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MESSE, EFFICACITÉ : APPLICATION

l’Église est plus intime. Les pécheurs ne sauraient gagner tous les fruits de la messe : ennemis de Dieu par le péché, ils ne peuvent participer au fruit satisfactoire. Le plus pressant besoin auquel le sacrifice propitiatoire doit subvenir, c’est leur état de péché. Avant tout, la messe leur obtient miséricorde de Dieu, et leur acquiert des grâces de conversion. Voir plus haut, col. 1302. La messe peut encore être o fierté pour les petits enfants encore privés de l’usage de la raison ; mais simplement comme sacrifice impétratoire, et non comme sacrifice propitiatoire ou satisfactoire. Gihr, op. cit., p. 195. On peut donc, a pari, offrir le sacrifice eucharistique pour les fidèles qui ont perdu l’usage de la raison, soit à titre d’impétration, soit même à titre de propitiation et de satisfaction. Il n’y a aucune raison valable de les exclure du nombre de ceux pour qui prie le prêtre : omnibus orthodoxis, atque catholicœ et apostolicœ fidei cultoribus. Salmanticenses, disp. XIII, dub. iv, n. 57 ; voir également Suarez, disp. LXXVIII, sect. n, n. 5.

b. — Les catéchumènes ne sont pas des fidèles au sens strict du mot, mais ils possèdent déjà la foi, peut-être même la grâce sanctifiante. Certains auteurs estiment que le sacrifice de la messe ne saurait être offert pour eux. Vasquez, disp. CCXXVII. A rencontre, la plupart des théologiens admettent que le sacrifice de la messe, du moins en tant que sacrifice impétratoire, peut être offert validement et licitement pour les catéchumènes. Cf. Suarez, disp. LXXVIII, secl. n ; De Lugo, disp. XIX, sect. x, n. 166 sq., et nombre d’autres cités par les Salmanticenses, disp. XIII, dub. iv, n. 59. D’autres auteurs, enfin, ne conçoivent pas qu’on puisse refuser aux catéchumènes en état de grâce l’application du fruit satisfactoire. C’est l’avis des Salmanticenses, n. 60. Et si l’on admet leur participation au fruit satisfactoire, pourquoi leur refuserait-on le fruit propitiatoire ? Ainsi donc, conclut le P. de la Taille : Omnibus modis propitiationis, satisfaclionis et impetrationis posse suffragium missœ prodesse catechumenis. Op. cit., p. 380. Voir, dans cet auteur, la discussion des opinions. El. xxxi, c. i.

c. — En ce qui concerne les infidèles, les hérétiques, les schismatiques, les excommuniés même, il n’est plus possible aujourd’hui de se référer purement et simplement aux théologiens postérieurs au concile de Trente, mais antérieurs à la promulgation du Code. Le nouveau droit, en effet, apporte sur ce point une discipline paulo mitior, écrit Noldin-Schmidt, n. 178.

Il serait fastidieux de reproduire ici les opinions diverses qui se sont donné cours depuis trois cents ans sur ce sujet. Toutes, en somme, reviennent à affirmer que ces diverses catégories d’hommes ne peuvent ni pleinement, ni même directement participer au fruit du sacrifice. Billot semble avoir résumé de façon exacte la position des théologiens, op. cit., th. lv, p. 638 : « Par fidèles vivants on entend tous ceux et ceux-là seuls qui sont membres du corps visible de l’Église. De même qu’il n’est pas permis d’administrer les sacrements à ceux qui sont hors de l’Église, ainsi semble-t-il qu’on ne puisse pas appliquer l’opus operatum de la messe à ceux qui sont exclus des sacrements. Il faut toutefois noter une différence entre sacrements et sacrifice : les sacrements, en raison de leur efficacité par mode de causalité efficiente, peuvent être validement appliqués, même s’ils sont conférés indûment ; le sacrifice, au contraire, dont toute l’efficacité réside dans l’impétration, n’est validement appliqué que s’il est appliqué conformément au droit. Aussi, déclare saint Thomas, IIP, q. lxxix, a. 7, ad2 um, « au canon delà messe, on ne prie pas pour ceux qui sont hors de l’Église ». Mais il faut observer cependant que tout cela doit s’entendre d’une application directe de l’opus operatum. On ne saurait, en effet,

douter que le sacrifice directement offert pour la paix, la prospérité, la propagation de l’Église elle-même, ne produise indirectement un effet sur la conversion des hérétiques et des infidèles, conversion d’où l’Église tire sa prospérité et sa splendeur ; et, en ce sens, nous offrons le calice salutaire pour notre salut et pour le salut du monde entier. Il faut aussi remarquer que la messe, outre l’impétration ex opère operato, comporte l’impétration ex opère operantis (voir plus haut, col. 1300), et que rien n’empêche en soi que cette impétration puisse s’étendre par delà les limites du corps mystique. Avant le nouveau droit, la plupart des théologiens acceptaient que la messe puisse être d’une certaine manière offerte pour les infidèles, les hérétiques et même les excommuniés : des nuances d’explications diverses se greffaient sur ce fonds commun. Contre Vasquez, loc. cit., n. 58, on soutenait que, tout au moins en son nom personnel, le célébrant pouvait offrir la messe pour la conversion des infidèles non excommuniés. Suarez, disp. LXXVIII, sect. n, concl. 3 ; Bellarmin, De missa, 1. II, c. vi ; De Lugo, disp. XIX, sect. x ; Salmanticenses, loc. cit., n. 62 sq., etc. En ce qui concerne les excommuniés tolérés (dont font partie la plupart des hérétiques et schismatiques), on considérait unanimement que le prêtre, en son nom personnel, pouvait directement leur appliquer le fruit ex opère operantis. Quant au fruit ex opère operato, certains niaient qu’il fût licite que le prêtre le leur appliquât directement, agissant comme ministre du Christ et de l’Église. Le principal représentant de cette opinion plus sévère était Suarez, De censuris, disp. IX, sect. n. D’autres se montraient moins sévères, et acceptaient le sentiment opposé : tels, De Lugo, disp. XIX, sect. x, n. 187 ; les Salmanticenses, loc. cit., n. 70, etc.

On a fait justement observer que l’esprit de l’Église, même avant la promulgation du nouveau droit, tout au moins au xix e siècle, se montrait plus large. Les partisans d’une discipline plus rigide invoquaient la réponse du Saint-Office, en date du 19 avril 1837 : Proposito dubio : Vtrum possit aut debeat celebrari missa ac percipi eleemosyna pro grœco-schismatico, qui enixe or’et atque instet ut missa applicetur pro ipso sive in Ecclesia adslanle sive extra Ecclesiam manente ? S. C. S. Officii, die 19 april. 1837, reposuerat : Juxla exposita, non licere, nisi conslet expresse eleemosynam a schismatico prœberi ad impelrandam conversionem ad veram fidem. Collectanea S. C. de Prop. Fide, t. i, n. 858. Ils concluaient que la messe ne pouvait être directement offerte pour les hérétiques et schismatiques que dans le but d’obtenir de Dieu leur conversion. Toutefois, déjà à cette époque, d’autres réponses allaient être données, indiquant que d’autres fins pouvaient également être assignées à l’offrande du sacrifice eucharistique pour les infidèles. La Propagande, interrogée sur ce point : « Un missionnaire peut-il recevoir un honoraire et appliquer la messe à l’intention du donataire païen qui a pour but d’obtenir la guérison, la délivrance de prison, la grâce de la peine capitale ? » a répondu affirmativement le 11 mars 1848. Et dix-sept ans plus tard : Interrogata S.C.S. Officii : Utrum liceat sacerdotibus missam celebrare pro Turcarum aliorumque infidelium inlentione, etab iis eleemosynam pro missœ applicatione accipere, die 12 jul. 1865, respondit : Affirmative, dummodo non adsil scandalum ac nihil in missa specialiter addatur ; et quoad inleniionem, conslet nil mali aut erroris aut superstitionis in infidelibus eleemosynas offerentibus subesse. Collectanea S.C. de. Prop. Fide, 1. 1, n. 1028 ; 1274. Ces deux dernières réponses montraient bien qu’outre la conversion des infidèles (et pourquoi ne pas en dire autant des hérétiques et schismatiques ?) on pouvait licitement demander pour eux à Dieu par l’oblation du sacrifice