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    1. MESSIANISME##


MESSIANISME, COMPARAISON DES IDÉES ENTRE ELLES 1546

prophète pense donc sans doute à un chef assez éminent pour mériter le nom de David.

Aucun prophète n’a décrit le Messie futur aussi bien qu’Isaïe. En face des grands dangers dont Israël est menacé, il le présente comme le sauveur que Jahvé enverra à son peuple. Il naîtra d’une vierge et sera dès le berceau comblé de tous les dons divins. Le Messie est pour Isaïe un être tellement miraculeux qu’il lui donne entre autres noms celui de « Dieu avec nous » et « Dieu fort ». Assis sur le trône de David, il réconciliera toutes les tribus, affermira pour toujours le royaume d’Israël et y fera régner la sainteté, la justice et la félicité. Sa puissance pour maintenir la paix sera tellement grande qu’Isaïe jette une sorte de défi à tous les peuples de la terre. Ceux-ci se garderont bien d’attaquer la Terre sainte. Ils se grouperont au contraire autour du Messie comme autour d’un étendard. Dans le pays du Messie régnera la concorde la plus parfaite même entre les animaux, vu-xi. Michée a dessiné le portrait du Messie d’une manière tout à fait analogue, en relevant en particulier qu’il sortirait de Bethléhem, v, 2 ; de même l’auteur du psaume lxxi.

Sophonie, par contre, ne mentionne pas le Messie et Jérémie ne lui attribue pas un rôle aussi prédominant qu’Isaïe. D’après le prophète d’Anathoth, c’est Jahvé lui-même qui brisera le joug étranger qui pèsera sur Israël durant l’exil et reconduira son peuple en Canaan. Parmi les bienfaits qu’il leur destine, compte celui d’un roi très juste sous lequel Israël vivra en sécurité et servira le Très-Haut fidèlement, xxiii, 5. Ce roi sera tellement parfait que Jérémie ne le désigne pas seulement comme un rejeton issu de la souche de David, mais à l’exemple d’Osée, le nomme David tout court, xxx, 9. Mais, parce que Jérémie ne présente pas ce David redivivus comme le héros qui rétablit l’ordre en Israël, il ne le conçoit pas non plus comme un roi qui étend son royaume jusqu’aux extrémités de la terre. Ézéchiel a absolument la même conception du Messie. Il le nomme également David et relève uniquement son rôle religieux et moral au sein de son peuple, xxxiv, 23-24 ; xxxvii, 24. Il est frappant que dans la grande description du temps messianique qui clôture son livre, xli-xlviii, Ézéchiel ne mentionne plus le Messie : il y parle seulement d’un prince auquel il assigne un rôle assez secondaire.

La seconde partie d’Isaïe donne du Messie une idée toute nouvelle. Après avoir d’abord attribué l’œuvre de la restauration uniquement à Jahvé, dans la suite le prophète la fait accomplir en outre par ce Serviteur de Jahvé, à qui revient la mission de rétablir Israël et d’apporter le salut aux païens. Il s’acquittera de sa tâche non pas d’un seul coup, comme un roi victorieux, mais d’une façon douce, lente et douloureuse. Méconnu par les membres de son propre peuple qu’il veut rendre heureux, le Serviteur de Jahvé sera tué et ce n’est qu’aprè savoir expié par sa mort leurs péchés qu’il sera reconnu et exercera une grande inlluence même sur les rois, lui. Ce Messie souffrant reparaît dans le psaume xxi.

Aggée et Zacharie ont ceci de particulier qu’ « ils décernent à Zorobabel les titres du roi Messie », A. van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 548.

Dans la seconde partie de Zacharie, le Messie est présenté d’une part comme un roi qui, après la délivrance et le retour d’Israël, fera son entrée triomphale à Jérusalem et établira son règne pacifique sur toute la terre ; d’autre part il apparaît comme un bon pasteur qui, après avoir protégé son peuple contre tous les autres, est méprisé, persécuté et mis à mort comme le Serviteur de Jahvé. Mais ce meurtre criminel ouvrira les yeux à la nation coupable qui, au moins en partie, reviendra à Dieu par le repentir, xii-xiv.

Dans les livres de Malachie et de Joël, il n’est pas question du Messie. Chez Daniel, le fils de l’homme qui apparaît devant l’Ancien des jours, vii, 13, est en premier lieu le symbole de l’empire de Dieu, comme les quatre animaux représentent les quatre empires païens : ce n’est qu’en second lieu et indirectement qu’il figure le chef de cet empire divin, le Messie.

Parmi les livres apocryphes, c’est celui d’Hénoch qui renferme la conception la plus importante et la plus nouvelle du Messie. Tandis que, d’après « les Visions, il naîtra après le grand jugement et n’exercera aucune activité, il est, d’après « les Paraboles », un être humain et céleste tout à la fois : « le fils de l’homme », créé avant le monde. A la fin des temps, il apparaîtra acclamé partout l’univers, pour procéder au jugement universel des anges et des hommes, des défunts et des vivants. Le bonheur suprême des justes consistera dans la communauté intime et éternelle avec lui. Les Testaments des douze Patriarches et les Psaumes de Salomon présentent par contre le Messie tout à fait à la façon d’Isaïe, comme un roi puissant, descendant de David et établissant un royaume mondial. D’après les parties anciennes du III » livre sibyllin, le Messie viendra simplement inaugurer le temps messianique pour disparaître de nouveau ; d’après les parties récentes du même’écrit, il tiendra le sceptre pourtoute l’éternité sur la terre entière. Dans les deux dernières apocalypses, IVe Esdras et Baruch, il est conçu comme un être divin et humain en même temps, qui descend du ciel pour établir le royaume d’Israël, fait succomber tous les ennemis des Juifs et n’épargne que ceux qui se soumettent à lui. Après quelques siècles il mourra avec tous les hommes sans reparaître lors de la résurrection générale. Dans les autres apocalypses la figure du Messie ne se retrouve pas.

La théologie rabbinique place le Messie au premier plan de l’eschatologie nationale, mais ne lui accorde aucun caractère surhumain ; elle n’admet pas non plus de Messie souffrant.

État parfait d’Israël et de l’humanité.

L’intervention

de Jahvé et du Messie aura pour résultat une phase toute nouvelle de l’histoire du monde, un état sous tous les rapports très parfait des Israélites et aussi plus ou moins des autres hommes. L’attente de cette situation idéale forme le fond de tous les textes messianiques, du premier jusqu’au dernier. Quelle expression vigoureuse elle a déjà trouvé dans les quelques rares oracles, si abrupts et si mystérieux, qui nous restent des temps primitifs de l’histoire humaine et israélitel Plus tard, les plus pessimistes même des prophètes ne l’ont jamais abandonnée. La plupart d’entre eux sont inépuisables dans la description de la perfection que doivent atteindre un jour les mortels sur cette terre. Avec quelle fermeté rassurante, avec quel brillant éclat, avec quelle douceur consolante ils ont tour à tour, particulièrement aux temps de grande détresse, fixé l’attention de leurs auditeurs sur cet avenir grandiose !

1. Sainteté.

L’état définitif des hommes sera marqué en premier lieu par une grande sainteté. Cette aspiration formait l’âme du messianisme et lui donnait sa vraie, sa plus haute valeur. Déjà le protévangile, par l’annonce de la victoire sur le serpent, présente la perfection morale comme le but suprême du développement de l’humanité. Kônig, Messianische Weissagungen, p. 89, relève avec raison que dans aucune autre littérature antique cet idéal n’a été conçu d’une façon aussi précise. Dans les autres textes préprophétiques, la réalisation future de la sainteté n’est pas toujours expressément soulignée, mais elle est toujours sous-entendue. Les prophètes, par contre, conformément aux exhortations de Moïse qui avait lié la réalisation du bonheur des Israélites à l’obser-