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MESSIANISME, LA LITTÉRATURE APOCRYPHE


retouches chrétiennes. Tout le monde le reconnaît, car ils contiennent une vraie christologie qui s’explique mieux et plus naturellement si les additions chrétiennes sont nombreuses, comme le supposent Plummer, 13urkitt, Schùrer, Lagrange, Felten, Frey. Par contre, Charles, Friedlànder, Hart, Lawther, Clarke, Œsterley ont essayé de diminuer autant que possible ces interpolations pour mettre le Christ et les Apôtres à la remorque de l’auteur des Testaments.

Sous bien des rapports le schéma eschatologique des Testaments est absolument celui des Jubilés : Après une dépravation suprême et un jugement sévère, Israël se convertira. Dieu le recevra de nouveau en grâce, le réunira de tous les coins du monde, exterminera ses ennemis et habitera au milieu de lui. Rub., vi, 5 ; Sim., v, 4 ; vi ; Lévi, iv ; x, 2-4 ; xiv-xviii ; Juda, xvii, 1 ; xvin ; xix ; xxiii-xxiv ; Iss., v-vi ; Zab., ix ; Dan, v, sq. ; Nepht., iv ; Gad, vin ; Asser, vu.

D’autre part des idées importantes qui se rencontrent dans les Testaments manquent dans les Jubilés. Ce sont surtout les quatre suivantes :

Le salut messianique sera aussi la part des païens : la paix régnera sur la terre entière, Sim., vi, les gentils reconnaîtront Jahvé, Juda, xxii ; xxv ; Zab., ix ; Dan, v.

Ce salut sera en outre partagé par les défunts : les patriarches et les autres justes ressusciteront, Lévi, vm ; xviii ; Juda, xv ; Zab., x ; Benj., x. Les impies se lèveront également de leurs tombeaux, mais uniquement pour leur honte ; leur sort est le feu éternel, Zab., x ; Benj., x.

La rédemption d’Israël et des autres hommes se fera par la destruction des mauvais anges et de leur chef Béliar, qui ont si longtemps séduit et tourmenté les hommes, Sim., vi ; Juda, xxii ; Zab., ix ; Lév., v ; Dan, v.

Enfin il y est question du Messie. Tandis que l’auteur des Jubilés, pour ne pas froisser les Asmonéens lévitiques, n’osait pas relever la plus grande prérogative de la tribu de Juda, savoir de fournir un jour le Sauveur par excellence, l’auteur des Testaments l’a mentionné à deux endroits. Le premier se trouve dans Juda, xxiv, 4-6. Le P. Lagrange, avec lequel nous regardons les f 1-3 qui précèdent comme interpolés, le traduit ainsi : « Alors montera de moi (= Juda) un germe et il restaurera le sceptre de mon règne, et de notre racine s’élèvera une tige, et il en montera une verge de justice pour les nations, pour juger et sauver tous ceux qui invoquent le Seigneur. » Le second est dans Joseph, xix, 6 : le Messie y est symbolisé par une corne qui pousse au taureau de Juda.

D’après Charles, p. xcviii, les Testaments contiendraient, à côté de l’annonce d’un Messie issu de Juda, la prophétie d’un Messie sortant de Lévi. Il lui applique surtout le psaume de Lévi, xviii, et en combinant plusieurs autres passages il trace de lui un portrait très exact. Mais le P. Lagrange a montré que, dès qu’on fait abstraction des phrases qui sont des interpolations chrétiennes et qu’on laisse aux autres leur sens naturel, « il ne reste plus de Messie lévitique, mais seulement l’affirmation du grand rôle joué par Lévi dans la personne des Asmonéens, par Lévi regardé avec Juda, et avant lui, comme l’instrument du salni national et religieux, et, tout au plus, mais cela esl fort douteux, l’esquisse d’un grand prêtre extraordinaire, revêtu de couleurs messianniques. » p. 70. 1° Le troisième livre sibyllin.

Cet écrit suit de

près ceux qui viennent d’être analysés. Aussi longi emps qu’on l’ai i ribuait à un seul auteur, on le croyait composé vers 140 avant J.-C. Mais, depuis Geffcken, Komposltion und Entstehungszeit der Oracula sibijllina, 1902, on y distingue de plus en plus différentes couches païennes et chrétiennes ; cependant, tout en

plaçant la rédaction définitive du livre au prenier siècle avant ou après J.-C, on continue à attribuer les oracles juifs, qui entrent seuls ici en ligne de compte, au milieu du iie siècle avant J.-C. ou on en fait remonter à cette époque les éléments primitifs ; voir Frey, col. 425 ; Bousset, Die Religion des Judentums, p. 19 sq. Le IIIe livre sibyllin est la première œuvre du judaïsme hellénique où se rencontrent des idées messianiques. Les écrits canoniques qui appartiennent au même milieu, la Sagesse et le IIe livre des Machabées, ne contiennent que l’eschatologie transcendante, mais ne mentionnent pas l’eschatologie messianique qui est ici largement représentée. Conformément à leur but, qui était de propager les conceptions juives dans les milieux païens, les oracles sibyllins font un véritable étalage des idées messianiques, si particulières au judaïsme.

Dans le prologue qui est conservé dans Théophile d’Antioche, Ad Autolycum, ii, 36, et qui indique le programme de tous les oracles sibyllins : la lutte pour le seul Dieu contre les idoles, il y a l’annonce générale que les païens idolâtres seront exposés « à la lueur d’un feu brûlant », 81, et qu’ils « seront brûlés par des flambeaux tous les jours », 82, qu’au contraire « ceux qui ont vénéré le Dieu vrai et éternel hériteront la vie, et habiteront en toute éternité le jardin verdoyant du paradis et mangeront le pain délicieux du ciel étoile », 84-86.

Les vers 97-294 sont un aperçu de l’histoire du monde à partir de la construction de la tour de Babylone jusqu’à l’établissement du royaume messianique qui aura lieu après le septième roi hellénique de l’Egypte (= Ptolémée VI, 145-117) et qui consistera en ce que le peuple de Dieu obtiendra l’empire du monde, et deviendra pour tous les mortels un guide à travers la vie.

Plus loin, 367-380, au milieu de menaces lancées contre de nombreux pays et villes, se trouve une promesse du bonheur messianique, adressée à l’Asie et à l’Europe ; les habitants de ces deux continents se réjouiront d’une longue vie et de tous les biens terres-. très ; aucun péché ne sera plus commis ; la paix et la justice régneront partout.

La description la plus importante et la plus détaillée des temps messianiques est contenue dans la troisième partie du livre, 489-808. Ici on voit clairement que la soumission de la Grèce par les Romains (148 av. J.-C.) a occasionné la composition des morceaux antiques de ce livre. L’auteur y voit le jugement de Dieu et en met la description sous forme de prophétie dans la bouche de la Sibylle : Des maux affreux de toutes sortes fondront sur l’humanité et particulièrement sur la Grèce en punition de son idolâtrie et de ses autres crimes : 538-544, 601-623, 632-651. Au milieu de ces calamités, Dieu enverra « du soleil », c’est-à-dire de l’Orient, un roi qui, par les conseils de Dieu, fera cesser la guerre sur toute la terre, « en tuant les uns et en concluant des alliances avec les autres », 652-656. Le temple de Dieu brillera d’opulence et de richesse en or, en argent, en pourpre et la terre sera d’une fertilité prodigieuse. Mais, après un certain temps, des rois païens à la tête de leurs peuples entreprendront encore une fois une campagne contre le temple et la Terre sainte. Pendant qu’en face du temple, ils immoleront des sacrifices idolâtriques, Dieu fera entendre sa voix et les tuera tous. La terre tremblera et les montagnes s’écrouleront, 057-667. Alors les Israélites vivront définitivement en paix : car le Créateur lui-même les protégera, 702-709. Voyant leur bonheur, les autres nations les imiteront en acceptant la vraie religion et en observant la Loi, 710-726. Le royaume éternel de Dieu sera établi sur la terre et aura comme centre Sion, où Dieu habitera. De tous les coins du monde