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MÉTHODE D’OLYMPE

allégués par l’origénisme, et en suggèrent une plus correcte interprétation. Toute cette argumentation n’est pas d’égale valeur. Les passages bibliques sont traités par les anti-origénistes avec la même déconcertante fantaisie que l’on avait trouvée dais Origène. La critique des arguments scientifiques est d’une pauvreté lamentable ; voir II, ix-xiv, p. 345-360, et les concepts physiologiques que Memmian prétend substituer à l’idée si juste (et si moderne) d’Origène sur le « torrent circulatoire » et les « cycles » des divers éléments, sont littéralement enfantins. — La critique philosophique est meilleure ; elle s’attaque surtout à l’idée platonicienne, qui est le fond de l’origénisme, d’une dualité absolue de l’âme et du corps. Méthode, qui conduit lui-même cette partie de la discussion, n’a pas de peine à montrer que toutes ces images de chaînes, de prison, de liens pesants, dont abusait Origène après Platon, masquent assez mal l’incohérence des concepts fonciers. Si le corps est l’unique cause du péché, comment admettre la faute commise par l’humanité non encore incarnée, faute qui aurait été punie par la relégation dans un corps matériel ? Pourtant à vouloir trop insister sur cette idée juste que c’est l’âme qui pèche, et non pas le corps, Méthode en vient à proposer du texte paulinien sur l’opposition entre la chair et l’esprit, Rom., vii, 9-25, une exégèse qui ne laisse plus de place à la concupiscence si vigoureusement rattachée par saint Paul à la chair. De resur., i, lvii-lx, p. 317-325. Il faut aussi passer condamnation sur le concept de l’âme qui est, en fin de compte, proposé par Memmian. III, xviii, p. 414 sq. Pour lui, l’âme est corporelle ; elle ne peut pas ne pas l’être, ἀσώματος εἶναι οὐ δύναται, l’incorporéité étant une propriété exclusivement divine :

« les âmes créées par le démiurge sont des corps spirituels,

ont par conséquent aussi des membres perceptibles par l’intelligence », αἱδὲ ψυχαί, .. σώματα νοερὰ ὑπαρχουσαι, εἰς λόγῳ θεωρητὰ μέλη διακεκόσμηνται. Quant au concept positif de corps ressuscité, on ne le voit nulle part logiquement déduit ou étudié, et cette lacune tient, de toute évidence, au défaut d’idée précise sur la nature et la croissance du corps. Il semble que, pour Méthode, le corps soit une unité stable dont Dieu a directement assuré l’organisation ; de cette synthèse, acquise une fois pour toutes, la mort dissout les éléments, mais au dernier jour Dieu saura retrouver chacun d’eux et restituer ainsi le corps qu’il nous avait jadis formé.

Avec toutes ses insuffisances et même tous ses défauts, l’Aglaophon reste le traité le plus considérable et le plus digne d’étude que l’antiquité chrétienne nous ait laissé sur la résurrection.

5. Les deux petits traités, De cibis, De lepra, ont exactement le même caractère. Il s’agit en somme de l’application à la vie chrétienne, par une interprétation allégorique, des observances mosaïques soit en matière alimentaire, soit en fait de purification. A une question qui lui est posée sur la nécessité de ces observances, l’auteur répond en rappelant le décret libérateur rendu par l’assemblée de Jérusalem. Act., xv. Ces observances n’obligent plus les chrétiens ; mais on peut toujours se demander pourquoi Dieu avait jadis porté pour les Juifs ces interdits alimentaires. C’étaient en somme des observances prophétiques, ayant pour objet d’annoncer l’Évangile. Avec une subtilité qui rappelle le pseudo-Barnabé, Méthode recherche donc la signification de ces préceptes. De même il examine ce que présageait l’immolation de la vache rousse, dont la cendre mêlée aux eaux d’aspersion, leur conférait une vertu purificatrice. Num., xix. A vrai dire, répond-il, cette purification dure encore chez nous : « La véritable jeune vache, c’est la chair que le Christ a prise pour la purification du monde ; elle est rouge, à cause de la passion, sans tache, à cause de son innocence, sans joug, parce que pure de tout péché, non liée au joug, parce que sans passions. Elle est immolée hors du camp, c’est-à-dire hors de Jérusalem, en un lieu pur, sans aucune contamination, car par son sang l’Église est sanctifiée ; par sa cendre le peuple est purifié, c’est-à-dire que par sa mort tous les païens sont rachetés de la mort. » De cibis, xi, p. 441.

Semblablement les prescriptions relatives aux diverses formes de lèpre sont à interpréter spirituellement. Les quatre sortes de lèpre, auxquelles le chrétien doit porter remède, ce sont les désirs charnels, la crainte, la haine, la colère. Rien de bien nouveau en tout ceci, et dont on ne puisse retrouver l’analogue dans Origène ou dans Philon.

6. Explications de passages scripturaires. — Les deux traités précédents peuvent déjà passer pour tels. Le court opuscule que Bonwetsch intitule De sanguisuga, De la sangsue, est consacré à l’explication de deux passages scripturaires sans aucun lien entre eux : Prov., xxx, 15-16, et Ps., xviii, 2. Il s’agit dans le premier de la sangsue prise comme type de l’avidité insatiable. Dans le second, le v du psaume : Cæli enarrant gloriam Dei, et opera manuum ejus annuntiat firmamentum, est interprété en ce sens que les anges (cæli) louent le Christ (gloriam Dei), tandis que l’Église (firmamentum) annonce l’action de Dieu (opera manuum ejus) dans l’humanité. Bon exemple de la manière de trouver dans un texte biblique, par d’ingénieux rapprochements de mots et de phrases, des sens fort éloignés de celui que le premier auteur avait dans l’esprit.

7. Le De creatis, dont il ne reste qu’un assez long fragment conservé par Photius, col. 235, revient sur une question qu’avait déjà touchée le De autexusio, à savoir la création dans le temps. Contre Origène, ce dialogue, dont il est difficile de rétablir la structure, démontre que le monde n’est pas nécessaire à Dieu, que Dieu se conçoit très bien sans le monde, qu’au contraire la création ab æterno semble impliquer contradiction. On remarquera, à titre de curiosités théologiques, la singulière opinion suivant laquelle la création ex nihilo des éléments du monde est attribuée au Père, tandis que le Fils, main toute-puissante du Père, est chargé de l’organisation, ix, p. 498, et aussi l’exégèse qui est donnée du premier verset de la Genèse : In principio (i. e. in Sapientia) creavit Deus cælum et terram. Ibid., xi, p. 499.

8. Le traité Contre Porphyre ne s’est malheureusement conservé que d’une manière très imparfaite, et qui ne donne aucune indication sur l’ouvrage que Méthode entendait réfuter. Les fragments se rapportent à une apologie de la croix, et décrivent sommairement les motifs de l’incarnation. Celle-ci devait délivrer les âmes de la servitude à laquelle les avaient soumises les démons : ἴνα τὰ κράτη τῶν τυραννούντων ἀνατρέψας δαιμόνων ἐξέληται τῆς πικρᾶς τὰς ψυχὰς δουλέιας. i, p. 503. Ce résultat semble obtenu plutôt par une victoire du Christ (que par un marchandage avec le démon.

9. Les deux douzaines de fragments du Commentaire sur Job, conservés par la chaîne de Nicétas, semblent d’une sobriété plus grande dans l’explication de l’Écriture que les développements que nous avons déjà rencontrés. Mais il faut, comme de juste, faire la part des ciseaux de l’excerpteur. Il ne s’est rien conservé des Commentaires sur la Genèse et sur le Cantique signalés par saint Jérôme, à moins que le De viris ne vise d’une part le De creatis, d’autre part le c. vii du Symposion où la vierge Procille prend les passages du Cantique, ii, 2, et vi, 7-8, comme thèmes de son développement.