Bernard en particulier ; et il s’en prend à Meyronnes, tui ordinis quidam professor universitalis Varisiensis doctor theologicus, dont un autre mineur avait eu récemment l’impudence d’invoquer l’autorité, et il donne le surnom de « Maronites » à ceux qui le suivent. Toutes les thèses du Docteur illuminé n’ont pas eu le même succès. Dans sa Collectio judiciorum de novis erroribus, du Plessis d’Argent ré a inséré comme censurées parla Faculté de théologie deux de ses opinions : une sur la question Utrum Deus sit causa efjectiva peccali (In Ilum, dist. IV, q. iv), dont les conclusions sont qualifiées perversa conseclaria et qui, bien qu’il cherche à les justifier, seraient difficiles à soutenir. Elles se rapprochent de l’enseignement que donnait alors à Oxford Thomas Bradwardinc, dont la Causa Dei fit du bruit les années qui suivirent. L’autre dite temeraria opinio, in scholis Iheologorum communiter improbata, se trouve au !. III, dist. IV, q. i, a. 6, où il enseigne quod corpus Christi in mntris utero vere habuit ordinem in tolo et non in loco sicut ipse in hostia habet, ideo non eral ibi distinclio localis sed solum diffinitive. On a encore cherché querelle à Meyroni es pour son enseignement sur l’origine du pouvoir du pape d’accorder des indulgences. Brièvemeit exposé In I Vum, dist. XIX, q. ii, il est longuement développé dans le sermon du jour de Saint-Pierre-aux-Liens,

DICT. DE THÉOL. CATH.

prononcé devant la cour pontificale. Il ne retient pas pour suffisamment établie l’existence du trésor de l’Église, aussi toute l’efficacité des indulgences vient-elle du pouvoir que le Christ a donné à Pierre de lier et de délier : celui qui peut remettre la couîpe peut également remettre la peine. Maurice du Port, son éditeur, se contente de noter en marge, opinio singularissima ; elle est en opposition avec l’extravagante Unigenilus, mais cette décrétale de Clément VI est du 27 janvier 1343, postérieure donc de vingt ans aux commentaires. En outre, comme le remarque YVadding, elle n’est pas une définition dogmatique, mais un exposé de l’enseignement ordinaire de l’Église ; aussi le franciscain Michel Mcdina croyait-il pouvoir la défendre dans ses Disputationes de indulgentiis ad Patres S. Concilii Tridenlini, ’Vemse, 1564, disp. VIII, c. xxxix et xi..

Ce sont, croyons-nous, les seules critiques que l’on ait formulées contre l’enseignement de Meyronnes, dont nous voyons l’autorité invoquée avec confiance par saint Jean de Capistran, accusé d’hérésie, dans son mémoire justificatif présenté au pape Pie II en 1462 : Usée non est mea sed doctorum catholicorum doclorum sententia, qui in omnibus collegiis leguntur, videlicet domini Francisci de Mairone doctoris acutissimi et illuminatissimi, domini Bonaventuræ cardinalis, Richardi de Mediavilla, in theologia ulriusque juris peritissimi. Analecta franciscana, Quaracchi, 1887, t. ii, p. 395. Nous voyons par cette phrase que Meyronnes était un des auteurs enseignés dans l’école franciscaine, et nous en trouvons la confirmation dans les Constitutiones Alexandrinw, publiées en 1501, qui ordonnaient que, dans les études de l’ordre, l’on ferait pendant trois ans, la lecture des sentences avec les questions de Scot ou d’autres docteurs, Alexandre de Aies, Bonaventure, Meyronnes ou Richard de Middletown.

111. Ouvrages. — Les Scripta in IV libros Sententiarum constituent le principal ouvrage de Meyronnes. A leur sujet Maurice du Port qui les édita nous dit : Scripsit super Magislrum non modo bis ut plerique, sed ter et in quosdam etiam ejus libros quater, ce qu’il faut surtout entendre du Ie’livre, dont il est considéré comme le commentateur par excellence. De là les différences que l’on remarque entre les mss. du Scriptum in lum Sententiarum. La Bibliothèque vaticane en possède cinq (mss. lat. 892-896) avec quatre incipit différents. Il fut imprimé une première fois à Trévise, 1476, puis à Bâle, 1489, avec le litre de Conflalus. Maurice le réédita à Venise, 1504, en le faisant suivre des Scripta sur les trois autres livres, 1505-1507, restés jusqu’alors inédits. On remarque une grande disproportion entre ces commentaires ; ceux sur le premier livre dépassent de beaucoup en étendue les trois autres réunis. Avant de mourir, Maurice avait revu cet ouvrage, qui parut de nouveau à Venise, en 1519 et 1520, par les soins d’un carme, i ommé simplement Hippolitus. Celui-ci y ajoutait un triple Index copiosissimus. On rencontre d’autres index en divers mss. ; un, daté de 1449, à la bibliothèque de Dantzig, ms. 1493, un autre de 1459 par le frère Jacques de Justinopoli Textor, qui fit aussi une Expositio super primas quæsliones conflatus, à Assise, ms. 265. Dans la même bibliothèque, le ms. 45 du fo : ds moderne est le Spiraculum Francisci de Mayronis, composé pendant les vacances de 1416 par un étudiant de l’université de Bologne, qui avait déjà fait un stage à Paris et dont nous savons seulement qu’il était originaire d’Evora. C’est un compendium de doctrine scotiste, rédigé par ordre alphabétique et appelé Spiraculum quia /ère totum spiralum a conflatu Francisci de Mayronis, cujus doclrina fulgct ut sol et luna. Os Index font voir que l’ouvrage de

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