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MAROUÏA DE MAYPHERQAT


nient la plus ancienne collection de passions connue, ont été écrits dans la première moitié du v° siècle, car leur caractère est très proche de celui des mss. de l’Eusèbe syriaque, datés de. Il et 412 ; cf. Anal, liollond., 1921, t. xxxix, p. 338. Bien que mutilé de ses dernières pages, ce recueil nous prouve que, certainement dans la première moitié et probablement dans le premier quart du v siècle, il y eut en Mésopotamie une ample collection d’actes de martyrs, orientaux et occidentaux. Il est tentant d’attribuer la composition de cette collection à celui dont l’activité à la recherche des corps saints fit donner à son siège le nom de Martyr opolis ; l’ambassadeur d’Arcadius n’ignorait évidemment pas le grec, il peut donc avoir été à la fois le collecteur des passions persanes et le traducteur des actes occidentaux.

D’autres que Marouta avaient aussi travaillé à recueillir les récits des supplices endurés sous Sapor ; d’après la chronique de Séert, Pair. Orient., t. iv, p. 289 [79] : « Marouta, évêque de Maypherqat, et le patriarche Ahay écrivirent le martyrologe de ceux qui souffrirent le martyre au temps de Sapor. » Amr et Mari, loc. cit., ne mentionnent même à ce sujet que le catholicos Ahay.

Il semble impossible également de déterminer quels chants liturgiques ont été composés par Marouta : A. Baumstark propose de lui attribuer certaines pièces en l’honneur des martyrs, qui sont chantées par les nestoriens et chaldéens catholiques aux vêpres et aux matines des jours de semaine. Gesch. dersyr. Literatur, Bonn, 1922, p. 53.

Célèbre pour son amour envers les martyrs, Marouta ne le fut pas moins pour le zèle à faire appliquer en Perse les décisions de Nicce. Il est certain par les actes du concile de 410, Synodicon orientale, p. 20 sq., trad., p. 258-260, que les membres de ce synode prirent connaissance d’une collection de canons « des 318 Pères » dont l’ambassadeur d’Arcadius leur apportait le texte, et jurèrent de s’y conformer. La chronique de Séert parle des canons « provenant de la copie de Marouta, évêque de Maypherqat », Pair, orient., t. iv, p. 280 [70] ; ’Abdisô parle, comme il a été dit, d’une traduction des canons et d’une histoire du concile. J.-S. Assémani n’en avait rien retrouvé et se lamentait de ce que ces précieux ouvrages devaient en quelque point de l’Orient servir de pâture à la vermine, Bibl. orient., 1. 1, p. 195 ; il semble bien cependant que nous en ayons récupéré quelque chose. Parmi les mss. copiés en Orient par les soins de Mgr Clément David, il en est deux, Borgia syr. 81 et 82 (autrefois K. VI. 3 et 4) qui contiennent une série de textes canoniques. Le début du ras. 82 présente un aspect singulier : l’original sur lequel il fut copié, au monastère de Babban Hormizd, près Mossoul, avait ses premiers feuillets détériorés et déplacés ; le copiste consciencieux, mais timide, les a transcrits bout à bout, laissant en blanc la place des mots illisibles ou détruits. Les 115 premières pages se rapportent au concile de Nicée, et comme il s’y trouve une lettre de Marouta au catholicos Isaac, on est fondé à y chercher le corpus rédigé par Marouta en faveur des chrétientés persanes. M. Braun, qui a publié une traduction de tout cet ensemble dans l’ouvrage mentionné ci-dessus, De sancta Nicœna synodo, énumère comme suit la série des morceaux dont l’enchaînement est certain, p. 13 sq. : fragments des canons 15-20 de Nicée, liste des évêques présents au concile, lettre de l’empereur Constantin donnant l’ordre de brûler les écrits d’Arius, lettre de Marouta au catholicos Isaac, enfin 73 canons. Les pièces qui font partie de la collection, mais dans un ordre indéterminé sont : le symbole de Nicée-Constantinople avec commentaire, qui était probablement la dernière pièce du recueil, l’explication de certains termes grecs

en usage dans l’Église, quelques développements historiques sur le monachisme, un catalogue de treize hérésies, enfin une histoire de Constantin, d’Hélène et du concile. M. Braun pense que ces trois derniers morceaux appartiennent à la lettre de Marouta. Mais cette lettre est-elle bien authentique, dans toutes ses parties au moins ? Les difficultés ont été parfaitement discernées par M. Braun : l’histoire de Constantin et de sa mère, qui devient originaire des environs d’Édesse, est trop loin de la vérité pour qu’on puisse l’attribuer à un évêque à peine postérieur d’un demisiècle aux événements qu’il rapporte et qui avait fréquenté la cour de Constantinople. Il est probable cependant qu’au fond du texte transmis par le ms. Borgia syr. 82 il y a quelque chose de Marouta, mais les additions nous empêchent de retrouver l’état primitif. Quant à l’explication du symbole, elle ne peut remonter au début du v 6 siècle, car il y est fait allusion aux controverses entre monophysites et nestoriens.

Deux parties de la collection méritent une attention particulière : les 73 canons et le catalogue des hérésies. Si le contexte est seul dans le syriaque à établir une relation entre Marouta et les 73 canons, il est dit expressément dans le recueil canonique d’Abu’lfaradj

  • Abd Allah ibn at-Tibb († 1043), ms. Valic.

arab. 153, fol. 15, qu’ils furent « traduits par Marouta, évêque de Mayyâfârîqîn, à la prière de mâr Isaac ». Leur fortune a été grande, car si on ne les trouve avec leur ordre primitif que dans les recueils nestoriens d’Ibn at-libb et d’Elias Djauharî (f vers 900), ms. Vatic. arab. 157, fol. 31-52 v », ils ont passé avec une autre distribution dans la plupart des collections canoniques de Syrie et d’Egypte, melkites ou coptesjacobites, formant une partie de ce qu’on a coutume d’appeler « canons arabes de Nicée ». Cf. Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, 1. 1 a, p. 158 sq. et n. 3. Nous n’avons pas à nous étendre sur cette question ; plusieurs canons ne peuvent remonter à l’époque de Marouta. M. Braun pense toutefois que, pour aider Isaac dans la réorganisation de l’Église persane, l’évêque de Maypherqat avait composé un recueil de certains règlements en usage dans l’Église d’Anlioche, et que ce recueil formerait le fond de la collection actuelle. Cette thèse est à retenir.

Le catalogue des hérésies, qui intéresse particulièrement les théologiens paraît indiscutablement authentique : il ne contient aucune allusion aux controverses christologiques du ve siècle, et les hérésies qu’on y trouve sont bien’celles qui pouvaient être citées par un évêque de Mésopotamie aux environs de l’an 400. Ce catalogue avait été publié dans Mansi, Concil., t. n (1759), col. 105C-1060, en une traduction d’Abraham Ecchellensis. Mais on ne savait que penser de ce passage d’une préface au concile de Nicée tirée ex arabicis Orientalium codicibus, sans aucune indication d’auteur. La publication de Braun, en replaçant ce texte dans son cadre historique, lui conféra une nouvelle valeur ; ce fut l’occasion pour A. von Harnack d’en réimprimer les éléments connus, traduction du syriaque par Braun et de l’arabe, interpolé, par Ecchellensis, avec un bref commentaire historique, Der Ketzer-Katalog des Bischofs Maruta von Maipherkat, dans Texte und Untersuch., N. F., t. iv, fasc. 1 b, Leipzig, 1899. L’édition du texte syriaque manquait toujours ; Mgr Rahmânî l’a publiée d’après le ms. Borgia et un autre non lacuneux d’Alqoch, avec une traduction latine et d’intéressantes annotations d’après les écrivains syriaques, Sludia Syriaca, fasc. 4, Documenta de antiquis hæresibus, Charfé, 1909, p. 98103 de la pagination syriaque ; introd., p. 29-55, trad., p. 76-80. Il y aurait peu à gagner sans doute pour l’établissement du texte dans l’examen des traductions arabes ; il est bon cependant de signaler que le cata-