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MÉTHODE D’OLYMPE

il estimait que des mains hérétiques avaient interpolé ce Dialogue. Cod. 237, P. G., t. ciii, col. 1177 B.

Les discours suivants redescendent heureusement en des régions plus terre à terre. Chacune de nos discoureuses rattache ses développements à quelque passage scripturaire dont une vigoureuse allégorie interprète le texte dans le sens désiré : qu’il s’agisse du ps. cxxxvi, Super flumina Babylonis, du vœu de naziréat, de la parabole des vierges sages et des vierges folles, du Cantique et de sa louange du lys qui croît entre les épines, des prescriptions légales relatives à la Fête des tabernacles, ou de la curieuse fable des arbres qui se choisissent un roi. Jud., ix, 8, 15. Le discours de Thècle (c. viii) beaucoup plus long que les autres, Bonwetsch, p. 80-112 ; P. G., col. 137-176, se compose en fait de deux morceaux disparates : le premier commente longuement le passage de l’Apocalypse sur la « Femme revêtue du soleil », Apoc, xii, 1-6, figure de l’Église qui enfante non le Christ mais les fidèles ; puis brusquement s’introduit, viii, 14 sq., une longue digression sur l’astrologie, la fatalité, le libre arbitre.

Outre les questions que nous venons de signaler le dialogue touche encore d’autres points de doctrine : création immédiate des âmes par Dieu, ii, 4-7, rôle des anges gardiens, ii, 6, Bonwetsch, p. 23 ; P. G., col. 57. Il donne, viii, 10, p. 93 et col. 153 B C, une énumération des principales hérésies de l’époque.

Bien qu’il ait eu la prétention de donner un pendant chrétien du Banquet de Platon, Méthode est resté, au point de vue de la forme, très en deçà de son modèle. Rien de la charmante présentation du maître, de la grâce et de l’imprévu des répliques ; l’auteur, au fond, se sent mal à l’aise dans le dialogue proprement dit, il l’abandonne bien vite pour la dissertation et chacune de ses discoureuses n’est en somme qu’un prête-nom, sous lequel se retrouve, toujours identique à lui-même, l’honnête évoque d’Olympe ; n’imite pas Platon qui veut. L’Hymne au Christ, xi, p. 131, col. 208, mérite davantage de retenir l’attention.

2. De autexusio : Du libre arbitre. — L’ouvrage est moins un dialogue, que la suite de deux plaidoieries alternées, celle d’un valentinien, qui cherche à trouver dans l’existence d’une matière éternelle, indépendante de Dieu, le principe du mal tant physique que moral, et la réplique d’un orthodoxe qui, passant très vite sur le mal physique, s’attache à découvrir l’origine du mal moral. C’est dans le libre arbitre de l’homme, royal présent de la Providence, qu’il en faut chercher le point de départ. Soumis à une épreuve, l’homme s’est laissé induire au mal par le diable ; et celui-ci, en sa malice, n’est lui-même qu’une victime de sa propre liberté. Tout cela, à coup sûr, Dieu l’avait prévu ; mais il savait aussi par quels moyens il saurait réparer le désastre. On remarquera la conclusion très ferme de l’auteur sur la création ex nihilo, et dans le temps, et sur la fin dernière de cette création : Dieu voulait par là répandre le bien dont il est la source, bonum diffusivum sui, faire éclater sa puissance et sa gloire, xxii, p. 202-206. Quelques-unes des formules de ce développement sont de la meilleure facture et témoignent des sérieuses qualités philosophiques de l’auteur.

3. De la vie et de sa pratique raisonnable : De vita. — C’est un court traité, peut-être une conférence à la manière des diatribes profanes, sur la façon de se comporter dans la vie. Pourquoi tant s’agiter à la poursuite de la richesse, pourquoi tant s’impatienter des rebuffades que nous inflige la vie quotidienne ? C’est être trop l’esclave des choses, et se révolter contre Dieu. Tout cela est très voisin de ce que l’on trouve dans Marc-Aurèle et dans Epictète, mais l’esprit chrétien se retrouve néanmoins, tant dans la manière d’en châsser les références scripturaircs, que dans la conclusion même : se soumettre à Dieu et prendre exemple sur le Christ.

4. Aglaophon ou De la résurrection. — Ce dialogue où l’auteur, en quelques endroits du moins, a su trouver la forme naturelle de la conversation est l’œuvre la plus considérable de Méthode. Bonwetsch, p. 219-424.

La scène est à Patare, dans la maison du médecin Aglaophon. Lui-même et son ami Proclus sont des origénistes décidés ; pour des raisons, les unes d’ordre philosophique, les autres d’ordre scientifique, ils se rallient pleinement à la doctrine du grand Alexandrin sur la résurrection. « Cet habile homme d’Église, et qui connaissait l’Écriture, ne déclare-t-il pas que la doctrine de la résurrection corporelle, telle qu’elle circule dans le vulgaire est étrangère à la foi apostolique. » De resur., i, xix, Bonwetsch, p. 241. Le vulgaire s’imagine un retour à la vie de notre corps, tel qu’il est aujourd’hui, avec la matière même qu’il possède, avec la même disposition de ses membres. C’est partir d’une idée qui n’a rien de scientifique, à savoir que notre corps est une entité stable, alors qu’au contraire il est le siège d’un déplacement continu d’éléments. Loin d’être une masse en équilibre, dont les ingesta et les egesta ne modifient pas la composition, il est le siège d’un perpétuel devenir. Successivement il emprunte, puis rend à la nature les éléments chimiques qui ne font que le traverser. En ce cycle indéfini des matériaux qui y entrent et en sortent, pour parcourir en d’autres vivants, une carrière analogue, peut-on dire que certaines de ces particules soient tellement marquées au sceau de notre personnalité qu’il soit possible, même à la puissance divine, de les retrouver après dissolution de notre corps, au sein de l’immense nature. Quel avantage y aurait-il pour nous d’ailleurs à retrouver, aux derniers jours, ce corps matériel, véritable prison où l’âme est captive, pesante enveloppe qui sans cesse la traîne dans le péché. A vrai dire l’inclusion de l’esprit en un corps n’est-elle pas plutôt la punition d’une faute antérieure à l’existence mortelle de l’humanité ? La Genèse, iii, 21-22, parle de ces « tuniques de peau » que l’Éternel donne à Adam et à sa compagne après la faute : c’est bien là le corps pesant et matériel dont Dieu a affublé l’humanité à la suite de sa prévarication. Et Dieu voudrait rendre à l’homme, à la fin des temps, cette lourde chaîne, sous prétexte de le récompenser ! Ce n’est pas vraisemblable ; certes l’Écriture parle de la résurrection des morts, et il faut s’en tenir à cette vérité éminemment traditionnelle ; mais ce qui doit reprendre vie, c’est non pas le corps matériel, mais cette forme caractéristique, εἰδος χαρακτηρίζων, sorte d’entité spirituelle, d’idée directrice, qui fait durant cette vie mortelle l’unité et la continuité de la matière laquelle sans cesse passe dans l’économie corporelle. Ce qui ressuscite donc ce n’est pas la chair ; ἀλλ’ὅπερ ποτὲ ἐχαρακτηρίζετο ἐν τῇ σαρκί, τοῦτο χαρακτηρισθήσεται ἐν τῷ πνευματικῷ σώματι. De resur., i, xxiii, p. 247.

On n’accusera pas Méthode d’avoir défiguré la pensée d’Origène, ni d’avoir infirmé les critiques que celui-ci adressait au concept vulgaire de la résurrection. Mais l’évêque d’Olympe n’entend pas laisser ces arguments sans réplique. Les deux défenseurs de la doctrine origéniste sont vivement pris à partie par les représentants de l’orthodoxie, Méthode lui-même et Memmian, dont les longs discours, coupés çà et là de quelques scènes dialoguées, forment les cinq-sixièmes de l’ouvrage. Point par point ils reprennent les idées philosophiques et scientifiques exposées par les adversaires, pour en tenter la réfutation. L’un après l’autre ils examinent les textes scripturaires