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    1. MARSILE DE PADOUE##


MARSILE DE PADOUE. THEORIE DE L’ÉTAT

teo

sion de divers mémoires, dont l’un poile, notamment dans le ms. /, 35, de Brème, antérieur à 1360, le nom de Marsile de Padoue. C’est une sorte d’apologie mise dans la bouche de l’empereur, établissant qu’à lui seul il appartient de statuer sur les causes matrimoniales. Elle est accompagnée de deux actes impériaux non datés, l’un prononçant le divorce entre la comtesse de Tyrol et Jean., … l’autre accordant dispense de consanguinité à Marguerite… et à Louis… L’opinion là plus vraisemblable veut que ces actes soient de simples projets composés par Marsile de Padoue antérieurement au second mariage et présentés par lui, en même temps que son mémoire, à Louis de Bavière. » N. Valois, p. 617. Les pièces, éditées pour la première fois par Freher en 1598, sont reproduites dans Godast, Monarcfiia, t. ii, p. 1286-1291.

Rien n’était plus conforme aux principes du vieux réformateur que d’affirmer la souveraine autorité de l’empereur en matière de mariage. Il avait déjà traité cette question dans le dernier chapitre du Dejensor minor : il lui suffit d’en reprendre les doctrines et souvent même les termes pour justifier l’acte de Louis de Bavière en faveur de son fils. Aucune raison décisive n’existe pour retarder jusqu’à cette époque le Defensor minor tout entier, que les données de la critique interne situent en toute vraisemblance quinze ans plus tôt. Mais on conçoit que rien n’ait été plus facile et plus agréable à l’auteur que d’y chercher des matériaux en vue des circonstances du moment.

5° En dehors de ces traités personnels, on a pu, non sans raison, supposer la main de Marsile dans la rédaction de certains actes émanés de la chancellerie impériale à cette époque agitée. Ce serait le cas pour le réquisitoire du 18 avril 1328 contre Jean XXII. N. Valois, p. 596, après K. Muller, Der Kampf Ludwigs des Baiern mit der rômischen Kurie, Tubingue, 18791880, 1. 1, p. 369, et pour l’apologie impériale qui commence par les mots Fidem catholicam, publiée par Louis de Bavière le 6 août 1338. N. Valois, p. 618, après.1. Sullivan, loc. cit., p. 306-307.

III. Doctrines. — Engagé par toute sa vie et son œuvre dans le conflit renaissant du Sacerdoce et de l’Empire, Marsile de Padoue a naturellement concentré ses réflexions sur le problème de l’Église, de l’État et de leurs mutuels rapports. Mais sur ce point il a déployé une vigueur de critique et une hardiesse de vues qui dépassent de beaucoup tout ce que le Moyen Age avait produit dans ce genre de polémiques. Sur tout ce qui touche à la politique au sens le plus large, c’est-à-dire à la constitution interne de l’Église et à ses relations avec le pouvoir civil, Marsile ne fut pas seulement un novateur, mais un véritable révolutionnaire. Le programme très réfléchi et relativement méthodique de cette révolution est contenu dans le Defensor pæis, à propos duquel on a pu parler de « machine infernale ». G. Piovano, loc. cit., p. 164. Il suffit d’analyser les principaux thèmes de l’ouvrage pour en reconnaître l’extrême gravité.

Théorie de l’État.

Après une sorte de préface,

où il annonce son intention de travailler à la pacification publique en rappelant les principes qui président au gouvernement de la cité terrestre, en dénonçant à mots couverts les nouveaux ennemis qui la menacent de son temps, l’auteur consacre toute sa première partie à développer la théorie de l’État. Il en emprunte les éléments, comme tous les penseurs de l’époque, à la Politique d’Aristote : Aristoteles philosophorum eximius, i, 3, Goldast, p. 157. En dehors de l’intérêt qu’ils présentent pour l’histoire des idées politiques au Moyen Age, ces développements posent les prémisses qui seront ensuite appliquées à la constitution et à la vie même de l’Église.

Marsile commence par exposer l’origine et la fin

de la société. A côté de la fin temporelle, qui est évidemment la principale, il lui reconnaît aussi une fin spirituelle, savoir la poursuite du bonheur éternel promis à l’humanité par la révélation divine et qui d’ailleurs réagit à tant d’égards sur les intérêts de la vie présente. Voir i, 4 et 5, p. 158 et 160. La réalisation de cette double fin est assurée par les grands corps sociaux, dont les trois plus essentiels sont le sacerdoce, l’armée et la justice. Cette incorporation des institutions religieuses dans l’organisme de la cité entraîne évidemment comme conséquence le droit pour les dirigeants de celle-ci d’intervenir dans l’administration de celles-là. Tout le régalisme ultérieur de Marsile a son germe dans cette conception unitaire de l’État, où est entièrement méconnue la transformation introduite dans l’ordre politique par l’avènement du christianisme.

La distribution et l’ordre de ces parties constitutives du corps social appartient au pouvoir, que Marsile se plaît à désigner sous le terme philosophique et indéterminé de « législateur ». Ce pouvoir vient de Dieu, directement quelquefois comme dans le cas du peuple juif, mais, d’ordinaire, a Deo tanquam a causa remota, i, 9, p. 164, c’est-à-dire par l’intermédiaire des volontés humaines. Marsile accorde ses préférences à la monarchie tempérée, et pour en choisir le titulaire, au régime électif.

Du pouvoir ainsi conçu émane la loi. Elle a pour but de diriger les actes de l’homme vers le bien collectif et de suppléer aux défaillances individuelles, dont les chefs eux-mêmes ne sont pas exempts. Pour Marsile, c’est dans la volonté populaire que la loi trouve sa source et son autorité. Nos autem dicamus secundum veritatem alque consilium Aristolelis legislatorem seu causam legis efjectivam primam et propriam esse populum seu civium universilatem, i, 12, p. 169, ou du moins, ajoute-t-il aussitôt pour prévenir une difficulté, ejus valenliorem parlem per suam electionem seu voluntatem in generali civium congregatione per sermonem expressam. Ce qui ne laisse pas de donner une teinte sérieusement oligarchique à son esprit républicain. N. Valois, p. 576. Et l’auteur de s’appliquer aussitôt à justifier la souveraine compétence de la démocratie en matière législative, i, 13, p. 171-176. Mais il faut observer que plus tard, dans le Defensor minor, il admet sans peine que cette volonté commune ne trouve nulle part de meilleure et plus sûre expression que dans la volonté de l’empereur, considéré comme l’incarnation du peuple romain, qui est lui-même le —chef suprême de tous les autres. N. Valois, p. 613-614. La démocratie de Marsile ne s’oppose pas à l’autocratie. Cf. Piovano, loc. cit., p. 14. Au peuple également, comme interprète de l’intérêt collectif, appartient l’institution du chef de l’État et, s’il en était besoin, sa correction ou sa destitution. Voir i, 15, p. 175-177. « Cette doctrine de la souveraineté populaire ne diffère pas substantiellement de celle qu’ont enseignée saint Thomas, Suarez et Bellarmin. » Rien, en tout cas, ne permet de voir en lui un précurseur de l’idéal révolutionnaire à la manière de J.-J. Rousseau. G. Piovano, loc. cit., p. 166-167.

Tous ces principes assureraient largement la paix publique, si celle-ci n’était troublée par les empiétements de l’Église, spécialement de la papauté, que l’auteur dénonce violemment à la fin de sa première partie. Ce qui l’amène à s’expliquer sur la nature exacte de ses pouvoirs, à l’analyse desquels le reste de l’ouvrage est désormais consacré.

Théorie générale du pouvoir ecclésiastique.


Marsile ne conteste pas l’institution divine de l’Église ni la juridiction qui lui revient de ce chef. Tout son effort consiste à ramener celle-ci^ par de la toutes les déviations et tous les abus, à ce qu’il estime être son