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véritable concept. Dans cette œuvre il s’attend à la persécution « le la papauté et cie ses complices, à la résistance d’une opinion ignorante ou prévenue, à

l’opposition sournoise des jaloux. Mais il compte sur le secours de Dieu pour accomplir son devoir jusqu’au bout. Voin, 19 et h. 1. p. L89, L90.

Son œuvre à cet égard est d’abord négative. Il entend combattre la doctrine alors classique de la plenitudo potestatis, qu’il expose en ces termes, ii, 3, p. 103 : Ronuuuini episcopum, vocatum pupam, judicem tsse supremum… super omnes mundi episcopos seu presbytères et ecclesiasticos minislros alios, super omnes quoque hujus sœculi principautés, commun itates, collegia ei singulares personas, eu jusque conditionis existant. Témoignage précieux, pour le dire en passant, de la manière dont se posait alors le problème du pouvoir pontifical, que ses apologistes étendaient volontiers, sans distinctions ni réserves, au double domaine spirituel et temporel. Ce qui amène notre novateur à l’exclure, par une réaction non moins excessive, de l’un aussi bien que de l’autre. Il ne s’agit pas, en effet, pour lui de disserter sur le pouvoir personnel du Christ, ni sur ceux qu’il aurait pu transmettre à ses Apôtres, mais de préciser ceux qu’il leur a transmis de fait. Son exemple est une première indication, n. 4, p. 195 : Christus ipse non venit in mundum dominari hominibus. .. nec principari temporaliter. sed inagis subjici secundum slalum et conditionem præsentis sœculi. Aussi bien peut-on établir par l’Écriture et la tradition qu’il a interdit aux siens toute puissance temporelle, qu’il leur a enjoint, au contraire, de se soumettre à l’autorité des princes et que les Apôtres l’ont fidèlement imité sur ce double point. Les textes invoqués par les adversaires en faveur de la plenitudo potestatis sont discutés seulement à la fin du traité. Voir ii, 27-28, p. 288-302.

D’où il suit, ii, 5, p. 204, qu’aucune juridiction extérieure n’appartient à l’Église de droit divin, pas même au spirituel, et que celle dont elle peut jouir lui vient de l’État, qui garde toujours le droit de la lui retirer. Nec in quemquam, presbyterum aut non presbytehim, coactivam in hoc sœculo jurisdictionem habere quemquam episcopum sive papam, nisi eadem sibi per humanum legislatorem concessa juerit. in cujus potestate semper est hanc ab ipsis revocare. Le croyant chez Marsile s’unit au politique pour subordonner entièrement l’Église à l’État. Exclue du temporel, la puissance ecclésiastique se trouve ramenée à l’ordre spirituel proprement dit, savoir l’administration des sacrements et spécialement le pouvoir des clés. Ce dernier est d’ailleur.. fort réduit, par le fait que l’auteur mrallie à l’ancienne doctrine qui réserve à Dieu seul la rémission du péché et de la peine éternelle, absque opère sacerdolis prweedente vel intervenienle simul. ii, 0. p. 206.

Au nom de ces prémisses. Marsile tranche résolument les principaux cas que soulevait la civilisation inédié-II n’admet pas que l’excommunication, ii, 6, p. 207, relève de la seule autorité ecclésiastique, mais d’un juge compétent pour représenter la communauté des fidèles, lequel consultera le clergé comme une sorte de jury. Les clercs délinquants ne peuvent pas revendiquer le privilège du for, ii, 5 et 7, p. 204 et 208 ; cf. 8. p. 212 : c’est à l’autorité civile qu’il appartient de les punir. Bien plus, l’Église ne possède ici-bas aucune espèce d’autorité coercitive ; elle peut seulement exhorter et reprendre ou faire entrevoir la menace des châtiments éternels, n. 7-10, p. 210-217. La répression des hérétiques est le fait du pouvoir séculier. Ibid., 10, p. 216-219.

l’our son entretien, le clergé a droit à des subsides honorables de la part des fidèles ; mais il reste soumis à la loi de la pauvreté. En conséquence, il ne saurait

DICT. Ul. THÉOL. CATH.

avoir la propriété d’aucun immeuble, ii, 13 ; p. 225231. Les biens mis à la disposition de l’Église par la générosité des donateurs appartiennent, en réalité, à l’État ; ce qui fait, ii, 17, p. 251, qu’ils restent soumis de plein droit à tous les impôts. Chemin faisant, ii, 11, p. 220-221, l’auteur s’est livré à une très vive charge contre les richesses excessives des elereset les désordres de leurs mœurs.

3° Applications : Théorie de la juridiction cpiscopale. - Non content de restreindre l’objet du pouvoir ecclésiastique, Marsile interprète en fonction de son régàlisine le concept même de la hiérarchie.

Du moment que le Christ n’a pas ni ne veut avoir de puissance temporelle, il y a lieu de se demander comment il peut être l’auteur du sacerdoce, qui représente, comme on l’a vii, col. 100, une fonction de la cité. Sa réponse est que le pouvoir d’ordre seul vient immédiatement de Dieu, encore qu’il l’accorde par l’intermédiaire de rites humains. A cet égard d’ailleurs, il n’y a pas de différence entre l’évêque de Rome ou tout autre et le moindre prêtre, ii, 15, p. 239.

L’inégalité qui existe entre les membres de la hiérarchie est une institution humaine, humana institutio qua sacerdotum unus aliis preefertur, et tout autant leur attribution à tel ou tel territoire. Marsile s’appuie, en effet, sur saint Jérôme, ii, 15, p. 239-240, pour établir que les évêques et les prêtres étaient primitivement égaux : ce sont uniquement des raisons d’ordre social qui ont créé entre eux une distinction. Voir également, i, 19, p. 187. Comme pour les autorités civiles, le choix des uns et des autres appartient à la communauté des fidèles où au prince qui en est le légitime représentant. Hujus institutionis seu determinationis pra>sidis… causa /activa immediata sil et esse debeat universa ejus loci fidelium mu.ltitu.do per suam electionem seu voluntatem expressam, aut Me vel Mi cui vel quibus jam dicta mullitudo harum institulionum auctorilatem concessil. ii, 17, p. 248. Ce qui comporte logiquement le pouvoir de les révoquer et aussi, conséquence plus curieuse, celui de les contraindre, en cas de négligence, à l’exercice de leur ministère. Rien de plus normal dans un système qui fait du clergé un corps de fonctionnaires nationaux.

Il faut cependant prévoir le cas des communautés imparfaites, dont les dirigeants seraient encore infidèles. Alors seulement, ibid., p. 250, l’accès aux fonctions sacrées dépendrait de l’autorité ecclésiastique, mais avec la participation obligatoire du peuple croyant. Dans cette conception étatistc, au lieu d’être la règle, l’autonomie du recrutement hiérarchique constitue l’exception.

4° Applications : Théorie de la papauté. — Tant qu’il parle du clergé ordinaire, Marsile se montre encore respectueux : évêques et prêtres entrent pour lui dans le cadre de la cité. Il en va autrement du pape : les conceptions révolutionnaires du novateur s’aggravent ici d’un ton franchement agressif.

Comme la question est de première importance et fournit, à vrai dire, la clé de tout le problème posé par les relations de l’Église et de l’État, .Marsile éprouve le besoin de préciser ex pro/esso les principes de sa méthode, ii, 19, p. 254-256. Il ne conteste pas i’existence d’un droit divin en matière d’organisation ecclésiastique ; mais il ne consent à le demander qu’aux Écritures canoniques et aux décisions des conciles généraux. Parce que ceux-ci représentent la sui cession des Apôtres et des premiers fidèles, il faut les tenir pour assistés du Saint-Esprit. Quant aux autres documents, y compris les décrétales des papes, ce sont des textes humains et qui restent comme tels sujets à l’erreur.

Au nom de l’Écriture, Marsile affirme l’égalité primitive de tous les Apôtres et conteste à l’ierre toute

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