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MÉTEMPSYCOSE, HISTOIRE


nius était une exposition poétique de certaines théories pythagoriciennes. Nous voyons des allusions à la même doctrine dans Horace, Odes, t. I, xxviii ; Ovide, Métamorph., t. XV, v. 153 ; Virgile, Enéide, t. VI, v. 713 sq. Anchise explique à Énée les lois de l’expiation imposée aux âmes d’outre-tombe : « Lorsque le temps a enfin achevé d’effacer toutes les souillures de ces Ames, et qu’elles ont recouvré la pureté de leur céleste origine, et la simplicité de leur essence, un dieu, au bout de mille ans, les conduit sur les bords du fleuve Léthé, afin de les rappeler à la vie et de les unir, suivant leurs désirs, à de nouveaux corps. » Il ne faut pas confondre avec la métempsycose, la doctrine panthéiste exprimée dans les Géorgiques, t. IV, v. 219 sq., et qui explique l’intelligence des abeilles en attribuant à tout l’univers des parcelles de l’intelligence divine.

Lucrèce combat à la fois les deux doctrines de la réincarnation et de l’immortalité, t. III, v. 670 sq. Est-il nécessaire de noter que les arguments qui portent contre l’une ne valent nullement contre l’autre ?

P. Nigidius Figulus adopta les doctrines de Pythagore. Philostrate prêtera la même doctrine à Apollonius de Tyane. Mais les Romains étaient plus portés à suivre les tendances de Lucrèce que les rêveries de la transmigration.

Israël.

 C’est à tort qu’on a prétendu que les

Juifs croyaient à la métempsycose. Sans doute ils ont toujours eu la tentation de consulter les morts. Moïse dut interdire la nécromancie : Deut., xviii, Il et xxvi, 14 ; nous la voyons néanmoins pratiquée au temps de Saûl, I Reg., xxviii, 8-20, et d’Isaïe, viii, 19. De pareils faits dénotent la croyance à la survie de l’âme, non à la réincarnation.

On a invoqué dans ce sens le texte de Sap., viii, 19-20 ; il faut reconnaître que la traduction de la Vulgate favorise cette interprétation : Puer autem eram ingeniosus, et sortitus sum animam bonam. Et cum essem magis bonus, veni ad corpus incoinquinatum. Voir saint Augustin, De Genesi ad litteram, t. X, c. vu. Mais le sens du texte primitif est tout différent ; Fillion traduit : « J’étais un enfant d’une excellente nature, et j’avais reçu en partage une bonne âme. Et plutôt, comme j’étais bon, je suis venu dans un corps sans souillure. » Le ꝟ. 20 revient sur la pensée exprimée dans le t. 19 pour la compléter et l’expliquer.

On allègue dans le même sens Joa., i, 21. Les envoyés des Juifs demandent à saint Jean-Raptiste : Es-tu Élie ? Us croyaient donc à la réincarnation. Lagrange, Évangile selon S. Jean, Paris, 1925, p. 35, répond : « On attendait Élie comme le précurseur de la restauration. C’est ainsi que le Siracide, xlviii, 10 sq., expliquait l’oracle de Malachie (m, 1 sq. ; cf. Le messianisme. .., p. 210), si bien que Jésus a expliqué à ses disciples après la transfiguration que le Raptiste avait joué le rôle d’Élie. Mais les Juifs attendaient Élie en personne, revenu sur la terre pour révéler et oindre le Messie (Justin, Dial., vin). Il serait abusif de conclure de ce fait que les Juifs admettaient la métempsycose, puisqu’il s’agit là d’un cas très spécial, celui d’un homme qui n’est pas mort mais qui est emporté au ciel dans un tourbillon (IV Reg., ii, 11). »

On allègue aussi Joa., iii, 3, mais bien à tort, car — outre que d’après Lagrange, loc. cit., p. 75, la vraie traduction serait : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît d’en haut (et non de nouveau) ne peut voir le royaume de Dieu », et cela conformément à Joa., iii, 31 et à xix, llet23 — la seconde affirmation de Jésus : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît de l’eau et de l’esprit, ne peut entrer dans le royaume des cieux » montre qu’il s’agit d’une naissance spirituelle conférée par le baptême.

On invoque surtout Joa., ix, 1 et 2, d’où il semblerait résulter que les apôtres admettaient la possibilité

d’une vie antérieure (ainsi pense saint Cyrille) et l’on prétend que Jésus a refusé de démentir une pareille doctrine. En réalité la question des apôlres exprime une surprise fondée sur l’impossibilité d’admettre une faute antérieure à la naissance ; leur erreur consiste à croire que toute infirmité est un châtiment et Jésus dissipe cette erreur. Saint Paul affirmera comme une vérité indiscutable que les enfants, avant la naissance, n’ont fait ni bien ni mal. Rom., ix, 11.

Par ailleurs, la préexistence des âmes était admise par les esséniens. Josèphe, De bello jud., II, viii, 11 ; Philon, De gigantibus, § 6 sq., Mangey, t. i, p. 263 ; De somniis, i, § 1-48, t. i, p. 643. Josèphe nous dit aussi, Antiquil., XV, x, 4, que les esséniens menaient un genre de vie qui avait été introduit chez les Grecs par Pythagore. Mais on ne trouve chez eux aucune trace de théorie de la migration des âmes. Chaignet, Pythagore, p. 134. C’est en vain qu’on tenterait d’interpréter dans ce sens cette doctrine que leur prête Josèphe : « L’âme descendue de l’éther le plus subtil, et attirée dans le corps par un certain charme naturel, y demeure comme dans une prison ; délivrée des liens du corps comme d’un long esclavage, elle s’envole avec joie. » Josèphe, De bello jud., II, viii, 11.

10° La Cabbale. — On retrouve cette doctrine dans les livres cabbalistiques dont les plus anciens ne remontent d’ailleurs qu’au second siècle de notre ère. Les âmes, comme tous les êtres particuliers de ce monde, sont destinées à rentrer dans la substance divine. Mais, pour cela, il faut qu’elles aient développé toutes les perfections dont le germe indestructible est en elles. Si elles n’ont pas rempli cette condition dans une première vie, elles en commencent une autre, et après celle-ci une troisième, en passant toujours dans une condition nouvelle où elles trouvent les moyens d’acquérir les vertus qui leur ont manqué auparavant. Cet exil cesse aussitôt que nous sommes mûrs pour le ciel, ou que notre âme est suffisamment développée pour goûter les joies de l’union mystique avec Dieu ; mais il dépend de nous, en refusant de réparer nos fautes et en nous obstinant dans le mal, de le faire durer toujours, c’est-à-dire jusqu’au moment de la grande rénovation de l’univers. Franck, La kabbale, p. 214.

11° Gnosliques. — Des idées analogues se retrouvent chez les gnostiques. Plotin, Enne’ades, II, ix, 6, affirme que ceux-ci ont puisé dans Platon leur doctrine de la métensomatose, d’après laquelle notre âme, depuis le commencement du monde, se trouve dans une migration perpétuelle de corps en corps, dont le but est de la perfectionner, c’est-à-dire de la rendre capable de recevoir la raison parfaite, afin qu’elle puisse retourner un jour au Plérôme. Mais il est à croire que Rasilide, Valentin, Carpocrate ont puisé leurs idées dans des doctrines orientales répandues alors en Syrie.

Il y a d’ailleurs une assez grande différence entre la doctrine de Platon et celle des gnostiques sur la transmigration. En effet, tandis que Platon ne considère, en général, la métempsycose que comme un moyen d’expiation pour les fautes commises dans une vie antérieure, les gnostiques enseignent que les existences successives, par lesquelles les âmes passent nécessairement, ont pour but de leur faire développer complètement les perfections dont elles possèdent le germe en elles.

12° Alexandrins. — 1. Plotin ose affirmer : « C’est une croyance universellement admise que l’âme commet des fautes, qu’elle les expie, qu’elle subit des punitions dans les enfers et qu’elle passe dans de nouveaux corps. » Ennéades, I, i, 12.

En tout cas, il admet pleinement la doctrine de la métempsycose. IV, vu. Chaque âme va où elle a