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METEMPSYCOSE. HISTOIRE


l’on a exagéré le rôle de la métempsycose dans la religion égyptienne, et Mallon a raison de ne pas lui accorder une grande place dans son étude sur la religion des Égyptiens, Christus, p. 670. Il dit, en parlant du châtiment réservé au pécheur : « Parfois, il était contraint d’entrer dans le corps d’un porc, de revenir sur terre et d’y vivre misérablement. »

Ph. Virey, La religion de l’ancienne Egypte, Paris, 1910, p. 19, est plus explicite : « La doctrine de la métempsycose, en honneur chez les anciens Égyptiens, leur enseignait qu’au sortir de leur vie humaine, ils pouvaient aller demeurer dans le corps de divers animaux, se trarsformer en serpents ou en oiseaux, ou même devenir des plantes ; ainsi le c. lxxxi du Rituel ou Livre des morts est relatif à la transformation du défunt en lotus. »

Amélineau (Rôle des serpents dans les croyances religieuses de l’Egypte, dans Revue de l’histoire des religions, 1905) essaie d’expliquer l’origine de la croyance en la transformation du mort en serpent et, pour cela, s’appuie sur l’étude de Van Genr.ep (Tabou et Totémisme à Madagascar, Biblioth. des Hautes-Études, Sciences religieuses, t. xvii, p. 272). Les indigènes de ces races primitives, constatant que notre corps, après la mort, devient la pâture des vers, supposent que l’un d’eux, élu comme nouvelle incarnation du défunt, je développe en reptile, gardien de la personnalité et animé de son esprit. Il s’établit ainsi ur.e sorte de parenté entre ce serpent et la famille du mort. Aussi le serpent est-il l’animal le plus généralement vénéré dans la religion populaire, bien que ce culte se soit étei du aux mouches, aux abeilles et à d’autres animaux.

Il n’est pas étonnant que ces idées, commur.es à presque toute l’Afrique, comme le prouvent les récits de Livingstone, de Cameron, de Gallieni, de Casati, se retrouvent dans l’ancienne Egypte. Des textes égyptiens affirment i ettement que les serpents sont les demeures des âmes de tous les dieux, c’est-à-dire des âmes des ancêtres divinisés. Os serpents, corps où logeaient les esprits des défunts, devenaient les protecteurs des familles qui en descendaient. Par extension de cette idée, on voit les serpents devenir les protecteurs des villes, des provinces, enfin du pays tout entier.

De même les animaux carnassiers ont pu devenir les demeures des "âmes de ceux dont ils avaient dévoré les corps. L’homme même, par l’anthropophagie, pouvait devenir la demeure de ceux qui l’avaient précédé dai s la vie ; cf. Hérodote, i, 21(5 et iv, 26. Les textes des Pyramides nous montrent Ounès dévorant les dieux, ses ancêtres, pour posséder leurs vertus. Maspéro, Bibliothèque égyptologique, t. i, p. 157-158.

Le Livre des morts apprend au défunt à faire toutes les transformations désirables, lxxvi, à se charger à son gré en faucon, lxxvii et lxxviii, en lotus, lxxxi, en phénix, nxxxiii, en échassier, lxxxiv, en hirondelle, lxxxvi, en serpent, lxxxvii, en oiseau à tête humaine, lxxxv, en crocodile, lxxxviii. C’est purement de la magie et Chantepie de la Saussaye, Manuel d’histoire des religions, Paris, 1914, p. 108, a raison de dire : « Hérodote s’est abusé quand il a attribué aux Égyptiens la doctrine de la métempsycose, les métamorphoses sont absolument volontaires, et ici il n’est point question de châtiment ou d’expiations comme dans les métempsycoses des Hindous ou des pythagoriciens. »

Cependant ces idées de métempsycose sont très secondaires dans l’eschatologie des Égyptiens. Ceux-ci distinguaient l’âme, BA, le double, KA, l’esprit KHOU, le cœur, AB. Après la mort, l’âme proprement dite monte ou s’envole au ciel. Elle va, suivant les idées de l’époque archaïque, exposées dans les textes

des Pyramides, se joindre aux étoiles innombrables, ou, suivant les idées panthéistes qui prévalurent plus tard, elle va se fondre dans le Soleil, elle rentre dans l’âme universelle, habitante du Soleil. Elle n’est pas créée spécialement pour tel ou tel corps.

L’esprit s’en va au séjour des Mânes. D’après le Livre des morts, cxxvi, 6, il peut circuler à sou gré d’un monde à l’autre, et se soustraire aux dangers qu’il peut rencontrer dans l’autre vie. Cet esprit garde quelque chose de la personnalité du défunt, car il s’alimente des offrandes présentées pour cette personnalité par les vivants, et revient tourmenter ceux-ci en cas de négligence de leur part, mais il ne la représente que très imparfaitement. Et s’il prend sa part des offrandes, ce n’est pas à lui directement que ces olfrandes sont adressées.

C’est au double que sont adressées les offrandes destinées au défunt. C’est lui qui reste le compagnon fidèle du corps pour lequel il a été créé. Il a besoin d’un support matériel, c’est le corps — d’où la nécessité de l’embaumement — ou, à son défaut, une statue du défunt. Le double conserve dans ce corps ou dars cette statue une survivance de la personnalité du défunt.

On constatera sans peine que les pratiques de l’embaumement, qui prirent ur.e si grande place en Egypte parce qu’elles semblaient nécessaires à la subsistance du double, impliquent des croyances plutôt contradictoires avec la métempsycose.

C’est donc à tort qu’on a cru trouver une preuve de la croyance en la métempsycose dans les momies d’animaux trouvées si nombreuses dans les tombeaux égyptiens. Cf. Encycl. Britann., art. Melempsy chose. La raison en est toute différente. Les animaux pouvaient être momifiés pour rester au service du défunt, ou même lorsque nous devons y voir un signe du culte rendu aux animaux, ce culte peut s’expliquer autrement que par la doctrine de la transmigration.

Grecs.

 Franck dit avec raison : « On croit

communément que l’idée de la métempsycose a passé des Égyptiens aux Grecs ; mais cette opinion ne s’accorde pas avec l’histoire. Longtemps avant qu’il y eût aucune relation entre les deux peuples, la transmigration des âmes était enseignée, au nom d’Orphée, dans les mystères de la Grèce. Hérodote lui-même, dont le témoignage est le seul fondement de la supposition que nous combattons, distingue expressément entre les anciens et les nouveaux partisans de la métempsycose, c’est-à-dire qu’il reconnaît que ce dogme était répandu dars sa patrie avant Pythagore. » Diction, des sciences philos., art. Orphiques.

Si haut que nous puissions remonter, nous rencontrons le culte des morts avec nombreuses offrandes, cf. Christus, p. 443, sans que nous trouvions aucune trace favorable à la croyance aux réincarnai ions. Homère nous révèle les doctrines de son temps relatives à la survivance des âmes, mais aucun texte ne favorise la métempsycose.

1. L’orphisme.

Cette croyance n’apparaît qu’au vi r siècle dans l’orphisme.

Dionysos Zagreus, essayant d’échapper à la colère des Titans par une série de métamorphoses, a été mis en pièces et dévoré quand il est sous la forme d’un taureau ; Pallas a sauvé son cœur, d’où renaît le nouveau Dionysos, puis se venge des Titans et les foudroie. De leurs cendres sort le genre humain, dans lequel l’élément titanique, principe du mal, s’oppose à l’élément dionysiaque, principe du bien, dérivé du sang de Zagreus. De là. pour l’homme, la nécessité de se libérei du principe mauvais pour faire triompher l’élément divin ; il y arrive par une série de purifications, répétées pendant plusieurs existences consécutives, jusqu’à ce qu’il entende de Perséphone le mot