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MAROUTA DE MAYPHEROAT

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que les Juifs ont dit à Yàqout être celui de Josué, fils de Nun, guérit de la lèpre ceux qui en sont oints ; on y reconnaîtra sans doute une des précieuses reliques, comme en contenait à Rome l’autel du Sancta Sanctorum : du sang de martyr renfermé dans une ampoule de verre. Zakariyâ al Qazwînî († 1283) a reproduit dans la deuxième partie de sa cosmographie, Kitâb âthâr al bouldân, éclit. Wiistenfeld, Gcettingue, 1848, p. 379, quelque chose du récit de Yàqout. Oscar Braun, De sancta Nicœna Synodo, syrische Texte des Maruta von Maipherkat… ùbersetzt, dans les Kirchengeschichtliche Studien de Knôpfler, Schrôrs et Sdralek, .Munster, 1898, t. iv, fasc. 3, p. 5, qui cite le texte de Qazwînî, n’en a pas découvert la source.

Yàqout ne dit rien de l’épiscopat de Marouta ; n’oublions pas qu’il est musulman et ne s’intéresse à notre personnage que comme fondateur de Martyropolis, mais il a conservé les faits caractéristiques de sa vie, sa mission en Perse, où il a fondé, pour un temps au moins, des relations d’amitié entre Perses et Romains, et son culte particulier pour les martyrs persans. Ce qu’on lui a rapporté sur l’origine et la famille de Marouta n’est pas indifférent pour l’intelligence de sa vie : on comprend que le fils d’un’homme important, ayant occupé lui-même une charge officielle, ayant en outre deux frères au service de l’empereur et peut-être à la cour, ait été chargé de missions à la fois diplomatiques et religieuses auprès des souverains sassanides. Deux fois au moins Marouta se rendit à Ctésiphon : Socrates l’affirme explicitement, II. E., vii, 8, P. G., t. lxvii, col. 753 : « Marouta ayant alors quitté la Perse revint à Constantinople ; mais peu après il fut de nouveau envoyé chez les Perses. » On ne comprend pas comment M. Labourt a pu écrire : « Socrates semble ne connaître qu’une mission de l’évêque de Maipherqat. » Le christianisme dans l’Empire perse, Paris, 1904, p. 88, n. 5. Mari et Amr, dont les témoignages nous ont été conservés dans le Livre de la Tour, connaissent également, bien qu’avec une chronologie différente, deux interventions de Marouta en Perse. La première eut lieu au plus tard en 399. Le motif de l’ambassade nous échappe ; il y en avait souvent, dit Socrates (depuis que Bahram IV avait inauguré avec les Romains une politique de rapprochement). Nous ne savons même pas si le Roi des rois, auquel Marouta fut envoyé, était Bahram IV ou Yazdedjerd I er, dont, le règne commença le 14 août 399. Les historiens orientaux pensent que Marouta avait été appelé à la cour de Perse comme médecin, parce que, dit Amr, tous les médecins chrétiens de ce pays avaient été martyrisés ou avaient fui, Maris Amri et Slibæ de patriarchis A’estorianorum commentaria, édit. H. Gismondi, part. II, Rome, 1896, p. 23, trad., p. 13. Mais il vaut mieux tenir avec Socrates que Marouta avait réellement qualité d’ambassadeur ; notre historien sait d’ailleurs que l’évêque délivra Yazdedjerd d’une douleur de tête opiniâtre et que cette guérison merveilleuse fut l’origine de son crédit, loc. cit. : cf. Mari, op. cit., part. I, Rome, 1899, p. 29, trad. p. 25 sq. Devenu le conseiller du nouveau Roi des rois, Marouta vint au secours des chrétientés de l’empire sassanide, si éprouvées sous Sapor II par une longue et violente persécution (339-379) : il obtint pour elles un régime de liberté et même, semble-t-il, de bienveillance. Socrates, Mari, Amr, loc. cit. ; Chronique de Se’ert, Patr. Orient., t. v, p. 318 [206]. L’élection du catholicos Isaac eut lieu dès les premiers jours de la paix religieuse et, comme la chronologie habituellement reçue la place avant la fin de 399, Labourt, op. cit., p. 85, n. 4, on pensera que le départ de Marouta pour l’Orient eut lieu avant l’avènement de Yazdedjerd.

Il est probable que Marouta demeura en Perse assez longuement ; Socrates et les historiens orientaux nous

le font voir portant ombrage aux conseillers ordinaires du roi, échappant aux embûches des mages qui redoutent les effets de son influence sur le monarque. Pourtant au cours de 403 il avait regagné l’Empire romain : il assiste aux conciliabules qui précèdent sur la rive asiatique du Bosphore le fameux concile du Chêne. C’est un accident fortuit qui nous y a révélé sa présence : un jour il marcha si malencontreusement sur le pied de l’évêque Cyrinus, que celui-ci mourut de gangrène, après plusieurs interventions chirurgicales. Socrates, II. E., vi, 15, 19, P. G., t. lxvii, col. 709, 721 ; Sozomène, H. E., viii, 16, ibid., col. 1557. Marouta aura prolongé son séjour dans la capitale jusqu’à la fin de la tragédie dont Chrysostome fut la victime. Vers la fin de 404, lorsque le patriarche exilé était déjà arrivé à Cucuse, il écrivait à Olympias : « N’abandonne pas l’évêque Marouta, dans la mesure où tu le peux, prenant soin pour l’arracher à l’abîme. Je tiens beaucoup à lui à cause des affaires de Perse… » Epist., xiv, P. G., t. lii, col. 618. On voit par ce texte que Marouta était resté parmi les adversaires de Jean ; mais il ne devait pas être des plus acharnés, car Chrysostome avait eu l’espoir de le rencontrer et de son exil même lui envoyait deux lettres, recommandées à la diligence d’Olympias. Tillemont a cru, à cause d’une expression de ce texte, que Marouta était allé en Perse après les événements de 403 et qu’il en arrivait au moment où Chrysostome écrivait à Constantinople ; mais il suffit pour expliquer la curiosité de celui-ci qu’il lui ait été impossible d’avoir un entretien avec Marouta à la fin de 403, ce qui est très compréhensible lorsqu’on sait dans quel trouble Chrysostome passa les derniers mois de son séjour dans sa ville épiscopale. Marouta avait-il eu précédemment des relations personnelles avec Jean ? Il est vraisemblable qu’avant d’aller en Perse il avait séjourné une ou plusieurs fois dans la capitale. Mais nous n’avons sur ce point aucun témoignage définitif. Mari parle de la participation de Marouta à un concile qui aurait réuni cent cinquante évêques à Constantinople, plaçant d’ailleurs ce concile après la première mission en Orient, loc. cit., p. 31, trad., p. 27 ; Amr, p. 25, trad., p. 14.sq. Mais le concile « des 150 évêques » est celui de 381, et aucun des documents le concernant ne mentionne Marouta.

Le seul témoignage relatif à une activité de Marouta dans les atlaires ecclésiastiques de l’Empire romain, en dehors de ce qui a déjà été rapporté, se trouve dans une information de Photius sur un concile tenu à Sidè en Bithynie contre les Messaliens, Biblioth., cod. 52, P. G., t. ciii, col. 88. Photius appelle Marouta, évêque des Sopharéniens, ou Sophéniens, Mapou6â toû Souçap-^vcôv eôvouç, tandis que Socrates l’appelle évêque de la Mésopotamie, ô Meao7roTauiaç èniaxonoc. Ces appellations confirment d’une façon assez inattendue le récit de Yàqout : c’est seulement après avoir été envoyé en Perse que Marouta bâtit à Maypherqat (MaÏTia pour les Grecs, Ptolémée, Géographie, 1. Y, c. xii, édit. MùIIer, t. ii, Paris, 1901, p. 948), un établissement stable, une ville capable de donner son nom à un évêché. La date du concile de Sidè n’est pas exactement connue ; Hefele, qui en parle sous les années 388-390 met en doute son existence. Hefele-Leclercq, Histoire des Conciles, t. il a, p. 75.

Marouta retourna en Perse pour parfaire l’œuvre commencée, après un court séjour en Occident, et toujours avec la qualité d’ambassadeur, d’après Socrates, loc. cit., P. G., t. lxvii, col. 753. Cette légation semble avoir eu un caractère permanent. Quoi qu’il en soit, Marouta était à la cour de Perse en 410 ; nous n’avons pas seulement pour l’affirmer le témoignage plus ou moins sujet à caution d’un chroniqueur, mais les actes du concile national de l’Église perse