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MEYRONNES


avait achevé le cours normal des lectures imposées aux bacheliers en théologie avant d’obtenir la licence. Tout on faisant ces lectures, notre bachelier se livrait ardemment à la controverse, et il s’y spécialisa si bien que longtemps on lui a attribué l’institution de VActus Sorbonicus, controverse qui avait lieu les vendredis de la.saison d’été et qui durait douze heures consécutives, pendant lesquelles le même argumentateur devait tenir tête à tous les antagonistes qui se présentaient. Aujourd’hui cette tradition est reléguée parmi les fables, car on n’en trouve aucune trace dans les documents contemporains. Le ms. 39 du fonds Borghèse à la Vaticane nous a conserve le texte d’une de ces controverses entre Meyronncs et Pierre Roger, prieur de Saint-Pan taléon, le futur pape Clément VI, avec les dates suivantes : Questio prima quam feci super IV Sententiarum anno Domini 1320 in die S. Agnelis (21 janvier 1321) contra fr. Franciscum baceularium minorant. Incipit II replicatio dicti prioris contra dictum fr. Franciscum… anno Domini 1320 die martis unie jestum Paschse die 14 aprilis (1321).

Au mois de mai 1323, nous l’avons vii, Jean XXII demandait et obtenait qu’il fût promu docteur. Nous le retrouvons au grand couvent des cordeliers en septembre de cette même année, assistant à ses derniers moments Elzéar de Sabran, mort le 27, qui avait voulu faire la confession générale de sa vie à celui qu’il disait être unus de majoribus clericis mundi, in fide instructus et firmus. Bien que proclamé maître, Meyronncs continua peu de temps à enseigner à Paris, car au printemps de l’année suivante nous le trouvons en Avignon et, vraisemblablement au mois d’avril, Jean XXII le désignait pour se rendre en Guyei ne, avec le frère prêcheur Dominique Grima, velut un (/clos pacis, pour tâcher d’éviter un conflit entre les armées de France et d’Angleterre, commandées par Charles de Valois et Edmond comte de Kent, en même temps qu’il envoyait comme nonces auprès des deux rois Guillaume, archevêque de Vienne, et Hugues, évêque d’Orange. Ce dernier préconisé le 28 mars et sacré les jours suivants, était en curie le 1° avril. La mission n’est donc pas antérieure ; eut-elle lieu ? Nous en douions, car les dates des lettres d’envoi et des saufs-conduits pour les deux envoyés sont demeurées en blanc, et le 21 mai Jean XXII remerciait le noble homme Alphonse d’Espagne, qui lui avait annoncé que la discorde entre les deux souverains s’était terminée via pacis amicabilis. Mollat, Registres de Jean XXII, n. 19 210, 19 241, 20 349, 20 350, 2(1 377, 20 384, et Archives du Vatican, Instr. Miscel. 831, 831 bis. Vers cette époque Meyronncs aurait été ministre de la province de Provence, suivant cet incipit que nous lisons dans le ms. 6114 de la bibliothèque d’Assise, Dclerminatio paupertatis Christi et apostolorum condita a /r. Francisco de Mayronis eximio doclore s. théologies, ordinis fratrum minorum, (une ministre Provincise quam condidit in romanam curium apud Avenionem, dum de judo quæstio est incitulu. Cette détermination « loi l être antérieure à la bulle Quia quorundum, du 10 novembre 1324, par laquelle.Ican XXII mettait fin à cette longue controverse.

On sait encore qu’il prêcha plusieurs fois à Avignon devant la cour pontificale. Le ms. 07 de la bibliothèque de Metz renferme le sermon ou traité sur l’eucharistie, Memoriam fecit suorum mirabilium. Tria sunt præconia, avec la mention foetus coram papa Johanne, et dans le ms. 6â de Merton Collège se trouve l’autre sermon De indulgentiis ou De clavibus, prêché à Avignon, le jour de Saint -Pierre -auxLiens, L r août, in pnesentiu papæ et cunliniiliuin. L’année où furent prononcés ces sermons est restée inconnue. Elle aurait peut être permis de fixer celle de la mort de Mey ronncs. Jusqu’à la fin du xvii° siècle les auteurs acceptaient la date de 1325, quand le P. Pagi proposa de la retarder. Il avait retrouvé une supplique présentée à Jean XXII par Raymond Bot, évêque d’Apt, et les habitants de cette ville, le 3 mai 1327, pour obtenir la canonisation d’Elzéar de Sabran, au bas de laquelle on lisait la note Ex Francisco Maironio. Il en concluait que Meyronnes vivait encore à l’époque où la supplique était remise, sans remarquer que cette indication peut tout aussi bien s’appliquer à un écrit antérieur du panégyriste d’Elzéar, qui avait prononcé son oraison funèbre à Paris, et aussi, dit-on, à Aix. Sbaraglia veut encore prolonger sa vie au moins jusqu’en 1333, se fondant sur ce que dans la question v du prologue de ses commentaires sur les Sentences et dans la distinction XXXIV, question vi du 1 er livre, l’auteur cite magistrum Thomam Anglicum doctorem modernum, que le bibliographe identifie avec Thomas Walleis, emprisonné à Avignon à cette date, après avoir enseigné à Oxford pendant plusieurs années. Nous n’avons pas retrouvé l’adjectif modernus aux endroits indiqués ; dans le premier, Meyronnes rapporte des conclusions cujusdam doctoris Thomse Anglici, dans le second, il admet comme vrai le dictum magistri Thomæ Anglici. La présence de Walleis en Avignon à la date susdite n’a rien à voir avec celle de l’ouvrage auquel Meyronnes se réfère ; de plus la composition du premier livre des commentaires est antérieure au moins de dix ans.

C’est au couvent de Plaisance que mourut notre docteur, et l’on voit encore aujourd’hui, encastrée dans le mur près de la sacristie, la pierre sépulcrale que le général de l’ordre, François Sampson, avait placée dans le chœur des religieux en 1477, Illuminati doctoris ossa ne jacerent inculta. Franciscus Maroni figure parmi les personnages illustres représentés sur les dossiers des stalles de la basilique supérieure d’Assise, exécutées par les soins du même général (14911501). Son effigie avait encore un droit tout spécial à être placée dans un des médaillons décorant le tombeau érigé au Docteur subtil, dans l’église des mineurs à Cologne, au commencement du xvie siècle, car François de Meyronnes a toujours été regardé comme un des principaux et des plus illustres disciples de Scot. Doctoris sublilis validior imitator, ainsi l’appelle Guillaume de Vaurouillon († 1464), à la fin de son ouvrage Super IV libros Sententiarum, Venise 1496, fol. 316. Pour Denys le Chartreux († 1471), Pierre de Candie et lui sont les Scotistæ præcipui. In Ium Sent., dist. II, q. il. Nous rapporterons plus loin le jugement de Maurice du Port († 1513), son éditeur, et nous pouvons arriver jusqu’à Renan qui l’appelait « le plus célèbre des disciples immédiats de Scot ». Histoire liltc’raire de la France, t. xxv, p. 461.

II. DoCTItlNE ET PLACE DANS L’ÉCOLE FRANCIS-CAINE. — Un auteur récent, M. Duhem, a cru pouvoir appeler Meyronncs le véritable créateur de ce qu’on a mal nommé le « scolisme ». Nous acceptons cette expression, car il est établi que Omis Scot n’a pas été l’innovateur que l’on s’est plu à représenter ; il n’a fait que continuer les traditions de l’école franciscaine, qui existait avant lui, comme l’a fort bien démontré notre collaborateur le P. Longpré. La plupari des thèses philosophiques et théologiques du 15. Duns Scot, autour desquelles on s’est disputé pendant des siècles, ne sont ni plus ni moins quc renseignement commun de l’école franciscaine avant le Docleur mariai. »

Le rôle du Doclor illuminatus, c’est le nom quc porte Meyronncs dans la série des anciens docteurs, a été diversement apprécié suivant les tendances des critiques. Le récent historien de la philosophie médiévale prononce ce jugement sévère : « François de Mey-