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MÉTHODISME

bientôt se considérèrent comme évêques. L’Église méthodiste s’organisa, dans le Nouveau Monde, en Église épiscopale.

Mort de Wesley. — Il laissait 72 000 adeptes en Angleterre, 64 000 en Amérique, sans compter 800 000 adhérents. Pour régir cette prodigieuse armée, il n’avait pas désigné de successeur ; une Deed of declaration datée de 1784 léguait ses biens et pouvoirs à une Conférence composée de 100 prédicateurs. Il y eut des mécontents surtout parmi les laïques exclus. Il négligeait de fixer les rapports avec l’Église anglicane dont il ne s’était jamais séparé complètement. Il y eut donc des divisions.

II. Principales branches des méthodistes. — 1° Angleterre. — Nous devons nous borner aux plus nombreuses : Les Primitive methodists introduisirent les camp-meetings commencés en Amérique dès 1799. — Les Bible Christians, fondés par W. O’Bryan, admettaient les femmes à la prédication. — Les Protestants methodists, groupés par Matthew Johnson, protestaient contre l’usage des orgues dans les églises. — Les Arminians methodists sont partisans de la Derby faith. — La Methodist new connexion fut constituée par A. Kilham d’après des principes nettement démocratiques. — La Wesleyan methodist association se forma en vue d’une certaine décentralisation, accordant l’autonomie régionale pour les affaires concernant exclusivement les circuits et les églises. Elle s’unit en 1857 avec les Wesleyan reformers pour constituer les United methodist free Churches. — En 1859 se forma la Wesleyan reform union. — En 1806, les Independent methodists attirèrent nombre de quakers, et furent dénommés Quaker methodists, ou les Singing Quakers.

Malgré ces déchirements, la famille wesleyenne conserva toujours de sérieux effectifs.

Renouveau. — A partir de 1855 on constate une nouvelle marche en avant, une propagande intense, tant en terre anglaise que dans les missions étrangères. Une place est consentie dans la Conférence aux délégués laïques, des collectes abondantes permettent de subvenir aux frais de propagande. Des conférences sont créées dans les pays étrangers : France, 1852 ; Australie, 1855 ; Canada, 1875 ; Afrique australe, 1883 ; Allemagne, 1897 ; Chine, 1853 ; Milan, 1860 ; Naples, 1863 ; Espagne et Portugal, 1869 ; Rome, 1870.

On compte que, depuis 1855, deux nouvelles chapelles ont été édifiées chaque semaine en moyenne ; 250 000livres y furent consacrées chaque année. Depuis 1851, le Westminster normal training Institution prépare des maîtres d’écoles, tandis que le Southlands college forme des maîtresses. Les collèges de Didsburg et de Richmond instruisent des ministres.

On a construit dans les grands centres des Central Halls, superbes salles de réunions avec de belles orgues et tout le confort des grands théâtres, ainsi le Twentieth century Hall de Westminster.

En même temps on constate en ces dernières années une tendance vers l’unité. Des « Conférences œcuméniques » se réunissent tous les dix ans depuis 1881.

États-Unis. — L’individualisme s’y manifeste encore plus ; il n’y a pas moins de dix-huit Églises méthodistes, voici les noms des dix plus importantes :

La Methodist episcopal Church (4 636 859 membres) qui envoie des missionnaires en Europe. — La Methodist episcopal Church South (2 418 236). — African methodist episcopal, de couleur (551 776). — African methodist episcopal Zion (412 315). — Coloured methodist episcopal (366 315). — Methodist protestant (186 275). — La Canadian methodist Church, unifiée depuis 1883, groupe 407 264 membres.

Le méthodisme forme incontestablement une des plus grandes organisations du monde chrétien, avec 57 647 ministres, 95 695 prédicateurs locaux, 94 571 écoles dominicales, 982 484 instituteurs et employés, 10 386 134 écoliers, 104 164 églises et chapelles, 10 690 702 membres. Notons que ce dernier nombre ne comprend pas les enfants jusqu’à 15 ans ; il faudrait donc pour obtenir l’effectif complet le multiplier par le coefficient 3, ce qui donnerait plus de 30 millions.

III. Doctrine du méthodisme. — C’est en matière doctrinale surtout que Wesley n’avait nullement cherché à innover. Il est resté fidèle jusqu’au bout aux xxxix articles. Aussi n’a-t-il jamais songé à imposer de symbole.

Si nous consultons ses écrits, notamment son Journal, ses Sermons (1727), ses Notes explicatives sur le Nouveau Testament (1754) il donne comme marques de la nouvelle naissance (New birth) la foi, l’espérance, la charité ; il insiste sur la sanctification par la pratique des vertus chrétiennes et des bonnes œuvres ; il s’exprime comme pourrait le faire un catholique.

Il ajoute la théorie de l’assurance, c’est-à-dire de la certitude que doit posséder tout homme juste de son état actuel de justifié ; il le sait par expérience, il le sent. C’est une forme de l’expérience religieuse.

Il admet que la conversion doit être instantanée, c’est un point qu’il a conservé de la doctrine des Moraves, tout en admettant contre eux des degrés divers dans la justification et dans la foi.

Après la mort de Wesley, les méthodistes, s’étant séparés de l’Église anglicane, sentirent le besoin d’une confession de foi. La Conférence de 1806 en affirma la nécessité ; on prépara deux projets, l’un en xxix, l’autre en xxxviii articles, mais on ne put aboutir. La Conférence de 1807 décida : personne ne saurait conserver une poste officiel dans nos sociétés, s’il tient des opinions contraires aux suivantes : la totale corruption de la nature humaine, la divinité et la rédemption du Christ, l’influence et le témoignage du Saint-Esprit, la sainteté chrétienne, comme les méthodistes les admettent. — On remarquera la restriction de la fin qui ne désigne rien de précis et ouvre la porte à toutes les évolutions possibles.

Aussi quel recul doctrinal pendant un siècle ! En 1907, on constatait que le méthodisme est soumis à la même évolution théologique que le reste du monde chrétien (protestant) et l’on ajoutait que « les croyances wesleyennes sont bien plus élastiques que celles de l’Église anglicane ou celles des presbytériens », car « le méthodisme est une religion extrêmement pratique. Il a l’habitude de vérifier les idées en les appliquant immédiatement dans la réalité. Le ministre qui est frappé par une nouvelle présentation de la doctrine chrétienne ne se demande pas seulement :

« Jusqu’à quel point est-ce que cela concorde

avec le système général de la doctrine évangélique ? » mais : « Qu’est-ce que cette idée dira à l’homme insouciant et au nouvel éveillé, que je dois inviter demain soir à renoncer à ses péchés et à venir au Christ ? » Voilà certes une grande force conservatrice ; le méthodisme progressera lentement et en se donnant le temps pour mettre en pratique les idées nouvelles, pour les réconcilier avec ce qu’il y a d’essentiel dans le vieux système et les utiliser en vue d’un meilleur rendement. Les jugeant à leurs résultats, il n’adoptera que ce qui s’atteste utile à sauver l’Évangile ». Sir Percy Bunting, New history of methodism, Londres, 1909, t. ii, p. 488.

Dans quel sens porte aujourd’hui l’expérience ? C’est l’affaiblissement considérable du sentiment du péché, ce sentiment de terrible effroi ou du moins cette secousse de conscience qui, aux premiers jours du méthodisme, forçait le pécheur à prendre une résolution séance tenante, le jetait dans une agonie d’âme et souvent dans des convulsions physiques. On recourt moins à la crainte qu’à la persuasion.