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MARSILE DE PADOUE, INFLUENCE


réfuter, on a pu signaler dans toute sa théologie de

l’Église « l’esprit » même du Defensor. K. Yansteenberghe, Le cardinal Nicolas de Cars, Paris, 1920, p. 11. Il ya moins de réserve encore chez Mat nias Dôring, dont la Confutatio primatus papse, écrite en

1443, est pour une bonne part tissée d’extraits de Marsile. Pour la preuve détaillée, voir P. Albert, Die Confutatio primatus papse, dans Ilistor. Jahrbuch, 1890, t. xi, p. 460-178.

On voit que l’œuvre de Marsile commençait à ravitailler les réformateurs eeclésiastiques du pouvoir spirituel comme elle avait soutenu les adversaires politiques du pouvoir temporel.

3° Période de la Ré/orme. —— Tout naturellement, on devait être tenté de chereber un rapport entre la doctrine de Marsile et la grande révolution religieuse du xvi 1 — siècle.

De bonne heure, les premiers adversaires de la Réforme crurent pouvoir dénoncer chez Luther une réminiscence des erreurs du De/ensor. Ce fut, en tout cas, pour Albert Pigbius, Hierarchiw ecclesiasticiv assertio, Cologne, 1538, v, 1, dans Roccaberti, Biblioth. maxima pontificia, t. ii, p. 122, l’occasion’de caractériser en termes très heureux l’esprit qui animait le novateur du xive siècle : « C’était, dit-il, un aristotélicien plutôt qu’un chrétien… S’il cite l’Écriture et les sentences des saints Pères, c’est en les comprenant à sa manière… Il est d’ailleurs si âpre à l’égard des pontifes romains que, n’était la distance des temps, on pourrait se demander si c’est lui qui emprunte à Luther ses invectives ou inversement. L’un et l’autre font assaut pour se surpasser. » Suit une longue et véhémente réfutation, ibid., 1-16, p. 122-205. Chez des bistoriens modernes également, on retrouve l’opinion que l’ecclésiologie de Marsile coïncide avec celle de Luther. Voir Silbernagl, lor. cit., p. 427, et surtout R. Labanca, Marsilio du Padoiuie Martino Lutero, dans Xuova Antologia, 1887, t. lxxi, p. 209-227, qui veut, en outre, voir dans son héros un ancêtre de la Révolution. Ces coïncidences ne sont évidemment pas des preuves de dépendance. « La vérité est que Marsile de Padoue a été parfaitement ignoré des réformateurs religieux du xvi c siècle et des écrivains politiques qui, de près ou de loin, ont préparé la Révolution. » Ad. Franck, dans Journal des Savants, 1883, p. 129.

Si les initiateurs de la Réforme n’ont pas utilisé l’œuvre de Marsile, leurs disciples ne tardèrent pas à voir le parti qu’ils pouvaient en tirer. Dès 1522, le IJefensor était édité à Râle par Licentius Evangelus, qui ne manquait pas de signaler dans cet ouvrage expressissimam horum temporum imaginent, « l’image » en particulier des vexations que, dès cette époque, la tyrannie romaine faisait subir aux meilleurs des Césars. Ad lectorem…, p. 363, reproduit dans Goldast, p. 312. A partir de ce moment, les éditions se succédèrent rapidement. N. Valois, p. 623, n’en signale pas moins de huit jusqu’en 1692. Comme au xiv siècle, aux éditions s’ajoutaient les traductions. LTne traduction anglaise par W. Marshall parut à Londres en 1535. Dix ans plus tard, 1545, Max Minier en publiait en allemand une traduction abrégée, qu’il dédiait à Othon Henri, comte Palatin. La Réforme a toujours poursuivi parallèlement un double but, savoir : l’opposition à la hiérarchie catholique et l’assujettissement de l’Église au pouvoir civil. Pour atteindre l’un et l’autre, elle trouvait en Marsile de Padoue un excellent auxiliaire.

Rien d’étonnant à ce que la même sympathie persiste chez les protestants actuels, comme en témoigne le grand nombre des thèses que lui consacrent les jeunes bacheliers et le lyrisme de leurs appréciations. « Marsile, affirme l’un d’entre eux, en mettant l’autorité des Écritures au-dessus de l’autorité de l’Église,

délivrait la conscience humaine de l’asservissement où la tenait plongée l’Église romaine… Par sa haine implacable contre le système catholique et en particulier contre la papauté, et aussi par ce besoin d’affranchissement qui était en lui, il avait tout ce qu’il fallait pour être un réformateur complet. » L. Jourdan, Étude sur Marsile de Padoue, Montauban, 1892, p. 7980. « Marsile, écrit de même A. Huraut, Élude sur Marsile de Padoue, Paris, 1892, p. 53-55, a été un réformateur religieux et c’est là le point qui nous intéresse le plus. Ce qu’il a combattu dans l’Église, c’est l’organisation hiérarchique… Et c’est pour lui un grand litre de gloire d’avoir eu la hardiesse de dire ce qu’aucun autre avant lui n’avait osé proclamer… Pour tous il reste un » précurseur », art. Marsile de Padoue, dans [’Encyclopédie des sciences religieuses, t. xii (supplément ;, p. 693, et son œuvre ne paraît pas moins digne d’attention aujourd’hui qu’autrefois pour la solution de ce problème toujours pendant que sont les relations de l’Église et de l’État. Sander, art. Marsilius, dans Prot. Realenc, t. xii, p. 371.

Il y aurait fort à dire, du point de vue théologique, sur la singulière affinité qui pousse les tenants du pur Évangile vers un système où s’accuse de toutes parts la mainmise du pouvoir laïque sur l’ordre religieux. Ces éloges n’en sont pas moins à retenir, à titre de témoignage historique, pour montrer combien profondément la pensée de Marsile est en opposition avec le catholicisme traditionnel. A eux seuls ils seraient une suffisante condamnation pour la doctrine qui mérita de les recevoir.

Outre les histoires générales de l’Église et de la littérature médiévales, où Marsile de Padoue trouve naturellement sa place, de nombreux travaux lui ont été consacrés chez les historiens, les juristes et les théologiens. Nous ne signalerons ici que les plus utiles et les plus importants.

Milieu historique et théologique.

K. Mùller, Der

Kampf Ludwigs des Bayern mil der rômischen Kurie, Tubingue, 1897 ; V. Preger, Der kirchenpolitisehe Kampf imter Ludwig dem Bayern, dans Abhandlungen der historischen Classe der k. bayerischen Akademie der Wissenschaften, t. xiv, Munich, 1879, p. 5-70 ; Vatikanische Akten zur deutsehen Geseliichte in der Zcit Kaiser Ludwigs des Bayern, Inspruck, 1891 ; J. Rivière, Le problème de l’Église et de l’État au temps de Philippe le Bel, Louvain, 1926 ; R. Scholz, Unbekannte kirchenpolitisehe Streitsehriften aus der Zeii Ludnngs des Bayern, Rome, t. i, 1911 ; t. ii, 1914 ; G. Mollat, Les papes d’Avignon, Paris, 1912.

Études générales sur Marsile de Padoue.

Ad.

Franck, Réformateurs et publicistes de l’Europe : Moyen Age et Renaissance, Paris, 1864 ; E. Friedberg, Die mittetalterlichen Lehrcn ùber das Verhiiltnis von Staat und Kirche, Leipzig, 1874 ; S. Riezler, Die literarisehen Widersacher der Pàpste zur Zeit Ludwigs des Bayern, Leipzig, 1874 ; B. Labanca, Marsilio da Padoia riformatore politico e religioso del secolo XI V, Padoue, 1883 ; Fr. Scaduto, Stato e Chiesa negli scritti politici dalla fine délia lotta per le investiture sino alla morte di Ludovico il Bavaro, Florence, 1882 ; importante recension de ces deux ouvrages par K. Mùller, dans Gottingische gelehrte Anzeigen, 1883, t. ii, p. 901-926 ; Noël Valois, Jean de Jundiin et Marsile de Padoue auteurs du Defensor pacis, dans Histoire littéraire de la France, t. xxxiii, Paris, 1906, p. 528-623 ; Ephraïm Emerton, The Defensor Pacis of Marsiglio of Padua, Cambridge, 1920, dans Harvard theological Sludies, t. viii ; G. Piovano, // Defensor Pæis di Marsilio Patavino, dans Scuola catholica, t. xxii, 1922, p. 161-178, 342-359.

Études spéciales.

Aug. Nimis, Marsilius von Padua

republikanische Staalslehre, Mannheim, 1898 ; M. Guggenheim, Marsilius von Padua und die Staatslehre des Aristoteles, dans Historische Vierteljahrsckrift, t. vii, 1904, p. 343362 ; R. Scholz, Marsilius von Padua und die hlee der Demokratie, dans Zeitschrift fiir Politik, t. i, 1908, p. 61-84 ; Ant. Thomas, Extraits des archives du Vatican pour servir à l’histoire littéraire du Moyen Age, xii : Marsile de Padoue, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire (publiés par l’Ecole française de Rome), t. ii, 1882, p. 447-150 ; James Sullivan, Marsiglio of Padua and William of Ockam, dans The amc-