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    1. MARSILE DE PADOUE##


MARSILE DE PADOUE, THÉORIE DE LA PAPAUTE

10’primauté sur eux. Nullam potestatem, toque, minus CQactivam jurisdictionem, habuit Petrus a Deo immédiate super apostolos reliquos, neque instituendi eos in offlcio sacerdolali, neque segregandi eos seu mittendi ad offlcium preedicationis. Tout au plus peut-on lui reconnaître une prééminence au sens large, due à son âge, à la ferveur de sa foi, ou peut-être, encore que l’Écriture n’en fournisse aucune preuve, au libre choix de ses pairs. La conduite de Pierre continue celle interprétation : Quoniam beatus Petrus nullam sibi assumpsisse singulariter auctoritatem supra reliquos apostolos invenimus ex Scriptura, sed mugis cum ipsis sequalitatem servasse. ii, 16, p. 242. De même que Pierre s’est installé à Antioche, les autres apôtres ont fixé à leur guise le centre de leur apostolat, sans recevoir de Pierre ni institution ni confirmation, lit ce fait est un indice de la loi qui régit encore leurs successeurs. Par là s’écroulent, faute de base, toutes les prétentions du pape à une juridiction universelle. L’évèquc de Rome n’est d’ailleurs pas le successeur de saint Pierre. Ibid., p. 244-246. Car il n’est pas sûr que celui-ci soit jamais venu à Rome : il est curieux de retrouver à cet égard dès le xive siècle les objections historiques que devaient reprendre Baur et son école. En tout cas, il n’y est certainement pas venu avant saint Paul. C’est ce dernier qui fut singulariter et principaliter l’évêque de Rome et c’est à lui, par conséquent, non à Pierre que le pape a succédé.

Il s’agit cependant d’expliquer l’origine de la papauté. Le fait générateur est ici, pour Marsile, la Donation de Constantin, sur laquelle il ne se lasse pas de revenir. Voiri, 19, p. 187 ; ii, 11, p. 221 ; 16, p. 243 ; 22, p. 265, et surtout 18, p. 252-253. Tous les évêques, en effet, étaient primitivement égaux. Rome néanmoins jouissait d’un grand prestige à cause de sa situation dans l’Empire, du nombre et de la science de ses clercs, du souvenir aussi des apôtres Pierre et Paul. C’est pourquoi les autres Églises la consultaient volontiers ou lui demandaient de leur fournir de dignes évêques. Tout cela ne faisait qu’une sorte de droit coutumier, cohsuetudinaria prioritas, mais qui encourageait déjà les évêques de Rome, avec le consentement plus ou moins tacite des autres, à des actes d’intervention de plus en plus caractérisés. Constantin acheva cette évolution en donnant au pape l’empire de tout l’Occident, et le moindre doute ne vient évidemment pas à Marsile sur l’authenticité d’un document qui est la justification idéale de son régalisme. De là procèdent tous les droits spirituels et temporels dont se prévaut depuis la papauté.

5° Applications : Théorie du gouvernement cenifal de l’Église. — Ne faut-il pourtant pas pourvoir aux intérêts généraux de la chrétienté en matière de foi et de discipline ? Ses principes démocratiques conduisent tout naturellement Marsile à charger le concile œcuménique de cette mission.

Il faut, en effet, pour ce gouvernement une compétence et une autorité que la communauté des fidèles ou ses légitimes représentants sont seuls à détenir. Huic consequenter ostendo quod hujus determinationisauctoritas principalis, mediata vel immediata, solius sit generalis concilii christianorum aut valentioris partis ipsorum vel eorum quibus ab universitate fldelium christianorum auctoritas hsec concessa fuerit. ii, 20, p. 256. — De ce concile non seulement les laïques ne sont pas exclus, mais ils en font obligatoirement partie en seconde ligne après le clergé : Viros eligant fidèles, presbijtcros primum et non presbyteros consequenter. Les uns et les autres sont élus par les communautés, secundum ipsorum proporlionem in quantitate ac qualitatc personarum. C’est toujours au suprême législateur humain qu’il appartient de déterminer les modalités de l’élection. Marsile reconnaît d’ailleurs que les

anciens conciles étaient surtout composés de prêtres, encore qu’on y voie figurer imperalores et impératrices fidèles cum suis o/ficiulibus. L’ignorance croissante du clergé eu matière religieuse lui paraît exiger qu’une plus grande place soit assurée désormais à l’élément laïque. Sur les inévitables divergences des prélats ce sont les fidèles qui auront à se prononcer. La convocation du concile est réservée au « suprême législateur humain ». Par ou il faut évidemment entendre l’empereur. N. Valois, p. 582. Marsile en trouve la preuve dans les conciles des premiers siècles : l’ancienne histoire ecclésiastique vient à l’appui de ses principes régaliens. Non seulement l’autorité civile a le droit d’inviter au concile, mais elle peut y contraindre toute personne idoine et dûment élue à cette fin. En revanche, il lui appartient de faire les frais de l’assemblée.

Toutes les matières qui intéressent la vie de l’Église entrent dans la compétence du concile. Marsile énumère nommément, avec preuves à l’appui, ii, 20-21, p. 256-263, la détermination de la foi et de la discipline ecclésiastique, le prononcé des excommunications, la répartition des bénéfices, les règles du culte et la canonisation des saints. Il confirme sa doctrine en montrant les inconvénients qu’il y aurait à ce que des points aussi graves fussent décidés par l’arbitraire d’un j seul. La politique de Boniface VIII et surtout la bulle Unam Sanctam lui fournissent des exemples de ce despotisme personnel, que l’intervention tutélaire du concile a précisément pour but et aurait sûrement pour résultat d’éviter. Il conçoit néanmoins que soit institué une sorte de président de la fédération ecclésiastique, avec mission de diriger les assemblées générales et d’en faire appliquer les décisions. Ce rôle devrait, en principe, être attribué au plus digne, qui serait d’ailleurs assisté par un sénat sacerdotal institué ad hoc. Marsile ne voit aucun inconvénient à ce que ce fût l’évêque de Rome, en raison des titres historiques dont cette Église a joui dans le passé, mais à condition qu’on ne veuille pas étayer cette fonction sur un droit divin inexistant. Voir ii, 22, p. 263-268. En dehors de là, tout le reste est abus, contraire tout à la fois aux plans de Dieu et aux intérêts de la société. Marsile consacre ses derniers chapitres à une âpre critique des empiétements commis par les papes, au nom d’une prétendue plenitudo potestatis, dans le double domaine spirituel et temporel, ii, 23-26, p. 268-288. puis à la réfutation méthodique des arguments scripturaires, n, 27-29, p. 288-305, et rationnels, ii, 30, p. 305-308, invoqués en sa faveur.

Cet exposé doctrinal, qui remplit les deux premiers livres du Defensor, se termine par une troisième partie, beaucoup plus couite, où l’auteur condense en quarante-deux conclusions ou thèses, iii, 2, p. 309-312, d’une manière d’ailleurs passablement désordonnée, les principales positions philosophiques et théologiques, — théoriques ou pratiques, prises et défendues par lui au cours de son traité. Partout s’affirme la volonté de soumettre le gouvernement de l’Eglise à la collectivité des fidèles et, par celle-ci, au pouvoir civil qui en incarne les droits et les pouvoirs. Il suffit de lire ce résumé dressé par l’auteur lui-même pour voir combien fut profonde, consciente et systématique, dans l’esprit de Marsile, cette conception régalienne, cette étatisation de l’Église à laquelle son nom demeure attaché.

6° Quelques cas particuliers de la juridiction ecclésiastique. — A ce système fondamental, contenu dans le Defensor pacis, le Defensor minor apporte quelques précisions ou aggravations supplémentaires sur certains points particuliers, qu’il faut au moins indiquer en terminant, d’après le résumé qu’en donne N. Valois, p. 607-615.