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MARSILE DE PAD01 I. ŒUVRES


t. viii, col. 764-765. Le seul amour des études les mit peut-être en rapport. Marsile put, en tout cas, lui procurer, à sa grande joie, la primeur du commentaire des Problèmes d’Aristote que venait de publier, en 1310, le médecin et alchimiste padouan, Pierre d’Abano. N. Valois, loc. cit., p. 554-555. Toujours est-il qu’une collaboration — s’ensuivit, qui allait les jeter l’un et l’autre dans les pires aventures de la pensée et de l’action.

Participation au conflit politico-ecclésiastique.


Depuis l’avènement de Jean XXII, un nouveau et très grave conflit venait de mettre aux prises l’Allemagne et le Saint-Siège.

Entre Frédéric d’Autriche et Louis de Bavière, qui se disputaient le trône impérial, le pape avait pris parti pour le premier. Le Bavarois maintint ses prétentions et parvint à se débarrasser de son adversaire par la victoire de Mûhldorf (28 septembre 1322). Il était d’ailleurs encouragé à la résistance par un petit groupe de franciscains rebelles qu’il avait recueillis à sa cour. Après diverses sommations infructueuses, Jean XXII finit par prononcer contre le prince la peine d’excommunication (23 mars 1324), puis la déchéance de l’Empire. Il juillet). Contre quoi celui-ci riposta par l’appel de Sachsenhausen, où il accusait le pape d’hérésie (22 mai de la même année).

On conçoit que de tels événements aient profondément agité l’opinion, surtout dans les milieux universitaires où, vingt ans plus tôt, le conflit de Boniface VIII et de Philippe le Bel avait si vivement soulevé le problème de l’Église et de l’État. Nos deux maîtres voulurent trancher dans le vif de la question, en vue, non seulement de résoudre la crise présente, mais d’en éviter de semblables à l’avenir. A cette fin, ils conçurent un exposé de principes, où ils dénonceraient les usurpations de la papauté pour la ramener à son véritable rôle et proclameraient la souveraineté de l’empereur dans l’Église.

De leurs méditations sortit le Dejensor pacis, qui semble avoir été composé en juin 1324. Seul pourtant Marsile mit son nom en tête de l’œuvre commune. Antenorides ego quidam, écrit-il, i, 1 : ce qui était l’équivalent d’une signature ; car Padoue passait pour avoir été fondée par Anténor. Cette circonstance et l’incontestable unité du style inspirent encore à des auteurs récents quelques doutes sur la collaboration de Jean de Jandun. E. Emerton, The Dejensor pacis of Marsilio of-Padua, Cambridge, 1920, p. 13-19. Mais ces doutes ne sauraient tenir devant le témoignage des contemporains. Toujours est-il que Marsile fut, sans conteste, « l’auteur principal ». G. Piovano, // Dejensor pacis di Marsilio Patavino, dans La scuola cattolica, 1922, t. xxii, p. 162. Le même historien ramène toute la genèse de l’ouvrage, ibid., p. 164, à des calculs d’intérêt. Explication trop facile pour répondre adéquatement à la réalité des faits et qui ne doit pas faire méconnaître la part de conviction qui préside à l’œuvre des deux réformateurs.

Sans nul doute, le Dejensor pacis fut dès lors adressé à Louis de Bavière, à qui il était pompeusement dédié pour l’illustration de sa race, l’éclat de ses vertus et son attachement à la foi catholique. Mais il resta quelque temps encore inconnu à Paris, où, pendant plus de deux ans, les deux auteurs continuèrent en paix leurs fonctions professorales. C’est seulement au cours de l’été 1326 qu’ils disparurent subitement pour se réfugier auprès du Bavarois, tandis qu’éclatait dans la capitale le scandale de leur publication. Ils allaient mettre désormais une main active à l’application de leurs théories. Au premier abord, Louis de Bavière accueillit avec quelque défiance ces alliés qu’il estimait sans doute compromettants et on parlait déjà, dans son entourage, de les envoyer au bûcher. Voir la suite

de la chronique de Guillaume de Nangis, ad an. 1326, dans Recueil des hist. de la France, t. xx, p. 642. Mais ils ne tardèrent pas à obtenir ses bonnes grâces et Marsile devint même son médecin. L’année suivante, on le retrouve aux côtés du prince dans sa campagne d’Italie : à Trente, où, de concert avec le parti gibelin, fut décidée Ja marche sur Rome (janvier-mars 1327) ; à Milan, où Louis de Bavière ceignit la couronne de fer (31 mai), pendant que Marsile faisait distribuer dans tout le pays des libelles diffamatoires contre le pape.

C’est dans ces circonstances que son ami Mussato lui adressait une nouvelle épître, Epist., xvi, dans Grsevius et Burmann, op. cit., col. 51, pour célébrer sa puissance et inviter les Padouans à se montrer fiers de leur compatriote. Mais c’est aussi le moment où les deux docteurs sont assez en évidence pour être remarqués et où commence contre eux cette série de condamnations pontificales qui sera détaillée plus bas. Pendant ce temps, les événements suivaient leur cours. Entré à Rome en janvier 1328, Louis de Bavière s’y faisait décerner la dignité impériale, suivant la théorie démocratique de Marsile, par une délégation populaire. Toujours en vertu des principes du Dejensor, la déchéance de Jean XXII était proclamée le 18 avril et l’antipape Nicolas V élu à sa place le 12 mai. Marsile de Padoue avait reçu le titre de vicaire impérial de la ville, et il profitait de son autorité pour molester les clercs romains qui restaient fidèles au pape déchu. Bientôt il était lui-même promu par Nicolas V au siège archiépiscopal de Milan. Mais les revers n’allaient pas se faire attendre. Car l’empereur dut précipitamment quitter Rome devant le soulèvement du peuple, entraînant à sa suite toutes ses fragiles créatures. Jean de Jandun mourut au cours de la retraite (1015 septembre 1328). Quant à Marsile, il n’eut sans doute pas le loisir d’occuper son archevêché et dut rentrer en Allemagne avec son protecteur déconfit.

Dernières années.

Après cet éclat momentané,

l’obscurité la plus complète retombe sur l’existence de Marsile. Par erreur, certaines chroniques l’ont fait mourir dès 1328. En réalité, il semble s’être retiré auprès de Louis de Bavière et avoir pris à tâche de se faire o’ublier. Il sortit une dernière fois de son silence en 1342, pour soutenir la compétence de l’empereur en matière matrimoniale. Un discours du pape Clément VI, en date du 10 avril 1343, fait allusion à sa mort. Son décès doit donc remonter aux premiers mois de cette année, ou, tout au plus, à la fin de 1342.

IL Œuvres. — — Toutes les œuvres de Marsile sont relatives à ce conflit politico-ecclésiastique auquel il fut si intimement mêlé.

1° Dejensor pacis., — En tête, pour l’importance aussi bien que pour la date, se place le Dejensor pacis, dont on a raconté plus haut l’origine. C’est un gros traité, composé suivant toutes les règles de l’École, où sont longuement exposés et justifiés les principes des novateurs sur l’Église et l’État.

La date en est assez exactement déterminée par la critique interne. « Dans la rédaction définitive, le Dejensor pacis contient des allusions à plusieurs événements connus, à l’excommunication de Louis de Bavière, ii, 24, prononcée par bulle du 23 mars 1324, et à la circulaire adressée par le pape aux électeurs le 26 mai suivant, ii, 26. D’autre part, il prévoit et annonce seulement comme possible, ibid., l’acte par lequel Jean XXII déclara Louis de Bavière privé de ses droits à l’Empire. » N. Valois, loc. cit., p. 569. Cet auteur a pu aboutir à ces précisions importantes en rectifiant sur les mss. le texte défectueux des éditions imprimées. Ce dernier acte de Jean XXII étant daté du. Il juillet, on a ainsi les deux points limites entre lesquels se place la rédaction du Dejensor. < Dans ces