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    1. MESSIANISME##


MESSIANISME, ORIGINE

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Ses idées sont contenues dans deux études : Die isrælitisch-jùdische Heilandserwartung, 1909, Deralttestamentliche Prophetismus, 1912, II » partie, Alter, Wesen, Ursprung der alttestamentlichen Eschatologie. Il relève tout d’abord, contre Gunkel et Gressmann, que l’eschatologie consiste, non pas en premier lieu, dans la perspective d’un cataclysme et d’un renouvellement de l’univers qui serait dû à des forces physiques sans que des causes morales y soient en jeu, mais dans l’attente de Jahvé qui viendra établir définitivement son empire et apporter à son peuple le salut, au monde incrédule le malheur. Il va ensuite à la recherche des plus anciennes traces de cette attente. La haute antiquité de celle-ci ressort déjà pour lui de la manière dont les prophètes-écrivains présentent les idées eschatologiques : ils n’expliquent jamais les termes qui les renferment, par exemple « jour de Jahvé », « reste sauvé ». Sellin en conclut que, dès le temps d’Amos, il étaient bien connus et « fortement enracinés », Prophetismus, p. 115. Au delà des prophètes-écrivains il découvre diverses descriptions des suites funestes du jour de Jahvé : savoir le cantique de Moïse, Deut., xxxii, qu’il plaçait alors (1912) entre Amos et Elisée, les paroles d’Élie, III Reg., xvii-xix, le cantique de Débora, Jud., v, l’autre cantique de Moïse, Exode, xv, qu’il date, comme celui de Débora, du temps des Juges. Comme témoignages préprophétiques de l’espérance qu’à son avènement Jahvé doit aussi réaliser le salut, il allègue entre autres les bénédictions mises dans la bouche des patriarches, Gen., xii, 3 ; xxvii, 28, la bénédiction attribuée à Moïse, Deut., xxxiii, 13 sq., 28 sq., et, comme plus anciens et plus importants, les oracles de Balaam qui appartiendraient au moins à l’époque de David. De tous ces textes Sellin tire la conclusion que, longtemps avant le temps prophétique et royal, Israël attendait pour l’avenir une manifestation extraordinaire de Jahvé qui devrait avoir des effets salutaires pour les uns et néfastes pour les autres.

A la question de savoir d’où cette espérance est venue aux Israélites, Sellin répond finalement que « l’origine de toute l’eschatologie de l’Ancien Testament est due à l’acte révélateur du Sinaï, par lequel fut déposé dans le cœur du peuple le germe de l’espoir -en une future apparition analogue de Jahvé par laquelle se réaliserait l’empire illimité du Très-Haut dans le monde », Prophetismus, p. 148. Les idées eschatologiques elles-mêmes n’auraient pas été révélées au Sinaï ; mais la manifestation grandiose de Jahvé aurait fait une telle impression sur les Israélites qu’ils se dirent plus tard que ce Dieu puissant interviendrait sûrement une seconde fois, pour leur accorder ce qui manquait encore à leur bonheur et s’imposer d’une façon plus efficace à tous les peuples. Avant la législation de Moïse ils auraient partagé les croyances de l’eschatologie mythique des autres nations de l’ancien Orient, dont Gunkel et Gressmann auraient rendu probable l’existence. Mais, par suite de l’événement du Sinaï, ils les auraient abandonnées pour en garder tout juste quelques éléments à titre d’ornements secondaires de leur nouvelle eschatologie.

En même temps que l’origine des idées messianiques en général, Sellin explique encore de cette façon l’attente d’un Messie personnel. Celle-ci remonte également, d’après lui, à une époque de beaucoup antérieure aux prophètes et aux rois, comme il résulte, par exemple, de ps. ii, de Gen., xmx, 10, et, surtout des oracles de Halaam. Dès les temps anciens, le Messie fut attendu comme un personnage parallèle à Jahvé et rpii serait, lui aussi, le chef de tous les peuples. La première impulsion à celle attente aurait été, ici encore, donnée par la révélation du Sinaï, en ce sens qu’on se disait que Jahvé, étant de sa nature inacces sible, il enverrait, au moment de sa seconde grande manifestation, un représentant en la personne d’un remarquable héros. Cependant Sellin ajoute que, faire dériver psychologiquement l’espérance en un Messie de l’eschatologie générale, ce n’est pas l’expliquer entièrement. Il faudrait supposer en outre, qu’elle est issue d’une tradition plus ancienne que la révélation du Sinaï. C’est à tort que Gunkel et Gressmann auraient cru trouver cette tradition dans la croyance orientale en un roi sauveur ; car une telle croyance n’a pas existé, en dehors d’Israël. Le prototype du Messie aurait été « l’homme primordial », c’est-à-dire un homme dont les Israélites auraient cru qu’il a existé avant tous les autres auprès de Dieu. Sellin déduit l’existence de cette idée de Dan., vii, 13 sq. ; Is., xlix, 1 sq. ; li, 17 ; Job, xv, 7 ; Mich., v, l b ; Is., ix, 5 ; Num., xxiv, 17, et la retrouve dans la mythologie du parsisme, pour en conclure qu’elle n’a pas été le privilège des tribus prémosaïques d’Israël. L’eschatologie juive aurait transformé cette figure mythique du commencement des temps en un Sauveur venant à la fin des temps.

Tel est le système élaboré par Sellin pour expliquer l’origine du messianisme. Il faut admirer la fermeté avec laquelle, à rencontre de la critique moderne, il reconnaît l’événement du Sinaï comme une vraie révélation divine et lui attribue un rôle aussi important dans l’histoire d’Israël. Il faut également avouer que la manière dont il fait de cette révélation la source du messianisme est intéressante et qu’elle contient beaucoup de vrai. L’alliance que le maître absolu du monde avait conclue avec Israël, dans le dessein de répandre son nom sur toute la terre, devait apparaître aux âmes réfléchies comme la préparation d’une alliance future conclue avec tous les peuples, et la manifestation si éclatante de la toute-puissance de Jahvé devait donner la garantie qu’il saurait imposer sa volonté à ceux qui ne la reconnaissaient pas encore. On peut donc dire que, dès la première heure, une tendance messianique était innée à la religion mosaïque, qu’il faut la regarder comme un germe qui tend à son plein épanouissement.

Mais ceci ne permet pas de faire dériver tout le messianisme de la révélation sinaïtique. Aussi bien la façon dont Sellin a essayé de le faire est-elle très arbitraire. Elle renferme surtout une grave inconséquence. Du moment qu’on regarde les sources bibliques comme dignes de foi, lorsqu’elles racontent la manifestation de Jahvé au Sinaï, il faut aussi leur prêter confiance quand elles attestent des révélations antérieures. Si, par contre, on tient l’histoire prémosaïque d’Israël pour une légende et les idées religieuses de cette époque pour des emprunts mythiques, il faudrait en faire autant pour la période mosaïque. Mais admettons que Moïse ait été le premier médiateur entre Dieu et l’humanité. Du moment qu’on reconnaît ce rôle au fondateur de la religion juive, quoi de plus naturel que de lui attribuer au moins le contenu essentiel des discours par lesquels il exhorte les Israélites à observer la Loi, en leur annonçant, suivant leur conduite, bénédiction ou malédiction, une période de bonheur ou de malheur. Mais combien inutile devient alors cette profusion de recherches scientifiques par lesquelles Sellin s’applique à prouver qu’il y avait en Israël, dès les temps les plus anciens, une attente de bonheur et de malheur extraordinaire 1 D’autant plus que l’eschatologie populaire qu’il établit est, comme nous l’avons vii, une construction chimérique.

Complètement incompréhensible est l’effort qu’il fait pour trouVer dans l’antique mythologie orientale et dans les croyances Israélites une tradition présinaïtique relative au Messie ; tout autant le