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MARSILE DE PADOUE, CONDAMNATION


une réfutation très étendue, OÙ le pape établit que le Christ a fait de Pierre son vicaire par les paroles : Pasce oves meas. pasce agnos meos. Ce qui revient à faire de lui, suivant une métaphore familière à l’Écriture, la tête. c’est-à-dire le ehei’de l’Église, sans préjudice, bien entendu, pour l’autorité prédominante du Christ, qui en demeure toujours la < tête » principale. l’appui de cette vérité, par une évidente méthode d’argumentation <ul hominem, le pape se [liait a invoquer le témoignage des empereurs chrétiens. 11 s’ensuit que ce privilège était exclusivement propre à Pierre, comme le montrent les textes évangéliques ou l’on voit que des pouvoirs lui sont accordés que les autres n’ont pas reçus. Mais la bulle ne démontre pas directement la perpétuité obligatoire de cette fonction dans l’Église. Nul doute que, dans la pensée de Jean XXII, la primauté personnelle de Pierre n’emporte suffisamment celle du pape son successeur, dont les deux censures qui suivent vont revendiquer les droite suprêmes, en affirmant son autonomie par rapport au pouvoir civil, son autorité supérieure par rapport aux autres membres du clergé.

f. Quod ad imperatorem Qu’il appartient à l’empeipectat

papam corrigere, reur de corriger le pape, de Instituere et destituere ac l’instituer, de le destituer puniic. et de le punir.

Cette proposition présente dans la bulle deux rédactions légèrement différentes. La première omet le verbe corrigere ; la seconde porte bien les quatre verbes, mais dans un ordre qui paraît plus satisfaisant au regard de la logique : quod ad imperatorem spectat corrigere papam et punire, ac instituèrent destituere. Il s’agit de la suprématie que Marsile, en termes à peu près équivalents, ii, 22, p. 265-266, cf. i, 15, p. 177, et m. concl. 41, p. 312, reconnaissait au pouvoir civil sur le pape, suprématie qui comportait le droit de le réprimander et de le punir en cas de faute, plus encore le pouvoir normal de l’investir de son siège et, au besoin, de l’en retirer, c’est-à-dire tous les droits du supérieur sur son inférieur. La bulle, ici et dans la suite, a seulement traduit en clair par 1’ « empereur » ce que le Defensor désignait par le terme générique de suprême législateur humain », N. Valois, p. 582 et cf. p. 584, et détaché le cas particulier du pape d’une théorie qui visait tous les clercs.

On conçoit sans peine que Jean XXII n’ait pas voulu laisser se répandre sans le censurer un tel programme d’assujettissement. La question cependant soulevait bien des points de droit et de fait. Car la discipline canonique en ces matières avait toujours été complexe et l’histoire, aggravée d’ailleurs plus d’une fois par la légende, attestait sur ce chapitre de multiples et très graves interventions du pouvoir civil que personne ne pouvait ignorer. Aussi la discussion est-elle ici particulièrement longue et serrée. Le premier pape, note la bulle, fut institué par le Christ en la personne de Pierre, et cejie sont pas les empereurs qui ont pu nommer ses successeurs puisqu’ils étaient païens. Constantin n’a pas davantage acquis ce droit ; car, en se convertissant, il devint papæ filius ac disciliulus et sLibjectus. Il n’a donc pas pu le transmettre aux souverains qui l’ont remplacé, soit en Orient, soit en Occident. Si quelques-uns ont participé à l’élection du pape, ce fut ex concessione poslea ipsis pu ta per summum pontificem. D’ailleurs, ce droit consistait seulement à être les témoins de l’élection, ncore les bons empereurs y ont-ils renoncé.

N’ayant pas le droit d’institution, l’empereur ne saurait avoir celui de destitution, qui lui est juridiquement corrélatif. Ainsi en ont jugé les princes chrétiens, qui ont soustrait aux laïques le jugement des évêques. Ce sont, au contraire, les souverains pontifes qui ont excommunié et déposé les souverains : Jean XXII rap pelle ici les précédents déjà invoqués par Grégoire VII. Il conteste surtout qu’on puisse tirer argument pour la thèse adverse du jugement porté par Pilate contre le Sauveur. Tandis que la censure de la proposition ne tend qu’à mettre in tuto l’indépendance du pape, on voit que le commentaire en développe expressément la contre-partie, savoir la pleine supériorité, au sens médiéval, du pape sur l’empereur.

4. Quod omnes sacer— Que tous les prêtres, qu’il

dotes, sive sit papa, sive s’agisse du pape, d’un arche archiepiscopus, sive sacerdos vcque ou d’un simple prêtre,

simplex, sunt ex institulione sont, en vertu de l’institu Christi auctoritatis et juris— tion du Christ, égaux en au dictionis aequalis. torité et en juridiction.

Ce texte coïncide exactement avec le premier énoncé de la bulle. Le second ajoute d’abord le pronom indéterminé quicumque après sacerdos simplex ; mais surtout il double cette formule d’une autre qui la précise en la complétant. Elle se trouve d’ailleurs dans le corps de la bulle, mais séparée de la première, tandis qu’à la fin toutes deux sont juxtaposées. Sedquod unus habel plus alio, hoc est secundum quod imperator concessil plus vel minus, et sicut concessil revocare potest. Ainsi la proposition entière, au lieu de se mouvoir dans le domaine d’une théologie abstraite, prend la nuance très concrète du régalisme dont Marsile poursuivait partout l’application.

Là-contre, le pape cherche tout d|abord une indication de l’inégalité hiérarchique des prêtres dans l’Ancien Testament. Il en voit surtout la preuve dans le Nouveau, avec l’institution séparée des apôtres et des soixante-douze disciples, qui leur sont inférieurs poulie rang et les pouvoirs. Le droit ecclésiastique a précisé sur ce point le droit divin, en établissant des évêques, archevêques et patriarches. Institution qui remonte au Christ, dès là qu’elle est le fait de son vicaire’: llle enim cujus auctoritate fit aliquid velul fecisse videtur. En tous cas, elle ne relève pas de l’empereur : les règlements de Justinien en la matière se réfèrent à la tradition apostolique. La thèse des novateurs aboutirait à dire que l’Église n’eut pas de pasteurs légitimes avant Constantin : ce qui serait la négation de sa sainteté.

Quant au pouvoir d’ordre, il y a lieu de distinguer entre la dignité et la puissance. Sous le premier rapport, tous les prêtres sont égaux, en raison du caractère sacerdotal qui leur est commun. Mais la puissance du simple prêtre est inférieure, puisqu’elle peut être suspendue par le pape, au moins pour la licéité de son exercice. A cela près, les pouvoirs sacramentels produisent chez les uns et les autres les mêmes résultats. « Dans sa teneur absolue, écrit N. Valois, p. 593, (la quatrième proposition) dépasse peut-être un peu la pensée de nos auteurs… Jean XXII généralise ici ce que Marsile de Padoue et Jean de Jandun disent des évêques. De plus, là où la bulle ne fait allusion qu’à la volonté impériale, nos auteurs font aussi intervenir le consentement des Églises ou même le vote d’un concile général. » Même sous cette forme discrète, ces réserves du savant historien ne sont pas justifiées. Il est certain, en effet, que Marsile professait, comme le note la deuxième proposition, l’égalité de tous les évêques et ramenait au droit humain la différence de leurs pouvoirs. Mais il allait plus loin et complétait sa conception canonique de la hiérarchie par une vue théologique de l’ordre en lui-même. Avec saint Jérôme il se plaisait a admettre, au sens le plus littéral, l’identité primitive des évêques et des prêtres. D’où il concluait a l’égalité du caractère sacerdotal entre ses divers délenteurs : Hune siquidem sacerdotalem characlerem… probabiliter mihi videtur quod omnes sacerdotes habent eumdem specie, nec ampliorem habet hum— Romanus episcopus aul aller aliquis quant simplex dictas sacerdos qui-