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MARONITE (EGLISE), INSTITUTS RELIGIEUX


de Chasteuil dans de la Roque, op. cit., t. ii, p. 153262 ; Douaïhi, Annales, an. 1008, fol. 115 r°.

Les moines se divisèrent en deux catégories : les solitaires et les cénobites. L’ascétisme était rude chez tous mais particulièrement impitoyable chez les ermites. Ils se provoquaient, avec une sorte de sainte émulation, à qui materait le mieux son corps. <> Esquissons une de ces existences (d’après Douaïhi, Annal., an. 15-12, 154-1, et des manuscrits de Qozhaïya). En l’année 15-12, mourut saintement, muni de la bénédiction du patriarche Moussa et de Koriakos, évêque d’Ehden, le pieux ermite Younan-el-Matriti. Pendant cinquante ans, il avait vécu dans l’ermitage de Saint-Michel. D’une pureté de cœur parfaite, il célébrait la messe chaque matin ; quatre ans avant sa mort, il ne mangeait qu’une fois tous les deux jours, et, pendant le carême, le samedi et le dimanche seulement. Ses jeûnes se prolongeaient encore de la Pentecôte à Noël, de l’Epiphanie à Pâques. Il ne buvait que le samedi et faisait des prostrations jusqu’à se mettre tout en sueur ; pendant la semaine sainte, il en faisait 24 000, et n’était surpassé en cela que par son disciple Hanna-el-Lahfedî qui, plus vigoureux, allait jusqu’à 26 000… ». J. Goudard, S. J., op. cit., p. 297.

Jusqu’au début du xviie siècle, le monachisme garda la préférence à la région de la Vallée-Sainte. A partir de cette époque, grâce au prestige de la noblesse maronite, notamment de la famille El-Khazen. il commença à élargir son territoire, surtout du côté du district de Kasrawân, qui devenait de plus en plus le centre chrétien de la Montagne. (Sous la dénomination de Kasrawân, on comprenait alors un espace plus étendu que celui d’aujourd’hui.) « Une nuit, en 1654, trois jésuites, jetés à la côte par un naufrage et pris pour des corsaires, sont menés au célèbre Abou-Naufel (El-Khazen), qui aussitôt les établit dans ses domaines d’Antoura (du Kasrawân.) Les Pères sont ravis d’y trouver comme une oasis du catholicisme : Dans cette région, écrit l’un d’eux (le P. Besson, Syrie et Terre sainte, p. 101, etc.)… la simplicité des premiers siècles y fleurit… Le naturel des habitants est bon, d’humeur fort douce. Ils ne rebutent personne, et, ne pouvant donner ce qu’on désire, du moins ils donnent de bonnes paroles. Le blasphème est un monstre rare ; on n’y parle point de vol ; s’ils sont malades ou éprouvés, ils disent que cela vient de Dieu. Ils sont forts en jeûnes et abstinences ; les femmes y sont bien retirées… Un sermon peut durer dix heures, et plus l’entretien est long, plus l’attention redouble. Les vieillards se font un bonheur de réciter le catéchisme en public ; ils se montrent friands de chapelets, médailles ou images et semblables petits présents. » Joseph Goudard, S. J., op. cit., p. 174. Un autre témoin qualifie le Kasrawân de terre d’asile pour les catholiques : « Aussi, dit-il, y voit-on beaucoup de couvents de religieux et religieuses. » Granger (1735), Arch. du ministère des A/Taires étrang., 322, n. 27, cité par le P. Goudard, op. cit., p. 173 ; Debs, op. cit., t. vii, p. 350-354 et t. viii, p. 591-599 et 780-787 ; Chebli, Biographie du patriarche Douaïhi, p. 177-181.

Les monastères avaient formé chacun, jusqu’à la fin du xviie siècle, un tout complet et autonome. Point de constitutions écrites, mais une discipline fondée sur une sorte de droit coutumier. Les moines ne prononçaient pas de vœux explicites, comme ils le font actuellement ; ils observaient la vieille règle de la profession tacite qui consistait dans le port de l’habit, ou l’entrée en religion selon un rit déterminé ou l’usage en vigueur. Cf. Dandjni (qui visita les maronites au nom du Saint-Siège, en 1590) op. cit., p. 75-76 ; Relazione dell’ablegazione (en 1730) de.L-.S. Assémani,

p. 29-30 ; une relation en arabe de l’archevêque’Abdallah Qaraali, dans Chartoûnî, Chronologie des patriarches maronites, p. 192-193 ; Hélyot, Dictionnaire des ordres religieux, t. ii, dans l’Encyclopédie théologique de Aligne, t. xxi, Paris, 1848, col. 894.

Le patriarche Douaïhi, on se le rappelle, avait à cœur d’introduire da’ns les couvents le système des ordres d’Occident. Il en avait vu les avantages quand il était à Rome, et la puissance qui résultait de l’union des monastères sous le gouvernement d’un chef unique l’avait frappé. La Providence lui envoya, pour réaliser son désir, trois maronites d’Alep : Gabriel Hawa (plus tard archevêque de Chypre) ; ’Abdallah Qaraali (depuis archevêque de Beyrouth) ; et Joseph El-Batn. Ils entreprirent, sous son patronage, l’œuvre de la réforme. Ils lui soumirent d’abord leur projet, puis reçurent de ses mains l’habit monastique, le 10 novembre 1695, mais seulement ad experimentum, sans se lier encore par les vœux de religion. Cependant, quelque temps après, ils émirent, la même année, le vœu de pauvreté. Tout en élaborant les constitutions, ils ne manquèrent pas d’en faire eux-mêmes l’expérience immédiate. En 1698, quand ils eurent achevé la rédaction des statuts, leur institution comptait déjà plusieurs recrues nouvelles. Ils s’appelèrent d’abord moines alépins, du nom de la ville des fondateurs, puis, en 1706, moines libanais de Saint-Antoine, en souvenir du pays où l’ordre se fonda. Avant d’être définitivement érigée, cette famille monastique eut à subir l’épreuve d’une grave dissension entre ses fondateurs eux-mêmes. Gabriel Hawa se sépara de ses frères pour établir une autre communauté ; il échoua dans sa tentative et alla se fixer à Rome. Son départ rétablit la paix. Qaraali élu au poste de supérieur général, se donna la tâche de faire approuver les constitutions. Il les soumit.au patriarche Douaïhi. Après un mûr examen, celui-ci leur conféra la reconnaissance canonique, le 18 juin 1700. On peut voir l’original du document d’approbation au couvent de N.-D. de Loaïsah. Alors seulement les moines de la nouvelle réforme prononcèrent simultanément les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. P. Chebli, Biographie du patriarche Douaïhi, p. 176-194 ; Rachid Chartoûnî, Histoire de la nation maronite, p. 266-268.

Plus tard, on ajouta aux constitutions trois nouveaux chapitres, et les moines s’astreignirent à un quatrième vœu, celui d’humilité. Le patriarche Jacques’Aouad approuva de nouveau les statuts avec ces additions, le 23 novembre 1725. Nous avons vu l’original de son décret aux archives de l’hospice maronite de Rome. Cf. Chartoûnî, op. cit., p. 208.

Entre temps, l’institut traversa de pénibles vicissitudes ; ses ennemis le dénoncèrent même à Rome comme illégal, et la Congrégation de la Propagande le condamna. Voir la relation de Qaraali, lue. cil., p. 182-195. Aussi, pour lui donner plus de garantie, le chapitre général crut-il nécessaire de le faire ériger en institut de droit pontifical. Le constitutions, revues et considérablement augmentées, furent donc soumises au pape qui les approuva par le bref Apostolatus of/icium du 31 mars 1732. Texte du bref dans Régula ; et constitutiones monachorum syrorum maronitarum ordinis S. Anlonii Abbatis congregationis Montis Libani, Rome, 1735, p. xi, 137. Voir aussi Jus pontiftcium, t. ii, p. 428-431 ; les constitutions sont reproduites, ibid., t. v, p. 381-436. Le synode du Liban imposa de nouveau aux communautés religieuses l’observance de cette règle, IV, ii, 21. fin 1737 et 1740, l’abbé général et ses quatre assistants, réunis en conseil, expliquèrent officiellement certains articles des constitutions et soumirent leurs délibérations au souverain pontife. Benoît XIV les ratifia par les