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MARSILE DE PADOUE, INFLUENCE


cumque. Ce qui vaut également pour leurs pouvoirs de juridiction : Ideoque mirandum est cur ((intendant aliqui. .. Romanum ponti/icem reliquis sacerdotibus ampliorem clavium a Christo potestatem ht/brrr, a, 1°), p. 23’. » ; cf. p. 240 et 241 : Non plus’sacerdotalis auctoritatis essentialis habet Romanus episcopus quam aller sdcerdos quilibel… In auelorilale prima… omn.es sacerdotes eequales sunt merito atque sacerdotio.’Le même sylème est encore repris plus loin, ii, 22, p. 264 : Omnes episcopi sive sacerdotes sequalis sunt auctoritatis et meriti a Dco dati. Toute la différence de leurs pouvoirs relève d’une institution positive, qui prend toujours chez Marsile un caractère régalien, ibid., p. 263 : … Neque (aliquis episcopus) auctoritatis plus habet in alterum aut sibi commissum populum quame converso, nisi per générale concilium aut-fidelem leyislatorem humanum super alium aut alios auctoritas sive potestas heec concessa foret. Et il n’y pas a lieu de s’arrèler à cette mention du concile général ou à ce qui est dit ailleurs, ibid., 17, p. 250, du consentement occasionnel des Églises, parce que ces deux formes de la démocratie ecclésiastique sont toujours soumises à l’arbitraire du pouvoir suprême, qui est censé, par hypothèse, en être la meilleure expression. Cette quatrième proposition ne fait donc pas tort à la pensée de Marsile. En la condamnant, Jean XX. Il veut évidemment maintenir que la hiérarchie catholique, dans ses degrés essentiels, est à base de droit divin.

5. Quod tota Ecclesia Que toute l’Église ensem simul juncta nullum homi— ble ne peut inlliger à aucun

nem punire potest punitione homme une punition de

coactiva nisi concédât hoc contrainte, sinon par con imperator. cession de l’empereur.

Tel est bien le texte qui figure dans le corps de la bulle ; mais la formule qui revient dans la conclusion parle aussi du pape en même temps que de l’Église : Quod papa vel tota Ecclesia simul sumpta nullum hominem, quantumcumque sceleratum, potest punire punitione coactiva nisi imperalor daret eis auctoritatem. Il est assez logique, en effet, que le pape, qui est en quelque sorte le centre des trois propositions précédentes, ne soit pas absent de la dernière.

Elle est relative au pouvoir coercitif. Jean XXII en fait remonter le principe au pouvoir de lier et de délier concédé à Pierre, avec cette nuance intéressante : In persona Pétri Ecclesise potestas coactiva concessa, vel saltem permissa, exstitit. La même formule revient encore à propos de l’excommunication, que le Christ, dans Matth., xviii, 17, fait également entrer dans les droits de l’Église. Ce pouvoir coercitif, ainsi fondé sur l’Évangile, fut déjà exercé par Pierre sur Ananie et Saphire, et cela, bien entendu, sine imperiali concessionc aliqua. Le pape rappelle ensuite les sanctions appliquées par saint Paul, et montre combien il est absurde d’imaginer que le droit de coercition soit venu à l’Église des princes qui furent si longtemps ses persécuteurs.

On remarquera que Jean XXII ne parle jamais que du droit de coercition en général, sans préciser, ni dans son exposé doctrinal, ni dans les exemples invoqués à l’appui, aucune modalité d’application. Les sanctions spirituelles présentent, elles aussi, le caractère de « punitions coactives. Marsile était d’ailleurs opposé à celles-ci non moins qu’aux peines temporelles, puisqu’il remettait tout l’exercice de la justice à la vie future, à moins que l’État, de son côté, n’en décidât autrement pour le bien public. Ici-bas, déclare-t-il formellement, sacerdotum judicium coactivum nec est née esse débet, ri, 9, p. 214. La discipline contraire, inconnue aux premiers siècles, est venue à l’Église occasionaliler ex quibusdam concessionibus principum sibi factis. ii, 10, p. 219. Même pour l’excommunication, Marsile réclamait le consentement des fidèles,

n, 6, p. 207, c’est-à-dire, en pratique, du pouvoir civil. L’Eglise ne pouvait, à coup sûr, laisser mettre en cause une des formes normales, et malheureusement toujours nécessaires, de sa juridiction.

Toutes ces propositions sont reprises à la fin de la bulle et globalement réprouvées dans les termes les plus graves : Articulas prædiclos… velut sacrée Scripturæ contrarias et fidei catholiae inimicos, liiereticos seu hæreticales et erroneos… senténtialiler declaramus. Il va de soi que la garantie du magistère pontifical ne porte que sur la censure même des propositions condamnées, et pas du tout sur les réfutations qui les accompagnent dans le corps du document. Celles-ci n’en sont pas moins précieuses pour faire connaître la théologie du temps et aussi pour préciser, comme en une sorte de commentaire officiel, le sens dans lequel il faut prendre la condamnation dont les erreurs de Marsile furent l’objet.

Actes postérieurs.

En même temps que les doctrines,

la bulle dénonçait avec une égale solennité leurs fauteurs et, après avoir rappelé leur obstination notoire, les déclarait hérétiques et les mettait publiquement au ban de la chrétienté, avec ordre à tous le fidèles de les éviter et, à l’occasion, de les livrer à la justice de l’Église.

Jean XXII ne cessa plus, en effet, de les poursuivre par tous les moyens en son pouvoir. Voir ses lettres du 23 janvier et du 15 avril 1328, dans Yatikanischc Akten, n. 967 et 999 ; du 31 mars 1328, du 5 mai et du 25 juin 1329, du 22 juillet et du 6 septembre 1330, du 4 janvier 1331, dans Martène-Durand, Thésaurus, t. ii, col. 741, 773, 778, 813, 817. Sous ses successeurs Benoît XII et Clément VI, le désaveu des deux hérétiques entrait encore dans les conditions exigées par la curie pour la réconciliation de Louis de Bavière. Voir les lettres impériales du 28 octobre 1336 et du 18 septembre 1343, dans Vatikanische Akten, n. 1841 et 2167, p. 642 et 781.

Il y aurait même eu, à la cour d’Avignon, dans les années immédiatement suivantes, des projets de condamnation plus complète. « Benoît XII jugea insuffisante la censure du livre de Marsile et de Jean de Jandun faite par son prédécesseur, fl chargea de l’examiner à nouveau le cardinal Pierre Roger, le futur Clément Vf, qui réussit à y relever plus de deux cent quarante erreurs. » L’affaire en resta là ; mais « plus tard, devenu pape, ce même Clément VI déclarait qu’il n’avait jamais, dans ses lectures, rencontré de pire hérétique que Marsile de Padoue ». N. Valois, p. 620-621, d’après C. Hôfler, .4us Avignon, dans Abhandl. der k. bômischen Gesclhchajt der Wiss., VIe série, t. ri, 1869, p. 20, qui rapporte un souvenir rappelé par Clément VI le 10 avril 1343. Voir de même le témoignage d’un autre contemporain, Conrad de Megenberg, Tract, contra 11’. Occam, 6, édité par R. Scholz, Vnbekannte… Slreitschri/ten, t. ii, p. 364.

Ces projets n’ayant pas eu de suite, c’est la bulle Licet juxta doclrinam de Jean XXII qui fixe officiellement les positions prises par l’Église à l’égard de ce régalisme qui avait si souvent inspiré la politique des souverains médiévaux, et dont Marsile de Padoue a fait la théorie avec une vigueur de dialectique et une audace de pensée qui n’avaient jamais été atteintes jusque-là et qui n’ont peut-être jamais été dépassées depuis lors.

IV. Influence.

En dépit et parfois en raison même de sa hardiesse, le système exposé par Marsile de Padoue eut une très grande influence dans la suite. Les censures de l’Église le désignèrent— à la critique des théologiens orthodoxes, qui ne faillirent pas à cette tâche, sans d’ailleurs l’empêcher d’avoir toujours de fidèles partisans. De toutes façons, le nom et la pensée