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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : DANIEL


de soixante-deux semaines et d’une semaine, périodes dont chacune sera marquée par des événements saillants. La première époque qui comprend quarante-neuf années ira « de la sortie de la parole pour faire reconstruire Jérusalem jusqu’à l’apparition d’un chef oint », ix, 25. La seconde qui sera de soixante-deux semaines, c’est-à-dire de quatre cent trente-quatre années, pendant laquelle Jérusalem sera rebâtie, ira jusqu’ « à ce qu’un oint soit retranché » et « que le peuple d’un chef venant détruise la ville et le temple », ix, 26. Alors commencera la semaine finale de sept ans. Avec elle viendra « l’inondation », c’est-à-dire la ruine par la guerre. L’ennemi fera « une solide alliance avec plusieurs ». Pendant une demi-semaine, il fera cesser LXX, Théodotion) l’holocauste et l’oblation et « sur le sanctuaire, LXX, Théodotion) sera l’abomination de la dévastation jusqu’à ce que la consommation décidée tombe sur cette dévastation », ix, 27.

La manière de comprendre ce calcul est des plus discutées. Saint Jérôme, Commentarium in Danielem prophetam, P. L., t. xxv, col. 564-578, énumère déjà neuf opinions. Jusqu’à la fin du Moyen Age, l’explication strictement messianique avait été présentée sous vingt-deux formes différentes, Fraidl, Die Exégèse der Siebzig Wochen Daniels in der alten und mittleren Zeit, 1883, p. 156-159. Il va sans dire que les exégètes modernes n’ont pas tardé à augmenter de beaucoup le nombre des hypothèses : on en compte aujourd’hui plus de cent. Récemment encore paraissait une nouvelle étude sur le sujet dont l’auteur, dans l’avantpropos, prétend avoir trouvé la solution définitive du problème : M. Thilo, Die Chronologie des Danielbuches, 1926. Mais après ce dernier essai même « il faut bien prendre en considération qu’il ne s’agit pas ici de préférer une interprétation claire et sans difficulté à une autre qui aurait des caractères tout opposés, mais de préférer une entre deux ou plusieurs interprétations dont toutes sont discutables », Driver-Rothstein, Einleilung in die Literatur des Alten Testamentes, 1896, p. 352, cité par Bayer, p. 75.

Gomme pour la désignation du quatrième empire les explications vont de nouveau en deux sens principaux : L’aboutissement du calcul est la date de la mort ou bien du Christ sous Ponce Pilate, ou bien du grand prêtre Onias III assassiné en 171 sous Antiochus Épiphane, II Mach., iv, 34.

Quiconque considère le livre de Daniel comme une apocalypse et reconnaît qu’Antiochus Épiphane est le dernier roi hostile à Israël décrit dans les chapitres vu, viii, x, xi, rapporte nécessairement au règne de ce même roi cette révélation de l’ange, sur la durée et le terme de l’abaissement du peuple élu commencé par l’exil. En effet, « les faits (prédits dans les c. ix et xi) correspondent pas à pas », Lagrange. « Bon nombre de traits s’unissent, se compénètrent, s’identifient du chapitre vu au chapitre xii du livre de telle façon qu’ils ne peuvent raisonnablement, à si peu de distance les uns des autres, signifier des choses différentes. » Daniel, col. 97.

Le point de départ du calcul n’est pas un édit d’un roi perse qui aurait permis la reconstruction de la ville sainte, mais « en apparence » (Lagrange) la prophétie de Jérémie, xxix, 10, à laquelle il est fait allusion, ix, 2, et par laquelle il est annoncé que la restauration d’Israël aura lieu après soixante-dix ans. La computation elle-même se fait moyennant une transformation des soixante-dix ans en soixante-dix semaines d’années.

Le calcul de la première semaine s’explique au mieux par la supposition que l’auteur du livre de Daniel a combiné Jer., xxix, 10, avec Jer., xxx, 18, qu’il a interprété ces prédictions de Jérémie de la

même manière que le Chroniste, II Parai., xxxvi, 20 sq., et qu’il les a datées à peu près du temps de la destruction de Jérusalem, 586 ; voir Bayer, p. 83 sq. Ceci résulte de ce qu’il clôture la première semaine par l’avènement de Cyrus qui est le chef oint et dont le règne commença en 536. Cette époque va donc de 586 à 536, tandis que les soixante-dix années de l’exil sont comptées par l’auteur, de nouveau en dépendance du Chroniste, Bayer, p. 85 sq., à partir de la troisième année de Joïakim, qui est de vingt et un ans antérieure à 586, jusqu’à l’avènement de Cyrus.

La seconde époque va du commencement du règne de Cyrus jusqu’au meurtre d’Onias, 536-171. Il est vrai, que la durée de cette époque de soixante-deux semaines, soit quatre cent trente-quatre années ne correspond pas à l’espace compris entre 536 et 171 qui n’est que de trois cent soixante-cinq ans. Mais la difficulté se résout au mieux, ou bien par l’hypothèse que l’auteur du calcul, après avoir déduit des soixante-dix semaines sept pour la première période et une pour la dernière, n’a pas voulu détailler, comme dit le P. Lagrange, p. 513, le bloc du milieu, ou bien par celle du P. Bayer, p. 86, que l’auteur a cru qu’entre l’avènement de Cyrus et le meurtre d’Onias il y avait quatre cent trente-quatre années.

La troisième période sera inaugurée par l’assassinat du grand prêtre, commis en 171, II Mach., iv, 34. Au milieu de cette époque les sacrifices cesseront conformément à I Mach., i, 57, où il est raconté que le 15 kislev de l’année 143 de l’ère séleucide, c’est-à-dire le 15 décembre 168, donc trois ans et demi après la mort d’Onias, Antiochus Épiphane « mit l’abomination de la dévastation sur l’autel ». La fin de cette semaine sera marquée par la fin de l’oppression, conformément à I Mach., iv, 52, où il est dit que le 25 kislev de l’année 148 de l’ère séleucide (25 décembre 165), donc la septième année après Onias, Juda Machabée rétablit le culte. Le calcul de la première moitié de cette dernière semaine se trouve encore sous deux autres formes : « un temps ( = an) des ( = deux) temps et la moitié d’un temps, » vii, 25 ; la profanation du temple durera deux mille trois cents soirs et matins, soit onze cent cinquante jours, soit à peu près trois ans et demi, viii, - 14.

Par cette explication la prophétie des soixante-dix semaines perd le sens directement messianique ; mais elle reste typiquement messianique comme M. Bigot, col. 82, et Œhler, Théologie des Alten Testamentes, 2e éd., 1882, p. 834, l’ont relevé.

Le royaume messianique.

Après les quatre

empires païens dont les chefs sont tous plus ou moins hostiles au TrèsHaut, après la persécution pire encore du dernier roi du dernier empire, sera établi le royaume de Dieu. Dans chacune des cinq visions, à l’exception de la quatrième, la prédiction relative au passé est suivie de celle qui concerne l’ère messianique.

Dans le songe de Nabuchodonosor le royaume de Dieu est symbolisé par la pierre qui se détache d’ellemême sans l’aide d’un homme, brise la statue, devient grande comme une montagne et remplit toute la terre, ii, 34 sq. Dans la prophétie des soixante-dix semaines, le temps nouveau dont on détermine l’arrivée est caractérisé comme une époque où « le crime sera expié » — il n’y aura donc plus de péché — où « la justice éternelle, c’est-à-dire le salut messianique sera apportée », où « les prophéties seront scellées », c’est-à-dire confirmées par leur réalisation, et où « le saint des saints — - le nouveau temple — sera oint », ix, 24.

La description la plus connue du royaume de Dieu est celle qui est en connexion avec la vision des quatre animaux. C’est le tableau grandiose et célèbre de l’Ancien des jours donnant le gouvernement du monde au fils de l’homme, vii, 9 sq. Daniel, après