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MÉTHODISME

I. Origine du mouvement. — L’Angleterre du xviiie siècle est le premier pays de l’Europe pour les découvertes scientifiques et la philosophie nouvelle ; par contre son niveau moral est très bas et un dévergondage éhonté succède à l’austérité puritaine. Les congrégationalistes, baptistes et quakers sont désarmés contre les assauts de la philosophie déiste et arienne ; les anglicans aussi bien que les non-conformistes éprouvent une égale horreur pour toute ferveur religieuse traitée d’enthousiasme.

1o  John Wesley. — Pour remédier à l’anarchie des idées qui désole l’anglicanisme, John Wesley fera appel à l’expérience religieuse qui se manifeste surtout dans le fait de la justification dans la crise du New birth. Il maintiendra les xxxix articles anglicans, tout en les réduisant à xxv pour ses disciples d’Amérique. Ses idées évolueront après lui et exerceront une influence considérable sur les théories de la théologie protestante libérale, depuis Schleiermacher jusqu’à William James.

Fils du pasteur d’Epworth, John est le treizième des dix-neuf enfants d’une mère très pieuse qui fait chaque jour deux heures de méditation, son examen de conscience et emploie un quart d’heure pour se recueillir avant les prières en commun. Après avoir fait de bonnes études à l’Université d’Oxford, il est converti par la lecture de l’Imitation de Jésus-Christ, et se décide à suivre la carrière ecclésiastique. Il adopte aussitôt un règlement de vie très sévère : lever matinal, examen de conscience chaque soir, emploi jaloux du temps, pureté d’intention, inventaire exact de l’âme, jeûne, prière, oraisons jaculatoires quand l’heure sonne et, dans les intervalles du sommeil, comptabilité des phénomènes qui marquent l’accroissement de la ferveur.

Élu en 1726 fellow de Lincoln-College, puis recteur de Wrobte de 1727 à 1729, il est rappelé à Oxford. Après avoir longtemps pensé uniquement à sa vie intérieure, il va maintenant songer aux autres. Ironie des choses humaines ! Après avoir été accusé toute sa vie de papisme, Wesley aboutira à créer un noyau de protestantisme renforcé : « On s’y attachait au dogme de la justification par la foi seule, et même, dans une partie de la secte, à celui de la prédestination absolue, entendue avec toute la dureté calviniste. Ajoutons qu’en se séparant de l’Église établie, le méthodisme était conduit naturellement à nier la valeur de la succession apostolique, à contester l’autorité de l’épiscopat et les privilèges de la prêtrise, en un mot, à rejeter tout ce que l’anglicanisme avait essayé de conserver de l’organisme catholique : le prêcheur devenait ministre, par le seul fait de sa vocation intérieure ; il pouvait non seulement enseigner, mais administrer la communion. » Thureau-Dangin, La renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle, Paris, 10e éd., 1923, t. i, p. xxvii. Le savant historien ajoute avec une pointe d’exagération : « On se retrouvait en plein puritanisme. »

Ils étaient loin de prévoir un pareil résultat, les quelques étudiants modèles d’Oxford qui décident de se réunir chaque semaine, d’observer scrupuleusement les Statuts désuets de l’Université et de vaquer aux œuvres de miséricorde. Leur ferveur méticuleuse est critiquée des relâchés, et le nom de méthodiste leur est décerné comme un sobriquet. Ils continuent néanmoins de se réunir chaque soir de 6 à 9 heures, étudiant le Nouveau Testament et s’efforçant d’établir la vie doctrinale, liturgique et constitutionnelle de l’ancienne Église.

Cependant John Wesley veut étudier l’Évangile en l’enseignant aux Peaux-Rouges ; il part pour la Géorgie, mais n’atteindra pas les sauvages. Nommé curé des colons de Savannah, il exerce son ministère avec une certaine rigueur, il est poursuivi pour refus de communion et revient en 1738 en Angleterre.

2o  Influence des piétistes moraves (1735-1741). — Wesley a fait la traversée avec d’humbles piétistes moraves, et il admirera leur calme devant la mort au fort de la tempête, alors qu’il se sent incapable de dominer son effroi. Il va donc quitter momentanément ses conceptions théologiques, High Church, pour se rapprocher de Luther et de la justification par la foi seule. Böhler lui révèle le devoir de l’amour de Dieu. Il va voir le comte Zinzendorf à Herrnhut, il est profondément ému de cet essai de reconstitution de l’Église primitive. Mais il sera déçu par la doctrine des frères moraves et sera obligé de se séparer d’eux à cause de leur quiétisme, qui leur fait considérer les œuvres non seulement comme inutiles, mais comme nuisibles à la justification.

3o  Rupture avec l’Église anglicane. — Parmi ses conquêtes, une des plus brillantes est celle de Whitefield qui obtint aussitôt de grands succès oratoires.

Mais les anglicans leur reprochent bientôt de prêcher une assurance absolue du salut. De plus la prédication consiste surtout de la part de l’orateur à faire le récit enthousiaste de sa propre conversion. Le comble du succès est d’obtenir qu’un certain nombre d’auditeurs s’effondrent, gémissant, pleurant, hurlant avec des spasmes violents et épileptiques, signe évident de la naissance imminente de l’homme nouveau. Peu à peu toutes les églises leur sont refusées. Whitefield se décide à prêcher en plein air aux ouvriers de Bristol. Wesley, après quelques hésitations, consent à imiterson exemple.

Arraché contre son gré du sein de l’Église anglicane, il se console par les manifestations, évidemment divines à ses yeux, du New birth qui se renouvellent à chacune de ses prédications en plein air.

Wesley éprouvait une vive répugnance pour la prédestination absolue et s’était rallié à l’arminianisme. Whitefield au contraire subissait l’influence du calvinisme dont les progrès étaients grands en Angleterre depuis 1689. Les deux amis évitaient ces questions irritantes, mais les disciples, plus indiscrets, forcèrent Wesley à se prononcer ; il y eut désormais deux branches distinctes : les calvinistes et les arminiens. Les deux chefs, irrémédiablement séparés en matière de doctrine, restèrent néanmoins unis par une inaltérable amitié.

4o  Wesley crée des ministres. — Cependant ces défections restreignaient le nombre des collaborateurs ; bientôt il n’a plus que son frère Charles. Alors il confie à quelques laïques, intelligents et pieux, le soin d’édifier la réunion, en son absence, par la lecture de la Bible. Un jour, un jeune maçon fit une harangue enflammée. Ce succès inattendu le décida à permettre aux laïques de prêcher en attendant qu’il eût des clergymen. Cela lui permet de voyager plus librement. Son activité est extraordinaire, il visite toutes les localités. On a compté qu’il avait parcouru 362 025 kilomètres, qu’il avait débité 52 400 sermons, une moyenne de 3 ou 4 par jour. Il remporte des succès éclatants, mais soulève parfois pendant ses prédications publiques une violente opposition qui met sa vie en danger.

L’opposition qui lui est le plus sensible est celle des évêques anglicans refusant d’ordonner ses prédicateurs. Une fois, il demande ce service à un prélat de l’Église grecque de passage en Angleterre (1761). Il ne pouvait recourir souvent à cet expédient ; aussi, après de longues hésitations, se décide-t-il en 1784 à ordonner des prêtres pour l’Amérique, puis pour l’Irlande et l’Écosse, enfin pour l’Angleterre.

Il envoya même eu Amérique, qui venait de se séparer de l’Angleterre, deux superintendants qui