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MESSE, EFFICACITÉ : MODE D’ACTION

Relativement au fruit personnel ou très spécial.

Ce fruit va au prêtre qui célèbre. « En vertu de son ordination, il a qualité et mission pour olïrir le sacrifice au nom de Jésus-Christ et de l’Église. Non seulement il est véritable sacrificateur ; mais, d’après la volonté de Jésus-Christ et de l’Église, il immole aussi d’u ;, e manière expresse pour lui-même. Pour ces deux motifs, la messe doit lui profiter abondamment comme sacrifice expiatoire et impétratoire. » Gihr, op. cit., p. 192. Ce fruit arrive au célébrant par le fait même de son action sacerdotale, indépendamment de sa volonté, de telle sorte que même s’il n’y songe point, il le perçoit. Il est à la fois impétratoire, propitiatoire, satisfactoire au sens où nous avons expliqué ces termes. Cf. Suarez, disp. LXXIX, sect. vin, n. 4 sq. ; De Lugo, loc. cit., n. 232, sq. ; Sporer, Theologia moralis, De eucharistia, c. ir, De sacriftcio in communi et missa in specie, n. 255 ; D’Annibale, Summula theologiœ moralis, t. m, § 260, note 18 ; Gasparri, Tract, canonicus de sanctissima eucharistia, t. ii, n. 35 ; Lahousse, De sacramenlis, De eucharistia, n. 280 ; etc. Cf. Cappello, op. cit., n. 579.

Une controverse s’est élevée entre théologiens au sujet de l’application du fruit très spécial. Ce fruit est-il tellement personnel au prêtre qu’il ne puisse être, par celui-ci, appliqué à d’autres personnes ? De très jares théologiens ont affirmé la possibilité de cette application à autrui, et admettaient même que le prêtre, pour l’application de ce fruit qui lui appartient en propre, pût recevoir un honoraire spécial. En tant qu’elle admet comme licite la perception de cet honoraire spécial, cette opinion est condamnée par Alexandre VII, proposition 8, Denz.-B., n. 1108. Au simple point de vue théorique, elle n’a aucune apparence de probabilité.

Relativement au fruit spécial ou moyen ou ministériel.

En identifiant ici spécial et ministériel, nous nous conformons à la terminologie ordinairement reçue. Il s’agit du fruit réservé à ceux en faveur desquels le sacrifice de la messe est spécialement offert.

Le prêtre a la libre disposition de ce fruit ; seul, il peut l’appliquer à lui-même ou à autrui. L’obligation d’appliquer ce fruit à telles personnes déterminées peut provenir de différentes causes. En général, elle naît ou de la loi de l’Église (messes pro populo, messes du 2 novembre), ou de la volonté du prêtre qui s’oblige par l’acceptation de l’honoraire. Voir à ce mot, t. vii, col. 80. Puisqu’il est nécessaire de faire intervenir ici la volonté libre du célébrant, les théologiens étudient au préalable les conditions de l’application valide du fruit spécial de la messe et ensuite la double catégorie de personnes, vivants et défunts, en faveur desquelles cette application peut être faite.

1. Conditions de l’application valide du fruit ministériel de la messe. Les théologiens les réduisent à trois.

a) Cette application résulte d’une intention au moins habituelle et implicite du célébrant. C’est au célébrant seul qu’a été donnée par le Christ le pouvoir d’offrir le sacrifice. Cf. prop. 30 du synode de Pistoie, condamnée par Pie VI. Denz.-B., n. 1530. Donc, il est nécessaire que le célébrant ait l’intention d’appliquer la messe à telle ou telle personne. L’intention habituelle suffît, car l’application de la messe est faite par mode de donation : or, une donation une fois faite demeure valable, même si l’on n’y songe plus actuellement ou virtuellement, jusqu’à révocation. Cf. Benoît XIV, De ss. missse sacrificio, 1. III, c. xvi, n. 5 ; De Lugo, De sacramentis, disp. VIII, sect. vi, n. 96 ; Suarez, disp. XIII, sect. m, n. 5, et les autres auteurs de morale cités par Cappello, n. 599. Par suite, l’opinion de Vasquez et de quelques autres requérant une intention virtuelle, est à rejeter comme trop sévère. Cf. Vasquez, op. cit., disp. CXXXVIII, c. vi, n. 71. L’intention habituelle dont il est question ici peut être simplement implicite, c’est-à-dire confuse et générale en soi, mais contenue en une autre intention déterminée. C’est, par exemple, le cas du religieux prêtre, célébrant un certain nombre de messes aux intentions de son supérieur : ce dernier seul connaît d’une façon déterminée les personnes en faveur desquelles est offert le sacrifice. Et plus simplement encore, c’est le cas du célébrant ad intentionem dantis. Quoique l’intention seulement habituelle et implicite soit suffisante, en pratique, autant que faire se peut, il faut avoir soin d’avoir une intention explicite et même actuelle ou tout au moins virtuelle.

Ce principe général permet de résoudre plusieurs questions proposées par les casuisles : a. L’intention formulée par le diacre avant la réception du sacerdoce et non rétractée est toujours valable, et de cette intention’peut dépendre validement l’application des messes célébrées par le nouveau prêtre, b. L’application peut être faite de cette manière longtemps avant la célébration des messes, un mois avant, sans scrupule, affirme l’unanimité des auteurs. Cf. Lehmkuhl, n. 188. Et même, s’il est constant que l’intention n’a pas été modifiée, on ne voit pas pourquoi ne serait pas valable l’intention formulée un an avant, Cappello, n. 600, dix ans avant, Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, part. II, n. 205 ; Sporer, loc. et., n. 345. c. L’application faite à l’intention de Dieu ou de la Vierge est douteuse. Il faut, en effet, préciser le sens de cette expression : « à l’intention de Dieu ou de la Vierge ». Si le prêtre, en formulant une intention de cette sorte, détermine.lui-même au moins implicitement la personne à qui doit être appliquée la messe, l’application faite en ces termes est valable. Exemple : « J’applique cette-messe à celui ou celle pour qui Dieu ou la Vierge veut que je l’applique. » L’application serait invalide si le prêtre laissait le soin de l’application même de la messe à Dieu ou à la Vierge, car c’est à lui seul que Jésus-Christ, instituant le sacrifice, a confié ce soin. En pratique, quand on applique une messe aux intentions de Dieu ou de la Vierge, c’est la première acception qui est sous-entendue et l’application est ainsi valide. Cappello, n. 600, 603, et les auteurs par lui cités, d. Si le prêtre, oubliant une intention une fois formulée, en formule une autre, on considère généralement comme prédominante et par conséquent devant être retenue, cette seconde intention, à » moins que, au moment même où il formulait sa première intention, le prêtre ait voulu expressément que, même en cas d’oubli, elle continuât à prévaloir. En ce cas, la première intention doit être considérée comme prédominante et valable. Lehmkuhl, n. 188 ; Génicot-Salsmans, n. 219. Même en ce cas, affirme en sens contraire Gasparri, n. 468, la deuxième seule doit être retenue. Quoi qu’il en soit, en cas de doute, « il suffit que le prêtre dise la messe pour celle des deux intentions à laquelle il n’a pas encore satisfait, et que Dieu connaît. » Cappello, n. 608.

b) L’application de la messe doit être faite au moins avant lu consécration, puisque l’essence du sacrifice réside très probablement dans la double consécration. Tout d’abord, il convient de séparer les choses certaines des incertaines. Si l’application de la messe était faite, la messe une fois terminée ou même après la communion, elle serait très certainement nulle. Cf. Suarez, disp. XIII, sect. m, n. 6. Faite après la consécration, mais avant la communion elle serait. d’après Gasparri, n. 470, probablement nulle. Cappello l’estime, en ce cas, certainement nulle, n. 601, < onformément aux conclusions dogmatiques sur l’essence du sacrifice, cette essence ne pouvant, même avec une simple probabilité, être placée dans la communion