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MESSE, EFFICACITÉ : APPLICATION

prxsenti : je célèbre la messe pour Titius, s’il est encore vivant. En soi, condition licite : et application valide au cas où la condition est remplie. — Application sous condition de /uluro contingenti : j’entends célébrer la messe pour le juge, si ce juge rend demain une sentence qui me sera favorable. Application invalide, puisque l’intention du prêtre est attachée à la vérification de la condition encore inexistante, et que l’effet de la messe ne peut ici demeurer suspendu. L’invalidité entraîne en ce cas l’illicéité, tout au moins pour le prêtre qui se rend compte de l’invalidité d’une telle intention. Quant aux applications sous condition de futuro necessario et de /uluro impossibili, nous les abandonnerons aux casuistes.

b. Erreurs touchant certaines circonstances. ■ — On suppose ici que l’erreur n’implique pas une condition ; si elle impliquait une condition, il faudrait juger le cas d’après les principes qu’on vient de rappeler.

En soi, l’erreur provoque l’intention ; elle ne s’y substitue pas et l’intention du prêtre, même provoquée par une erreur de fait, commande, ^en réalité l’application de la messe. Cette application est donc faite réellement. Cappello envisage quelques cas particuliers. Le célébrant a dit la messe pour Titius, pensant que Titius est en bonne santé. En réalité Titius est malade, et si le prêtre avait connu cette maladie, il n’aurait pas dit la messe à l’intention de Titius : application de la messe valide. A l’inverse, si la messe est célébrée pourjTitius que le prêtre croit malade, alors qu’il est bien portant, application également valide, à moins que la messe n’ait été célébrée précisément pour obtenir de Dieu la guérison de Titius. De même, application valide de la messe à Caius, que le célébrant croit vivant, alors qu’il est mort, même si le prêtre n’aurait pas célébré, au cas où il eût connu la mort. A l’inverse, si le prêtre célèbre pour Titius défunt, alors qu’en réalité Titius est vivant, il est encore vraisemblable que l’application de la messe reste valide. Certains auteurs le nient. Busembaum, que semble approuver saint Alphonse, n. 337, Gury, Theologia moralis, t. n, n. 170, et Marc, t. n, n. 1601, estimant qu’en ce cas l’application est invalide. Noldin-Schmidt, n. 181, 3, déclare qu’an cas où un honoraire aurait été accepté pour l’application de la messe à un défunt, cette erreur empêche que le prêtre ait satisfait à la justice ; il estime néanmoins qu’on peut supposer que le donateur ferait ici condonation au célébrait. Cappello opine qu’une semblable application de la messe est valide, nonobstant l’erreur. La justice, en effet, a été substantiellement satisfaite. Un vivant peut, en effet, recueillir de la messe des fruits plus abondants qu’un défunt.

c. Destination du fruit ministériel de la messe, dont l’application a été nulle. — Si la messe n’est appliquée à personne, bon nombre de théologiens pensent que le fruit ministériel demeure dans le trésor’de l’Église, auquel il appartient de droit puisque le Christ par sa mort a d’avance mérité et acquis à son Église tous les fruits possibles du sacrifice eucharistique. Suarez, disp. XLVI, sect. vi, n. 6 ; Vasquez, disp. CCXXXI, c. in, n. 10 sq. D’autres estiment que ce fruit va au célébrant qui a nécessairement l’intention générale de trouver en ses actions une source d’aide pour lui-même. Et ces mêmes auteurs recommandent au prêtre de formuler toujours cette intention générale de se procurer à lui-même le fruit ministériel de la messe au cas où, pour quelque cause que ce soit, l’application n’en pourrait être faite à autrui. Cappello cite en ce sens De Lugo, op. cit., n. 225 ; et, parmi les auteurs récents, Génicot, Ballerini-Palmieri, Lehmkuhl. Pratiquement, il semble qu’on doive tenir compte de cette intention générale du célébrant, intention au moins habituelle. S’il l’a formulée, le fruit minis tériel de la messe lui reviendra ; s’il ne l’a pas formulée, ce fruit restera dans le trésor de l’Église. Cappello, n. C09.

Si la messe est appliquée à qui ne peut en profiter, par exemple à un bienheureux ou à un damné, les mêmes opinions que ci-dessus se produisent entre théologiens. Il convient toutefois de noter un troisième sentiment. Cette opinion distingue entre messes gratuites et messes célébrées avec un honoraire. Dans les messes gratuites, le fruit ministériel reviendrait de droit au célébrant ; dans les autres, le fruit ministériel reviendrait aux proches de celui qui a fait célébrer la messe. Ne peut-on pas, en effet, supposer chez lui une intention générale analogue à celle que nous supposions tout à l’heure chez le célébrant, en sorte que, demandant une messe pour un défunt qui est incapable d’en percevoir le fruit, il est censé avoir toujours cette autre intention de faire profiter, à défaut de ce défunt, ses proches et ses amis du fruit de la messe célébrée ? Cf. Cappello, n. 610, citant Suarez, De Lugo, Laymann, S. Alphonse, Lacroix, Sporer, Ballerini-Palmieri, Noldin, etc. D’autres auteurs, enfin, tel Pasqualigo, estiment que ce fruit sera destiné par Dieu aux âmes les plus nécessiteuses, et ces auteurs s’appuient sur saint Thomas, In IV um Sent., dist. XLV, q. n, a. 4, sol. m, ad 2 um. Pratiquement, il faut conseiller au célébrant de foxmuler explicitement l’intention conditionnelle de se réserver ou d’appliquer à tel autre le fruit ministériel qui se trouverait sans bénéficiaire. Dans les messes célébrées gratuitement, cette condition peut être ainsi formulée : si celui pour qui je célèbre n’est pas capable de percevoir le fruit de la messe. Dans les messes célébrées en raison d’honoraires, on pourrait ainsi formuler la condition : si, sans préjudice pour autrui, je puis le faire, etc. Quelques théologiens, comme Billuart, De almo sacramento eucharistiœ, disp. VIII, a. 4, et Gury, n. 166, affirment, mais sans raison, que le prêtre est tenu de formuler cette intention. Il n’existe, en réalité, aucune obligation stricte sur ce point, ni de droit divin, ni de droit ecclésiastique.

d. Division du fruit de la messe. — Le sentiment commun et certain est que le fruit de la messe peut être partagé : on peut, par exemple, appliquer le fruit satisfactoire aux âmes du purgatoire, le fruit impétratoire à un malade dont on demande la guérison. Dans les messes gratuitement célébrées, le prêtre est libre, sur ce point, de faire ce qu’il veut. Dans les messes dues par obéissance ou’promesse, il peut appliquer à des intentions autres que celles qui sont convenues la part du fruit qui ne tend pas directement à la fin poursuivie. Par exemple : le prêtre doit célébrer une messe d’actions de grâces : il peut donc appliquer selon son bon plaisir le fruit satisfactoire et le fruit impétratoire. S’il célèbre pour un défunt, il doit, selon une opinion plus vraie, réserver à ce défunt le fruit impétratoire qui, non moins que le fruit propitiatoire et satisfactoire, tend au but poursuivi. Dans les messes célébrées en justice en raison d’un honoraire reçu, une telle division du fruit, en soi valide, n’est pas licite puisque tout le fruit^ministériel est dû en justice à celui qui a fourni l’honoraire. Cappello, n. 613, et les auteurs cités par lui en note.

2. Les bénéficiaires du fruit ministériel. — a) les vivants. — a. — Ce sont tout d’abord les fidèles au sens strict du mot, c’est-à-dire les baptisés, adultes et appartenant effectivement au corps de l’Église. Ceuxlà, et ceux-là seuls, sont capables de participer pleinement et par une sorte de raison de justice (de condigno) au sacrifice de la messe, non seulement quant au fruit impétratoire, mais encore quant au fruit propitiatoire et satisfactoire. La participation à ces fruits est d’autant plus grande, crue l’union avec Jésus Christ et