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MARS1LE DE PADOUE, CONDAMNATION


et que nos auteurs citent déjà dans un texte et un ordre à peu près identiques à celui que nous connaissons, s’en ajoutait une autre, ainsi conçue chez Sybert : Quilibet prcsbyter Un plene potest absolvere ub omni rrimine, ab omni injuria, a quocumque periculoso statu quem homo incurrat modo quocumque, aient papa. R. Scholz, t. ii, p. 4. Cf. p. 17 le texte tout à fait semblable donné par Guillaume de Crémone. Pour des motifs que nous ignorons, cette proposition fut écartée au dernier moment et les cinq autres seules furent censurées dans le document définitif.

Bulle de condamnation.

Au terme de ces études

et consultations, Jean XXII se résolut à publier sa bulle Licet juxla doclrinam, en date du 23 octobre 1327, où il portait une solennelle condamnation contre les deux hérésiarques et leurs principales erreurs. Texte complet dans Martène-Durand, Thésaurus, t. ii, col. 704-716 ; Raynaldi, Annales eccl., ad an. 1327, n. 28-35, et Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1728, 1. 1 a, p. 304-311.

Le prologue rappelle l’obligation qui incombe à l’Église d’arrêter dès le début la propagande des doctrines erronées, puis les multiples dénonciations qui ont été faites au Saint-Siège contre JMarsile de Padoue et son complice Jean de Jandun. Des nombreux articles tirés de leur livre le pape se décide à condamner seulement quelques-uns. Bien que les erreurs en soient tellement manifestes que ce soit presque vouloir éclairer le soleil au moyen d’un flambeau, il y veut néanmoins ajouter quelques considérations propres à en montrer le vice.

C’est ainsi que le pape rapporte successivement, pour les dénoncer à l’Église, cinq propositions des novateurs, qu’il fait suivre chacune d’une longue réfutation. Elles sont encore une fois reprises d’affilée à la fin de la bulle, sous une forme à peu près identique, et frappées à nouveau d’une réprobation collective. On les trouve dans Denzinger-Bannwart, n. 495-500, soi-disant d’après Duplessis d’Argentré, mais, en réalité, avec quelques modifications qui ne correspondent pas toujours exactement ni à l’une ni à l’autre des deux recensions fournies par les exemplaires imprimés du document pontifical. Nous reproduirons d’abord le texte de Denzinger, comme plus usuel, mais en ayant soin de marquer, à l’occasion, les petites différences qu’il présente avec celui des premiers éditeurs, dont la lecture coïncide à quelques détails près.

1. Quod illud quod de Que ce qui se lit du Chris Christo legitur in Evangelio dans l’Évangile de sain* beati Mattha ?i quod ipse Matthieu, à savoir qu’il paya solvit tributum Cscsari quanle tribut à César lorsqu’il do staterem sumptum ex prit une pièce d’argent dans ore piscis illis qui petehant la bouche d’un poisson et didrachma jûssit dari, hoc ordonna de la remettre à facit non condescensivee ceux qui réclamaient le liberalitate sive pietate sed didrachme, il le fit non par necessitate coactus. condescendance, poussé par

a libéralité ou sa piété, mais

contraint par la nécessité.

Le second texte de la bulle porte ici jussit dure au lieu de jussit dari, et les deux sont d’accord sur la ver J sion plus plausible : liberalitate sur 1 pielalis. Mais ces deux minces variantes n’ont aucune importance pour le sens.

Il s’agit de la scène rapportée, Mat th., xvii, 24-27. Elle était déjà discutée au temps de Philippe le Bel, voir J. Bivière, Le problème de l’Église et de l’État, Couvain, 1926, p. 170 et 312, pour savoir, si, en payant l’impôt, Jésus avait ou non reconnu la suprématie du pouvoir impérial. Tous les régaliens, bien entendu, l’exploitaient dans le sens affirmatif ; cette exégèse devait recueillir l’adhésion de Marsile de Padoue, qui l’utilise, en effet, longuement, ii, 4, p. 197-198, pour astreindre les clercs à la soumission

envers l’État. A quoi la bulle oppose que ce fut la un acte de pure condescendance, comme il ressort du contexte où l’on voit que Jésus se déclare libre et accepte seulement de payer le didrachme pour ne pas causer de scandale.

Cet acte du Sauveur, et c’est ce qui en faisait la gravité, prenait alors les proportions d’un symbole, qui semblait accréditer le droit absolu du pouvoir civil sur les biens ecclésiastiques. En même temps que le principe le pape tient à désavouer expressément cette conséquence.

Quod omnia temporalia Que tous les biens tempo-Ecclesiae subsunt imperatori rels de l’Église sont soumis et ea potest accipere velut à l’empereur et qu’il peut sua. les prendre comme siens.

Marsile est bien responsable de cette déduction. N’on seulement il remarque, avec saint Bernard, qu’en acquittant l’impôt le Christ, bien qu’il pût en être dispensé par sa dignité royale, voulut accomplir son devoir de bon citoyen, exhibuisse debilam reverentiam, non ergo coactam, quoniam hujusmodi census et tributum debetur principibus a quocumque, i, 4, p. 198, mais il aime voir dans ce fait un exemple de plus vaste portée. Loin de requérir aucune sorte d’immunité, le Maître dictait par là leur conduite aux prêtres ses successeurs et montrait en acte qu’il ne lui répugnait pas d’admettre ipsorum temporalia subjecta fore principibus sieculi. Ibid., p. 197. Quelques lignes plus haut, Marsile reprenait à son compte une parole d’Origène, aux termes de laquelle les exactions, même injuste".. des princes à l’égard de l’Église ne font que les remettre en possession de ce qui leur appartient : ut exigant a nobis quie sunt ipsorum. La bulle se contente d’appliquer à l’empereur au singulier ce que le Dejensor disait au pluriel des princes en général..

Le pape s’attache spécialement à réfuter cette conclusion, en faisant observer qu’elle pèche par la base, du moment que le Christ s’affirme, en droit, exempt de l’impôt. Quand bien même il l’eût acquitté ex debito, la conséquence ne serait pas légitime ; car il s’agissait d’un impôt personnel et non pas d’un impôt réel. Unde non sequitur quod ex eo quod persona est Iri butafia, sunt et bona.

De cette censure exégético-juridique il ressort que le pape entend sauvegarder l’indépendance de la propriété ecclésiastique à l’égard de l’État.

2. Quod beatus Petrus Que le bienheureux apôtre apostolus non plus auctoPierre n’a pas eu plus d’auritatis habuit quam alii torité que n’en avaient les apostoli habuerunt, nec alioautres apôtres et ne fut rum apostolorum fuit caput. pas leur tête.

Item quod Christus nulDe même, que le Christ lum caput dimisit Keclesi ; e n’a laissé aucune tête à son nec aliquem suum vicarium Église et n’a fait de personne fecit. son vicaire.

Cette formule suit exactement la première recension de la bulle. La seconde la fait, en outre, précéder de cette proposition du même ordre : Quod beatus I’elrus Apostolus non fuit plus caput Ecclesise quam quilibet aliorum Apostolorum. En revanche, elle ne porte pas la phrase complémentaire : nec aliorum apostolorum fuit caput. De toutes façons, il s’agit de « l’autorité de Pierre par rapport au corps apostolique, puis à l’ensemble de l’Église. Et cette autorité, soit avant, soit après le mot abstrait, est désignée subsidiairement sous l’image classique de la « tête ». Il s’agit donc, en termes théologiques, de la primauté personnelle de Pierre et de sa perpétuité dans l’Église. Marsile de Padoue prenait à cet égard une position délibérément négative. La proposition condamnée résume assez bien les conceptions développées dans le Dejensor, ii, 16-17. p. 241247. Cf. ibid., 22, p. 263-264 ; iii, concl. 17, p. 310.

Naturellement son extrême importance lui mérite