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MESSE, EFFICACITÉ : APPLICATION


les péchés, non immédiatement, mais médiatement, en tant qu’il obtient an pécheur des grâces qui provoquent en sou âme de pieu mouvements, la disposant à obtenir rémission des fautes commises. Suarez, sect. m, n. 7 ; De Lugo, loc. cit., n. 137 sq. Et cela ne vaut pas seulement pour les péchés mortels, mais pour les fautes vénielles, selon une opinion autrefois considérée comme plus commune, aujourd’hui admise de tous. Aucune raison théologique, valable en effet, ne peut être apportée pour interpréter le canon du concile de Trente dans un sens différent pour les péchés mortels et pour les péchés véniels. Cf. Suarez, sect. v, n. 3 sq. ; De Lugo, loc. cit.. n. 152 ; S. Alphonse, De eucharistie, n. 311, et tous les auteurs modernes.

y) Biens, objet de la satisfaction. — En tant que satisfactoire, le sacrifice de la messe efface la peine temporelle qui reste encore après le péché pardonné, et, en général, remet’les autres peines volontairement acceptées que le juste pourrait offrir pour racheter dès ici-bas les peines des pécheurs. Mais il est évident que ce fruit ne saurait être acquis que par les âmes en état de grâce. De plus, il semble exact d’affirmer que cette rémission peut n’être que partielle, proportionnée aut dispositions du sujet et dans la mesure qui plaît à la libéralité divine. Sur tous ees points, on consultera avec profit Cappello, op. cit., n. 573575.

b. Les défunts. — Les âmes du purgatoire étant toujours dans une disposition parfaite pour recevoir les fruits de la messe, il est indubitable que la messe produit toujours et d’une façon infaillible en elles ses effets d’impétration et de propitiation. Ce qu’on demande, en effet, pour les âmes du purgatoire n’est expressément que ce qui a été déterminé par le Christ dans l’institution même du sacrifice : la rémission des péchés. Toutefois, il reste à expliquer comment l’Église autorise et même recommande l’offrande multipliée du sacrifice pour un même défunt. On en a dit un mot plus haut, à l’occasion de l’intensité limitée du fruit de la messe, voir col. 129 7. Mais ici il semble opportun de proposer une considération nouvelle, issue de la distinction apportée par certains théologiens entre la valeur propitiatoire et la valeur proprement satisfactoire de la messe, la première se référant à l’apaisement offert à la colère divine, la seconde relative à la rémission de la peine temporelle due au péché déjà pardonné. Ce point de vue a été mis en relief par le P. Cappello, De sacramentis, 1. 1, n. 624, 5. Cet auteur rappelle tout d’abord que la peine temporelle peut être immédiatement remise en raison de l’efficacité proprement satisfactoire de la messe. Mai, ajoute-t-il, « cette peine temporelle n’est remise que s’il n’existe dans l’âme aucun obstacle à cette condonation. Si l’obstacle existe, il doit être préalablement enlevé par le fruit propitiatoire qui apaise Dieu ; à cause de certains péchés ou de certaines négligences dont les défunts se sont rendus coupables sur terre, la justice divine a pu décider, qu’en punition de ces fautes, les suffrages des vivants, les satisfactions personnelles, les indulgences, les satisfactions des messes célébrées n’atteindront et ne soulageront tel ou tel défunt, que si ses exigences sont d’abord satisfaites. Ce qui peut se faire, soit par les souffrances endurées par l’âme du défunt, soit par les bonnes œuvres offertes par les vivants, précisément en vue d’apaiser Dieu. Et parmi ces bonnes œuvres, le sacrifice de la messe tient la première place. » « S’il en est ainsi, dit Lehmkuhl, Theologia moralis, t. ii, n. 238, rien d’étonnant si parfois de nombreuses messes sont nécessaires, si les indulgences ne suffisent pas pour délivrer telle âme déterminée du purgatoire. Car cette âme demeure absoute de ses fautes, mais comme accablée dans les ténèbres épaisses de la colère et de la justice divines.

Or, il faut d’abord dissiper ces ténèbres par une propitiation intense et continue. »

Conclusion. — En résumé, la messe n’a d’autre eflicacité ex opère operato que l’impétration et la propitiation. Si la messe, ex opère operato, présente à Dieu des satisfactions surabondantes, l’application effective de ces satisfactions n’est plus ex opère operato : elle dépend dubon plaisir de Dieu et de l’acceptation que Dieu veut bien en faire non seulement dans son in unie miséricorde, mais encore dans son infinie justice.

II. BÉNÉFICIAIRES DE CETTE EFFICACITÉ.

On

peut envisager 1° le fruit très général ; 2° le fruit très spécial ou personnel ; 3° le fruit spécial ou moyen ou ministériel. C’est surtout à ce dernier point de vue que se pose la question des bénéficiaires du fruit de la messe.

Relativement au fruit très général.

 Ce fruit,

acquis à toute l’Église, se répand sur tous les membres, vivants ou morts, du corps mystique de Jésus-Christ, qui ont besoin de la grâce. Et même ce fruit parvient, par des voies indirectes et dans une mesure moindre, à ceux qui sont hors de l’Église, mais qui sont encore appelés à entrer dans son sein ou à y rentrer s’ils en sont sortis. On considère que les membres du corps mystique de Jésus-Christ qui contribuent le plus au bien général de l’Église, ses pasteurs, comme le pape, les évêques, les prêtres, reçoivent une plus grande partie de ce fruit. Toutefois, on ne saurait dire si ce fruit très général s’étend effectivement à tous les membres de l’Église en particulier. Il y a aussi, entre théologiens, diversité d’opinion touchant la nature des bienfaits renfermés dans ce fruit très général. Tous concèdent qu’il s’agit au moins des bienfaits objet de l’impétration. S’agit-il aussi des bienfaits objet de la propitiation et surtout de la satisfaction ? Certains le pensent. Cf. Valencia, Commentarii theol. in Sum. S. Thomee, Venise, 1608, t. iv, disp. VI, q. xi, punct. i ; Vasquez, In III am Sum. S. Thomæ, disp. CCXXXI, c. vi ; Gotti, Theol. scholast. dogmatica, tract, viii, q. ii, dub. i, § 3 ; Tanner, Theol. scholast., De eucharistia, disp. V, q. ix, dub. iv, n. 98 ; Stentrup, Soteriologia, th. cxiii. Mais d’autres le nient. Cf. Suarez, disp. LXXVIIf, sect. ii, n. 3. La plupart des auteurs modernes ou contemporains considèrent qu’il est certain que le fruit très général comporte un effet impétratoire ; qu’il est plus probable qu’il s’y trouve un certain effet propitiatoire ; mais que l’effet satisfactoire, déjà épuisé dans le fruit spécial, doit en être éliminé. Voir Cappello, n. 577, et les auteurs cités par lui. Mais cette dernière assertion ne se justifie par rien.

Quoi qu’il en soit, on doit dire que « ce fruit général, de la part de Jésus-Christ et de l’Église, parvient immédiatement aux fidèles, sans qu’une détermination expresse du prêtre soit nécessaire, mais par le fait seul de son ministère à l’autel. Les excommuniés, exclus de la communion des saints, n’y ont point part. Les fidèles en état de péché mortel le reçoivent dans une proportion beaucoup moins grande que les justes, plus étroitement unis au corps mystique de Jésus-Christ ». Gihr, op. cit., p. 189. La coopération par l’offrande de l’honoraire, par l’assistance au sacri-Bce, doit être particulièrement mentionnée. Certains auteurs appellent même « spécial » le fruit attaché à cette participation plus immédiate et le distinguent du fruit ministériel. Cf. Noldin, Schmidt, De sacramentis, n. 173 b ; Cappello, n. 578. Suarez regarde comme pieux et probable le sentiment qui soutient que ceux qui offrent actuellement le saint sacrifice avec le prêtre et par le prêtre, perçoivent un fruit impétratoire et satisfactoire ex opère operato. Disp. LXXIX, sect. viii, n. 5.