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1543 MESSIANISME, COMPARAISON DES IDÉES ENTRE ELLES 1544

une petite élite que le salut est promis. D’après maint prophète, le jour de Jahvé, tout en s’annonçant très menaçant, ne sera désastreux que pour les païens, alors que par contre il doit être avantageux pour les Israélites.

Telles sont les trois étapes qui marquent le développement des idées messianiques en Israël. Beaucoup d’exégètes nomment la première l’époque du messianisme populaire, la seconde celle du messianisme prophétique.et la troisième celle du messianisme apocalyptique. Mais cette division n’est pas justifiée, car les textes préprophétiques, tout en contenant, surtout par rapport au Messie lui-même, des idées parfois rudimentaires, faisaient, autant que les oracles prophétiques, partie de la religion officielle ; seules les fausses conclusions qu’en tirait le gros du peuple, formaient une sorte de messianisme populaire. De même les prophéties exiliennes et postexiliennes ne diffèrent pas si essentiellement de celles qui les précèdent qu’il faille les désigner par un terme spécial. D’autant que les vrais livres apocalyptiques ne se distinguent que par la forme des écrits prophétiques.

La suite historique des idées messianiques ne présente donc en somme un développement progressif que dans une mesure assez restreinte. Souvent la continuité y manque. Plusieurs des oracles les plus importants, non seulement de la première période mais aussi des deux autres, ont un caractère abrupt. Les différents prophètes tiennent moins compte des conceptions de leurs prédécesseurs que des circonstances de leur temps, et s’en inspirent pour y rattacher leurs espérances. On a souvent l’impression que les idées nouvelles d’un voyant remplacent les idées antérieures plutôt qu’elles ne les complètent. On dit parfois que les prophètes ont travaillé successivement à la peinture d’un seul grand tableau de l’ère messianique ; il serait plus exact de dire que chacun d’eux a tracé son tableau à lui.


II. Comparaison des idées messianiques entre elles. —

Tout ce qui vient d’être dit sur l’ordre chronologique des prophéties messianiques exige comme complément un classement systématique de leur contenu. Ce groupement logique contribue beaucoup à faire comprendre ce qu’est le messianisme. Cependant, pour nécessaire qu’elle soit, cette classification offre de grandes difficultés, et d’abord la riche variété des idées qui se rapportent à l’avenir d’Israël, puis surtout le fait que ces idées ne semblent pas toujours bien s’harmoniser. On peut les comparer et les grouper d’après leur ressemblance ; mais, comme il résulte de ce que nous venons de dire au sujet de leur développement, on ne peut les unir ensemble en une sorte de mosaïque. M. Touzard, Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1615, a écrit avec beaucoup de raison : « Aucun prophète n’a de l’avenir messianique une vision totale et complète, même en juxtaposant tous les oracles de l’Ancien Testament, on n’arrive pas à un tableau d’ensemble aux contours et aux traits précis. »

1° Manifestation et rèr/ne de Jahvé. —

L’idée prédominante de tout le messianisme, c’est-à-dire de l’eschatologie terrestre des Juifs, est celle d’une manifestation extraordinaire de Jahvé par laquelle il doit intervenir en faveur du peuple élu, et se révéler comme le maître absolu de tous les hommes.

Cette manifestation est souvent nommée le « jour de Jahvé ». Au moment où cette expression se rencontre puni la première fois — c’est du temps d’Amos — elle est une locution populaire, par laquelle le gins des Israélites exprimait la conception que Jahvé viendrait tout à coup les délivrer de leurs ennemis actuels, et de leurs malheurs pour les rendre puissants et heureux. Tous les prophètes sans exception décrivent l’intervention de Dieu comme une théophanie grandiose, et en même temps foudroyante pour ses adversaires. Mais beaucoup d’entre eux, surtout les prophètes préexiliens, se voient obligés de compter parmi ces adversaires, non seulement les païens, mais aussi la plupart des membres de leur propre peuple. C’est pourquoi ils décrivent le jour de Jahvé surtout comme jour de ténèbres et de terreur, ainsi Amos, viii, 9 ; Is., ii, 5 ; xiii, 6 ; Soph., i, 12 sq. ; Mal., iii, 2 ; Joël, i-n. La révélation de Jahvé sera accompagnée de phénomènes effrayants : tremblement du ciel et de la terre, obscurcissement des astres, Amos, viii, 9 ; Is., ii, 19 ; xiii, 10, 13 ; xxxiv, 4 ; Soph., i, 18 ; Agg., ii, 22. Jahvé viendra tout d’abord en juge, Amos, iv, 12 ; Is., ii, 12 ; Mich., vi ; Ez., v, 13 ; vi, 12 ; Mal., iii, 2 sq., comme un guerrier furieux et impitoyable qui est rempli de colère contre toute la terre, contre tous les peuples, Is., xxxiv, 1-3 ; Jer., vii, 20 ; qui leur donne à boire la coupe de sa colère, Jer., vii, 20, qui les foule comme les raisins sous le pressoir, Is., lxiii, 1 sq. Mais il viendra aussi en sauveur. Pour aucun prophète le châtiment n’est le dernier terme du drame mondial. Jahvé ne frappera pas pour anéantir, mais pour purifier, sauver et rendre heureux ceux qui en sont dignes. C’est pourquoi tous les prophètes parlent aussi des soins paternels que Jahvé aura en particulier pour son peuple. Surtout pendant et après l’exil, ils trouvent des paroles touchantes et annoncent que Jahvé viendra comme un pasteur pour reconduire les Israélites dispersés et leur donner tout ce dont ils auront besoin. Mich., ii, 12-17 ; Ez., xxxiv, 10 sq. A la suite de cette manifestation, la majesté de Jahvé sera reconnue. Ézéchiel répète sans cesse qu’alors les païens verront qu’il est le seul vrai Dieu ; les peuples lui feront leur soumission : « tout genou fléchira devant lui », Is., xlv, 24, donc son règne effectif s’établira non seulement en Palestine, mais dansjle monde entier : les empires païens seront remplacés par celui de Dieu, Dan., ii, 44. L’idolâtrie cessera surtout en Israël, les païens se convertiront ; ils viendront en procession à Sion où Jahvé habitera au milieu de son peuple, Is., v, 5 ; xxiv, 23 ; xxv, 6, pour y apprendre la Loi, Is., ii, 2-4 ; Mich., iv, 1-4 ; Zach., xiii, 16-17. Ceux qui ne le reconnaîtront pas, seront anéantis, Is., xli, 11-16 ; Jer., xii, 17 ; Zach., xiv, 18.

2° Personne et œuvre du Messie. —

Tout en étant principalement présenté comme l’œuvre de la toute-puissance divine elle-même, l’établissement du royaume de Dieu est maintes fois aussi attribué à un personnage que Jahvé enverra comme son « oint », son Messie, et qui agira en son nom. C’est au sujet de ce représentant eschatologique de Dieu que les idées émises par les prophètes sont le plus différentes : à peine peut-on les classer autrement que d’après leur suite historique.

Le Messie est entrevu pour la première fois dans la bénédiction de Jacob : il sera non seulement le chef d’Israël, mais des peuples en général, et son règne sera caractérisé par une abondance merveilleuse des produits du sol. Plus tard David, ps. n et cix, le présente comme un prêtre-roi institué par Dieu à Sion, étendant son gouvernement jusqu’aux extrémités de la terre, subjuguant les peuples avec une force impérieuse, irrésistible. — Tandis que le premier prophète-écrivain, Amos, se contente de dire, au sujet du gouvernement d’Israël après le châtiment, que la hutte délabrée de David sera rétablie par Jahvé, ix, 11, sans mentionner la présence d’un roi exceptionnel, Osée semble envisager pour la fin des temps l’apparition d’un prince qui aura une particulière importance : les Israélites, après leurconversion, o chercheront Jahvé leur Dieu et David leur roi », ni, 5 ; le