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MARONITE (EGLISE). LITURGIE


Hoche, Les liturgies orientales et occidentales, Charfet

(Liban), 1924, p. 151 sq.

Jusqu’à la fin du xvie siècle, le missel était encore manuscrit et, partant, les modifications qu’on chercha à y introduire n’eurent d abord qu’une diffusion restreinte. L’imprimerie aida à les généraliser. La première édition du missel fut faite à Rome en 1592, sous le titre de Missale chaldaicum juxta ritum Ecclesûr nationis Maronitarum. Elle entra officiellement en igueur en 1596, au synode tenu en présence du P. Dandini qui en avait apporté au Liban 200 exemplaires. Dandini, op. cit., p. 102 et 125 : Douaïhi, Mandrat El<i(jdds (lampe du sanctuaire), t. ii, Beyrouth, 1896, p. 326. Elle contient 14 anaphores. Les retouches importantes que le texte liturgique y a subies concernent les paroles de l’institution et l’épiclèse. Le récit de la cène était raconté en d’autres termes que dans la messe latine. Ces termes variaient, du reste, avec les anaphores..Maintenant, les paroles de l’institution sont une simple traduction du missel romain. Quant à l’épiclèse, elle est mutilée : le célébrant ne demande plus que le Saint-Esprit soit envoyé sur le pain et le vin pour les transformer au corps et au sang du Christ, mais pour appliquer aux fidèles les effets du sacrement eucharistique. Toutefois, on rencontre encore dans trois anaphores les traces de l’épiclèse primitive. Dans la première édition faite à Rome, en 1596, le diaconicon n’a pas été corrigé à cet endroit. Le diacre continue d’inviter les fidèles à se recueillir devant le Saint-Esprit qui descend sur l’oblation pour la sanctifier. Mais, dans les éditions suivantes, il dira que le Saint-Esprit descend sur l’autel pour nous sanctifier.

La deuxième édition du missel, faite également à Home en 1716, ne rétablit ni les formules traditionnelles du récit de la cène, ni l’épiclèse. Elle supprime certaines anaphores de l’édition précédente et les remplace par d’autres ; notamment, elle ajoute l’anaphore dite de l’Église romaine, qui contient quelques prières d’origine latine, et introduit dans la pratique la liturgie des présanctifiés pour le vendredi saint. La messe des présanctifiés célébrée jadis tous les jours du carême, sauf le samedi et le dimanche, était depuis longtemps tombée en désuétude, sans laisser de traces dans les livres usuels. On voulut la rétablir, suivant l’usage romain, pour le seul vendredi saint ; mais une autre anaphore qui n’a aucun rapport particulier avec l’ancienne liturgie, l’anaphore charar, fut adaptée à cette cérémonie. Synode du Liban, II, xiii, 17. Cf. M. Andrieu, Immixtio et consecratio, Paris, 1924, p. 225 sq. ; M. Hajji, Une anaphore syriaque de Sévère pour la messe des présanctifiés, dans la Revue de l’Orient chrétien, t. xxi, 1918-1919, p. 2539. Les anaphores de l’édition de 1716 restent au nombre de quatorze.

Nous avons encore une troisième édition romaine en 1762-1763. Elle réduit le nombre des anaphores à neuf. Les éditions postérieures xécutées à Qozhaïya et à Beyrouth (Liban), en 1816, 1838, 1855, 1872, 1888, 1908, ne dépassent plus ce chiffre. Elles ont toutes le même texte pour les paroles de l’institution, celui de la messe latine, et quelques-unes conservent les vestiges de l’ancienne épiclèse. Les éditions du Liban ajoutent des péricopes évangéliques pour tous les jours non fériés, ainsi que pour les fêtes fixes et mobiles. Les maronites avaient un calendrier de saints peu fourni, et les missels imprimés à Rome ne donnaient de lectures évangéliques que pour certains jours de l’année. L’élaboration d’un calendrier complet ne fut pas immédiatement suivie de l’assignation à chaque jour des péricopes scripturaires (épîtres et évangiles). Il était réservé à Farhât, archevêque d’Alep (17251732), d’accomplir ce travail. Debs, op. cit., t. viii, p. 545-546. Les péricopes évangéliques furent impri D.CT. DE THÉOI.. CA.TH,

niées pour la première fois dans le missel de Qozhaïya. Les épîtres forment un volume à part, qui a déjà plus de huit éditions. Ajoutons que les maronites ont adopté les ornements et les hosties de l’Église latine, et nous aurons presque tous les éléments de provenance occidentale.

2. Le rituel.

Le rituel lui aussi a été profondément latinisé. Mais les changements ne s’introduisirent que lentement dans la pratique.

Le rituel, en effet, fut imprimé beaucoup plus tard que le missel. On inséra d’abord des modifications dans les nouvelles copies manuscrites ; on chargea les anciennes de ratures et d’additions. Un maronite, Joseph El-Bàni, en témoigne dans une note écrite par lui, en 1665, sur un codex conservé au fonds syr. du Vatican, n° 48, fol. 1 ; et Assérnani l’atteste à son tour, dans Bibl. Apost. Val. cod. mss., catalogus, t. ii, p. 307-308. De plus, quelques rituels conservés à la Vaticane, Vat. syr. 300 et 313, et à la Bibliothèque nationale de Paris, ms. syr. 117, en font également la preuve. D’autres latinisateurs recoururent à un procédé plus radical. Ils traduisirent du latin une partie du rituel et l’imposèrent à l’usage. Ainsi, nous avons vu, notamment, les rituels du baptême et de l’extrême-onction, imprimés à Rome avec l’office férial abrégé, en 1647. On se trouvait donc, peut-on dire, en présence d’une sorte d’anarchie qui envahissait la discipline liturgique. Le patriarche Douaïhi voulut une reforme ; il se mit à étudier les vieux mss. afin de rétablir le rit de son patriarcat. Achevé en 1694, le rituel réformé fut promulgué par une lettre patriarcale qui lui servait de préface. Le Saint-Siège approuva l’œuvre de Douaïhi, et la Propagande proposa de l’éditer à ses frais. Malheureusement, le projet n’eut pas de suite. Voir les documents parmi les mss. de la Vaticane, Vat. syr. 310, 312, et Vat. lat., n. 9552, fol. 37 sq., et n. 7261, fol. 109-114. Les tendances latinisantes’reprirent bientôt leur cours, d’autant plus fortement que le xviiie siècle manifeste, en matière d’innovations liturgiques, une particulière fécondité. On ne se contentait plus de copier le rituel romain ; on allait puiser dans les ouvrages ascétiques d’Occident de nouvelles pratiques, et on leur assignait une place dans le domaine cultuel.

En 1752 paraissait à Rome un nouveau rituel intitulé : Sacerdotale Ecclesise Antiochenie nationis Maronitarum. Accentuant toujours davantage le mouvement de latinisation, il reproduit entre autres cérémonies et bénédictions empruntées au rituel romain, avec le rit du baptême et de l’extrême-onction, celui de la communion des malades et de l’administration du sacrement de pénitence. Par réaction, le synode de 1755 permit l’emploi du Sacerdotale seulement pour les funérailles et prescrivit au clergé de se conformer, pour le reste, au rituel de Douaïhi. Can. 5. Mais le décret synodal ne put arrêter le courant, déjà trop fort. En effet, le Sacerdotale était presque entre toutes les mains, et les prêtres en suivaient les prescriptions. Le rituel s’encombra même de nouvelles dévotions cultuelles dont plusieurs ont pour auteur le patriarche Joseph Estéphan († 1793).’Abboud, Biographie du patriarche, p. 239, 240 ; Debs, op. cit., t. viii, p. 536-537. Une réforme s’imposait. Un autre Joseph Estéphan, archevêque de Cyr (1810-1823), se chargea d’en élaborer le plan. Par malheur, au lieu de s’inspirer de la méthode et de l’œuvre de Douaïhi, il enregistra purement et simplement les résultats acquis et soumit son travail au patriarche El-Hélou. Celui-ci n’eut pas le temps de s’en occuper ; il mourut en 1823. Son successeur envoya le projet du rituel au Saint-Siège, en 1825, pour qu’il l’approuvât et le fît imprimer à Rome. Angelo —Mai, l’ayant examiné et comparé avec celui de Douaïhi, réd : gea un rapport défavo X. 5