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MESSIANISME, LA LITTÉRATURE RABRINIQUE


noire, liii-lxxiv. Les fléaux dont le monde actuel sera accablé avant d’arriver à son terme, sont également divisés en douze groupes ou étapes, xxv-xxix. Dieu en préservera la terre sainte, xxix, 2, et le Messie, apparaissant comme la foudre qui sort d’un nuage, rétablira Israël, lui, 8-11. Il fera surtout succomber le dernier prince du dernier royaume hostile à Dieu en qui s’incarne toute la méchanceté du monde. Celuici sera lié et transporté à Sion, où « le Messie le convaincra d’impiété et le tuera », xxix, 7-xl, 2.

Le Messie réunira tous les peuples pour accorder la vie à ceux qui se soumettent à Israël et pour exterminer ceux qui ont opprimé son peuple, lxxii, 2-6. Alors il se mettra sur le trône de son royaume pour régner jusqu’à la fin du monde actuel, xl, 3 ; lxxiii, 1. Il n’y a pas comme dans IV Esdr. d’indication sur la durée du temps messianique.

Le bonheur matériel qui se réalisera sous le règne du Messie est décrit avec une grande ampleur. La fertilité de la terre sera prodigieuse. Outre des mets ordinaires on se nourrira de la manne et de la chair de Béhémoth et deLéviathan, lxxiii-lxxiv ; xxix, 3-8. Lors de la résurrection tous les hommes auront d’abord l’aspect qu’ils avaient pendant leur vie terrestre, !., 2-4 ; mais après le jugement les damnés seront transformés en fantômes et livrés à leurs peines. Les justes par contre seront semblables aux anges et resplendiront comme des étoiles, xxx ; l-li.

Si l’apocalypse d’Esdras n’est pas toujours homogène, celle de Baruch l’est moins encore. Il y a en elle de vraies contradictions : tantôt il y est question d’un seul monde, iv, 1 ; xiv, 19, tantôt de deux ; certains textes parlent de résurrection, d’autres l’ignorent, xi, 4-6 ; xvi, 5 sq. ; voir pour le détail Volz, p. 35 sq. Souvent les perspectives messianiques et purement eschatologiques y sont mélangées, d’où mainte obscurité.

Ajouter aux ouvrages cités à l’art. Judaïsme, littérature apocalyptique, idées messianiques et eschatologiques : E. de Faye, Les apocalypses juives, 1892 ; J.-B. Frey, Apocryphes de l’Ancien Testament, dans Dictionnaire de la Bible, Supplément publié par L. Pirot, fasc. 1-2, 1926, col. 354-460. — Fr. Martin, Lc, livre d’Hénoch, 1906 ; F. Mari, Le idée escatologiche del Libro di Enoch, dans Rivista storico-crilica délie scienze leologiche, 1909, p. 1 sq. ; L. Gry, Les paraboles d’Hénoch et leur messianisme, 1910 ; F. Perles, Zur Erklàrung des Bûches Henoch dans Orientalistische Lileraturzeitung, 1913, p. 481 sq. ; G. Kuhn, Beitràge zur Erklàrung des Bûches Henoch, dans Zeitschr. fur die A. T. Wissenschaft, 1921, p. 240 sq. ; N. Messel, Der Menschensohn in den Bilderreden des Henoch, 1922 ; Pedersen, Zur Erklàrung der eschalologischen Visionen Henochs dans Islamica, 1926, p. 416 sq. — Bohn, Die Bedeutung des Bûches der Jubilæn, dans Theologische Studien und Kritiken, 1900, p. 167 sq. ; Fr. Martin, Le livre des jubilés, dans Revue biblique, 1900, p. 321 sq. ; 502 sq. — Schnapp, Die Testamente der Zwolf Palriarchen untersucht, 1884 ; F. Perles, Zur Erklàrung der Test, der Zwôlf Palriarchen dans Beihefte zur orienlalistischen Lileraturzeitung, 1908, p. 135 sq. ; Plummer, The relation of the Testaments oj the Twelve Palriarchs to the books of the New Testament, dans Exposilor, 1908, p. 481 sq., réplique de Charles, ibidem, 1909, p. 1Il sq. — Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, 1887 ; Jacquier, Les Psaumes de Salomon dans L’Université catholique, 1893, p. 94 sq. ; L. Gry, Le Messie des Psaumes de Salomon, dans le Muséon, 1906, p. 231 sq. ; R. Harris et A. Mingana, The Odes and Psalms of Salomon, 2 vol., 1916-20. — G. Hôlscher, Ueber die Entstehungszeit der Himmelfahrt Moses, dans Zeitschrift fur die N. T. Wissenschaft, 1916, p. 108 sq., 149 sq. ; Clemen, Die Entstehungszeit der Himmelfahrt des Moses, dans Hunderl Jahre A. Marcus und E. Webers Verlag, 1919, p. 72 sq. — Clemen, Die Zusammenselzung des Bûches Henoch, der Apocalypse des Baruch und des vierten Bûches Esra, dans Theol. Studien und Kritiken, 1898, p. 227 sq. ; Br. Violet, Die Apocalypse des Esra und des Baruch, 2 vol. 1923. — J. K. Fotheringham, The date and place of Writing oj the Slavonic Enoch, dans

Journ. of theol. Stud., 1918-1919, p. 252 sq. ; Bonwetsch, Die Bûcher der Geheimnisse Henochs, das sogenannte slavische Henochbuch, 1922.


II. Littérature rabbinique. —

Pendant que des « inspirés », de nouveaux « prophètes » composaient des œuvres entières dans lesquelles ils communiquaient de prétendues révélations que Dieu leur aurait faites sur l’avenir définitif d’Israël et du monde, les docteurs de la Loi discutaient entre eux toutes les questions qui se rapportaient à ce même thème. Les nombreux passages de la littérature rabbinique (Mischna, Tosephta, Talmud palestinien et babylonien, Midraschim, Targums, Prières, etc.) qui contiennent leurs opinions et spéculations sur le messianisme, prouvent le très vif intérêt que ce sujet éminemment israélite soulevait chez les savants du judaïsme.

Comme il est assez difficile de déterminer la suite historique des différentes parties de la tradition rabbinique — souvent des paroles fixées par écrit à une époque assez tardive sont d’origine beaucoup plus ancienne — nous donnerons dès l’abord, conformément à la coutume reçue, un exposé systématique des idées messianiques qui s’y rencontrent.

Le règne de Dieu.


Pour les rabbins, comme pour les apocalyptiques et les prophètes, l’ère messianique est la réalisation parfaite du règne de Dieu. Dans le but d’éviter la prononciation trop fréquente du nom de Dieu, ils l’appellent toujours « le royaume des cieux » (Malkouth ha&Sammaim) et y sous-entendent non le royaume, c’est-à-dire le territoire soumis à l’autorité divine, mais le règne, c’est-à-dire le pouvoir royal exercé par Dieu. Ce règne de Dieu est absolu et existe dès maintenant : « Celui qui s’éloigne du péché reçoit sur lui le royaume des cieux », Sifra, 93 d ; le prosélyte reçoit sur lui ce royaume, Midrasch Tanhuma. Gen. lekleka, 5 ; c’est par la vocation d’Abraham, par la fondation de la théocratie israélite qu’il a été établi parmi les hommes, Sifre, 134 b.

Le règne de Dieu qui s’établira à la fin des temps ne sera que l’extension universelle de l’empire actuel de Dieu. Les Targums des prophètes, par exemple Is., xl, 9 ; Mich., iv, 7 ; Abd., 21 ; Zach., xiv, 9 (Lagrange, p ; 155), disent souvent qu’alors « le règne de Jahvé se manifestera, sera reconnu de tous les habitants de la terre ». En même temps, les autres dieux seront privés de leur culte. Mekilta, 56 a. Cette manifestation du règne de Dieu se fera à Sion et le triomphe de Dieu sera en même temps le triomphe d’Israël, Pesikta Rabbathi, 161 a ; Targum Mich., iv, 7.

Le règne de Dieu est loin de jouer chez les rabbins un rôle aussi important que chez les prophètes. Ils ont cependant intercalé dans leurs prières — car « toute bénédiction où ne figure pas le règne n’est pas une bénédiction », R. Johanan, Talmud Bab., 40 b — la demande que Dieu règne enfin, de sorte que la mention du royaume des cieux devenait quotidienne. La onzième demande du Schemoné Esré est celleci : « Règne sur nous, Jahvé, toi seul. » Dans la prière Alénou, composée vers 240 après J.-C. en Babylonie, les Juifs s’adressent à Dieu en ces termes : « Aussi nous espérons en toi, Jahvé, notre Dieu, pour voir promptement la magnificence de ta force, pour voir disparaître les idoles de la terre et les faux dieux seront complètement détruits ; pour restaurer le monde par le règne du Tout-Puissant et tous les enfants des hommes invoqueront ton nom ; pour ramener à toi tous les méchants de la terre, tous les habitants du monde reconnaîtront et sauront. Car tout genou se courbera devant toi, toute langue jurera par toi… Et ils recevront sur eux le joug de ton règne et tu régneras sur eux à jamais et toujours. C’est à toi qu’appartient le règne, et tu régneras dans la gloire pendant les siècles des siècles. » (Traduction du