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MESSIANISME, PSAUMES EXILIENS ET POSTEXILIENS


e ꝟ. 5), il faut surtout compter le ꝟ. 13, le dernier, qui annonce la venue du Seigneur pour le jugement ; car « l’idée du jugement final semble avoir été étrangère ou du moins peu connue à David », Hoberg, p. 26.

Gunkel, Kittel, Stærk, Bertholet rangent ces trois psaumes parmi les hymnes eschatologiques chantés en l’honneur de Jahvé, en tant qu’il va se révéler d’une façon éclatante comme maître du monde. Kittel surtout les explique d’un bout à l’autre comme des prophéties sur l’intronisation de Dieu à la fin des temps.

Cette conception se comprend assez pour les psaumes xcv et xcvn ; car, étroitement apparentés, ils se terminent tous deux par les phrases : « Il (Jahvé) vient, oui il vient pour juger la terre ; il jugera le monde avec justice et les peuples avec équité », et, conformément à cette attente nettement messianique, les Israélites y sont invités à publier la gloire de leur Dieu parmi les nations, et tous les peuples sont exhortés à adorer ce Dieu unique, à venir même se prosterner devant lui dans ses parvis pour que le royaume messianique se réalise bientôt. Mais, d’autre part, les psalmistes soulignent que Dieu s’est montré roi dès la création du monde et que, par la délivrance de la captivité, il révèle sa force devant les païens « en faisant apparaître le salut promis », de telle sorte que toutes les extrémités du monde l’ont vu. Ce n’est donc pas uniquement le règne futur, mais aussi le règne actuel de Jahvé qui forme l’objet des psaumes xcv et xcvn. Avec Lagrange, Pérennès et Bæthgen, nous reconnaissons pourtant que le point de vue eschatologique y prédomine conformément au fait que, dans Is., xl-lv, le retour deBabylone est présenté comme ouverture de l’ère messianique.

Bien que le ps. xcvi semble appartenir à la même situation que xcv et xcvii, le caractère messianique n’y est pas aussi apparent que le supposent Gunkel, Kittel, Stærk, Bertholet, Zenner, Lagrange, Pérennès. Toute allusion à l’établissement du royaume intégral de Jahvé y manque. La théophanie décrite aux ꝟ. 2-6 pourrait très bien, comme le suggère Duhm, se rapporter à un orage ; mais, comme dans ps. xvii, 8 sq., il vaut mieux la prendre pour une description poétique de l’aide que Dieu vient d’accorder à Israël ; car le ꝟ. 8 où il est dit que Jérusalem et les autres villes de Juda se réjouissent des jugements de Jahvé ne peut viser, comme dans ps. xlvii, 12, dont il est la reproduction, qu’un événement du passé. Cet événement est ici la délivrance de la captivité. Des grandes suites qu’il doit avoir le psalmiste ne mentionne que la confusion des idolâtres, 7.

3° En troisième lieu nous mentionnons les passages messianiques des autres psaumes exiliens ou postexiliens.

Ps., i, 5 : « C’est pourquoi les méchants ne subsisteront pas lors du jugement, ni les pécheurs dans l’assemblée des justes. » LesTargums ont déjà pris le jugement pour le jugement messianique, et l’assemblée des justes pour la communauté des saints qui subsistera après ce jugement. Presque tous les exégètes modernes, en particulier Bæthgen, Kittel, Bertholet, Stærk, Duhm, Pérennès, Podechard, Revue biblique, 1918, p. 72, suivent les Targums. Gunkel par contre, qui exagère tant de fois le messianisme des psaumes, trouve cette conception de ps. i, 5, ridicule. Il a bien tort ; car, comme préface du psautier, le psaume i est de date très récente et la mention du jugement s’y explique au mieux comme une allusion à la séparation des justes et des impies, telle qu’elle est prédite dans Is., lxv, 8-10, 13-25 ; i.xvi, 10-12, 18-23 ; Mal., iii, 11-12 ; iv, 1-3, pour la fin des temps, voir Podechard, loc. cil., p. 72.

Ps., xiii, 7 : « Ah 1 que de Sion vienne le salut d’Israël !

Quand Jahvé rétablira son peuple, Jacob sera dans l’allégresse, Israël dans la joie. » Ce verset semble être « une aspiration à l’avènement du règne messianique », (Pérennès), ajouté pendant l’exil au psaume primitif. Duhm, Stærk, Gunkel, l’expliquent également comme eschatologique.

Le psaume lxvi, plutôt postexilien, est, comme Pannier l’a très bien caractérisé, un psaume universaliste du royaume de Dieu. Bien que composé pour remercier Jahvé après les récoltes, il contient les idées les plus universalistes et est une aspiration vers le règne messianique : Que Dieu bénisse de plus en plus Israël pour que toutes les nations reconnaissent que le salut dépend de lui.

Le psaume lxxxiv contient un des plus beaux textes messianiques du psautier :

10. Oui son salut est proche pour ceux qui le (Dieu) et la gloire habitera notre pays. [craignent,

11. La bonté et la fidélité se rencontreront, la justice et la paix s’embrasseront.

12. La fidélité germera de la terre.

et la justice regardera du haut du ciel.

13. Oui, Jahvé donnera ses bienfaits, notre terre donnera son fruit.

14. La justice marchera devant lui. et la paix suivra ses pas.

Le psaume est une prière pour la restauration complète d’Israël, composée après l’exil, probablement peu, après le retour de Babylone. Le peuple y remercie Jahvé de ce qu’il a eu pitié de lui en lui pardonnant son péché et en le rétablissant dans son pays. Mais, comme le bonheur tant de fois prédit par les prophètes est encore loin de sa réalisation totale, il supplie en même temps le Très-Haut de lui montrer sa bonté et de lui accorder son salut, 2-8. A cette supplication du peuple le poète répond par un oracle divin, 8-14, dont il dit expressément qu’il ne compte que pour les justes. Son contenu est d’abord (au ꝟ. 10) : « le salut est proche ; bientôt les contemporains du second temple n’auront plus rien à envier à ceux du Temple de Salomon ou à l’âge mosaïque : Jahvé ne tardera pas à remplir de sa glorieuse présence sa deuxième demeure », Pérennès, p. 192. Le poète énumère ensuite les principaux biens spirituels, bonté, fidélité, justice, paix, qui rendront alors les hommes heureux. Dans une première comparaison il les présente comme de bons génies qui accompagnent Jahvé, 11, 14, et qui rivalisent pour réjouir la terre ; dans une seconde comparaison, 12, il les fait pousser du sol comme de l’herbe et regarder du haut du ciel comme le soleil. Finalement il n’oublie pas de mentionner, à l’exemple de tant de prophètes, qu’il y aura alors une grande fertilité de la terre. Voir pour ce psaume Calés, dans Recherches de science religieuse, 1924, p. 429-434.

Ps. lxxxv, 9-10, renferme une prière analogue :

Toutes les nations que tu as créées viendront se prosterner

Devant ta face, Jahvé, et glorifier ton nom ;

Car tu es grand et tu fais des miracles, toi seul es Dieu.

Bien qu’elle soit la plainte d’un individu, cette prière renferme cette belle perspective sur la conversion des païens, et prouve combien vive était l’espérance messianique au temps de sa composition. A cause de nombreux emprunts à d’autres psaumes qu’on relève dans celui-ci, ce temps est très tardif. Comparer aussi ps. lxxxix, 16.

Le psaume ci, le troisième des psaumes de pénitence, est au commencement, 1-12, et dans les versets de la fin, 24-28, la plainte d’un affligé qui est près de mourir ; au milieu, 13-23, par contre, il est une prière pour Jérusalem tombée en ruines. Cette partie a été composée sans doute pendant l’exil et insérée dans un psaume plus ancien. Elle a un contenu tout à fait eschato-