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MESSIANISME, LA LITTÉRATURE APOCRYPHE


lxvii, 10. Ces grands coupables sont, pour l’auteur, sans doute en premier lieu, les chefs païens de la Palestine et leurs adhérents qui oppriment les Israélites restés fidèles à leurs traditions. Lors du jugement ils reconnaîtront enfin le Très-Haut, lxii, 3, 6, mais trop tard ; en vain ils supplieront le Fils de l’homme d’intercéder pour eux, lxii, 9-10 ; ils disparaîtront de la surface de la terre, ils seront enfermés au lieu de leur ruine, lxjx, 27-28, ils descendront dans les ténèbres, dans les flammes de l’enfer, lxiii, G, 10. Les autres pécheurs pourront encore trouver grâce pendant que, lors du jugement, le malheur se réunit sur leurs têtes, à condition de faire pénitence ; leur sort ne sera cependant pas glorieux comme celui des justes, l, 2-4.

A la fin du second discours, conformément à un élément traditionnel de l’eschatologie, un groupe spécial de malfaiteurs est mentionné : les peuples païens qui, comme l’avait déjà prédit Ézéchiel, xxxviiixxxix, entreprendront un dernier assaut contre Jérusalem. Ces peuples se grouperont autour des Parthes et des Mèdes et seront excités par les mauvais anges. Ils fouleront la Terre sainte comme une aire ; mais devant la ville sainte ils seront arrêtés et engloutis par le schéol, lvi, 5-8.

Par la punition et la disparition des pécheurs et des oppresseurs, les justes obtiendront repos et salut, xlviii, 7. Ils seront sauvés. Leur sort sera magnifique, lviii, 2 ; leurs faces brilleront de joie, li, 5 ; ils seront entourés d’une lumière éternelle, lviii, 3, 6 ; ils deviendront comme des anges du ciel, li, 4 ; ils seront revêtus d’habits de gloire qui ne s’useront jamais, lxii, 15-16. Leur plus grand bonheur consistera dans la vie commune avec le Fils de l’homme ; avec lui ils mangeront, ils se coucheront et ils se lèveront pour les siècles des siècles, lxii, 13.

A toutes ces joies prendront également part les dispersés, qui reviendront sur des chars portés par les ailes des vents, lxii, ainsi que les saints qui sont déjà morts. De ces derniers il est dit d’un côté qu’ils descendront avec le Fils de l’homme, xxxviii, 1 ; xlv, 3, de l’autre qu’ils ressusciteront et seront séparés des autres qui surgiront des tombeaux, li, 1-2.

Le séjour des élus après le jugement sera en premier lieu la terre, transformée et embellie, xxxviii, 2 ; lv, 5 ; li, 5 ; lviii, 5 ; lxii, 15. Ce sera aussi le ciel : Hénoch y aperçoit les demeures des futurs élus, xli, 2. Ciel et terre seront donc unis. Le bonheur y durera éternellement, lviii, 3 ; lxxxi, 16.

Toute cette eschatologie du livre des paraboles est très spiritualisée bien qu’elle garde encore une couleur fortement nationale. Elle renferme beaucoup d’éléments nouveaux, surtout au sujet du Messie qui est présenté comme un être préexistant.

Le Livre des jubilés.

Le Livre des jubilés suit

de près le livre d’Hénoch ; car la manière dont la tribu de Lévi y est exaltée aux dépens de celle de Juda, prouve que son auteur a écrit après les grands succès de la famille sacerdotale des Machabées, et avant le déclin de la dynastie asmonéenne, donc au plus tard sous Jean Hyrcan (135-106).

Bien que cet écrit ne soit qu’un développement midraschique de la Genèse, il est parsemé d’idées messianiques qui forment un tout assez homogène. Moïse est censé apprendre de Dieu que la désobéissance par laquelle les Israélites offenseront continuellement le Très-Haut, deviendra un jour au suprême degré provocante. Aucune loi ne sera plus respectée, tous les vices régneront, il y aura guerre de tous contre tous, i, 8-14 ; xxiii, 16-21. Pour les punir, Dieu leur enverra les pires maux ; il les livrera en particulier à des peuples cruels, xxiii, 22-24, qui les réduiront presque à néant ; les têtes de leurs enfants deviendront blanches

comme celles des vieillards et les nourrissons de trois semaines auront l’aspect de centenaires, xxiii, 25. Par exagération il est même dit que la terre périra, xxxiii, 28.

Mais, par suite de ces châtiments, les Juifs se convertiront enfin et cette fois définitivement. Dorénavant ils reconnaîtront Dieu comme leur maître, lui seront attachés de toute leur âme, observeront sa thora entière, i, 15 sq. ; xxiii, 26 sq. En revanche Jahvé les guérira, xxiii, 20, les rassemblera du milieu des païens, i, 15, les sanctifiera, i, 15 ; l, et érigera sa demeure au milieu d’eux, i, 17. Ils seront débarrassés de leurs ennemis, xxiii, 20 sq., et craints de tous les peuples, xxxi, 18. A tout jamais ils posséderont Canaan et y jouiront du plus grand bonheur : « Leurs jours s’approcheront de mille ans… Il n’y aura pas de vieillard…„ tous seront comme des enfants et des jeunes gens-Ils passeront tous leurs jours en paix et en joie ; il n’y aura ni Satan ni autre ennemi ; car tous leurs jours, seront des jours de bénédiction et de salut, xxiii, 27-29.

Nulle part il n’est dit quand tout cela arrivera. Mais, en lisant ces prédictions, on a l’impression que celui qui les a composées, est convaincu que le niveau le plus bas a déjà été atteint lors de la persécution d’Antiochus Épiphane, et que les Israélites s’élèvent progressivement vers le bonheur messianique.

L’eschatologie du Livre des jubilés est nationale, conformément au rôle tout à fait privilégié qui y est attribué à Israël. Dieu a créé celui-ci dès l’origine du monde, ii, 19, et le protège personnellement sans jamais en confier le gouvernement, comme celui des autres peuples, à des anges, xv, 32. L’auteur ose même par la bouche d’Abraham conférer aux Israélites des fonctions qui sont toujours réservées à Dieu : « ils seront appelés à affermir le ciel et la terre et à renouveler les lumières qui sont au firmament », xix, 25. On comprend qu’un écrivain qui entretient un tel particularisme prévoie le bonheur messianique exclusivement pour son peuple. A un seul endroit du texte actuel, il s’élève à un point de vue universaliste. Lors de l’annonce du déluge, il dit : « Et Dieu fit à toutes ses créatures une nature nouvelle et juste, de sorte qu’elles ne pécheront plus en éternité », v, 12. Mais cette remarque, qu’elle se rapporte au temps qui suivit imméaditement le déluge ou au temps eschatologique, est tellement énigmatique et cadre si mal avec le contexte, qu’elle semble être une addition ; voir Volz, Jùdische Eschatologie, 1903, p. 26.

Ce bonheur sera exclusivement terrestre et consistera dans l’amélioration des conditions actuelles de vie. L’au-delà n’est cependant pas tout à fait étranger à l’horizon de l’auteur. D’après xxiii, 30 b, les justes parmi les défunts, sans doute des défunts d’Israël, verront le bonheur final des vivants et s’en réjouiront. Ils ne quitteront donc plus l’autre monde où la béatitude est leur part. Les pécheurs du monde entier par contre seront, d’après vii, 29 ; xxii, 22, tout de suite après leur mort livrés aux peines du schéol et auront, d’après le sens probable de xvi, 9-16, à passer par un jugement où ils seront condamnés à des souffrances éternelles.

Les Testaments des douze Patriarches.

Au Livre

des jubilés se rattache par un lien étroit celui des Testaments des douze Patriarches. Les deux écrits contiennent une foule d’idées communes ; en particulier celle de la prééminence de la tribu de Lévi qui est encore plus fortement accentuée au détriment de celle de Juda. Cette parenté ne s’explique que par l’identité des sources auxquelles leurs auteurs ont puisé et de l’époque à laquelle ils ont écrit.

Mais, tandis que le Livre des jubilés est une composition purement juive, les Testaments ont reçu des