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MESSE, EFFICACITÉ : MODE D’ACTION


3. La messe, considérée comme sacrifice impélratoire et propitiatoire, produit-elle ses effets « ex opère operato » et infailliblement ? — C’est la double question, qu’il reste à résoudre.

a) En quoi consiste l’efjet produit « ex opère operalo » à la messe ? — Telle est la question fondamentale dont la solution domine tout le problème. On la trouve clairement exposée par le P. de la Taille. Mystcrium fidei, El. xxv, § 1 : « L’opus operatum du sacrifice, écrit-il, n’est pas l’opus operatum du sacrement. Le sacrifice, en eiïet, ne consiste pas à recevoir de Dieu, mais à olïrir à Dieu. Dans le sacrement, nous sommes passifs ; dans le sacrifice, nous sommes actifs. De là nait la diversité dans Vex opère operato des fruits du sacrifice et des fruits du sacrement. Dans le sacrement, ce fruit consiste en une sanctification de notre àme, opérée par Dieu ; dans le sacrifice, ce fruit consiste en un apaisement, une satisfaction qu’on otlre à Dieu. Le fruit du sacrifice, réalisé ex opère operato tant qu’on le voudra, ne pose donc en nous, par soi-même, rien qui ressemble à un don infus, comme la grâce. Le sacrifice intervient simplement à titre de cause morale : il rend à Dieu la louange due, il lui offre une juste compensation pour les fautes commises, et ainsi l’accès de la divine miséricorde nous est de nouveau ouvert, soit pour nous justifier, soit pour nous maintenir dans le bien, soit pour nous conduire à plus de perfection. En un mot, le fruit produit ex opère operato par le sacrifice ne peut, en toute hypothèse, comporter que ceci : que Dieu, en considération du sacrifice qui lui est offert, et non pas simplement à cause de notre dévotion, soit disposé et en quelque sorte obligé à nous donner des gages de sa miséricorde, et de la façon qui convient à l'état et à la condition de chacun de nous. Ce fruit est donc antérieur à l’action des sacrements… Il ne faut donc pas exclure de l’opus operatum du sacrifice, à l’instar de certains théologiens, par exemple Suarez, disp. LXXIX, sect. ii, n. 6 sq., l’impétration sacrificielle, comme si, de la messe, ne pouvait suivre, ex opero operato, que la propitiation ou la satisfaction. Tout au contraire, il faut dire que le sacrifice eucharistique opère de la même façon en tant qu’impétratoire et en tant que propitiatoire. Le sacrifice tout entier est, en effet, une sorte de prière en action. Le sacrifice du Christ fut une prière en action ayant pour objet d’obtenir, non pour lui, mais pour nous qu’il représentait, des bienfaits qui ne nous étaient pas dus. Or, la prière sacrificielle du Christ fut efficace près de Dieu. Dieu a publiquement manifesté qu’il l’avait eue pour agréable, en ressuscitant le Christ d’entre les morts. C’est alors, en eflet, que fut définitivement sanctionné le pacte en vertu duquel l’hostie offerte par le Christ était agréée pour la fin que cette oblation poursuivait. Mais cette impétration efficace du Christ, nous nous l’approprions en offrant, à l’autel, l’hostie même qu’est le Christ présent sacramentellement. Il en résulte qu’en dehors de notre propre prière, l’impétration de notre souverain prêtre, déjà ratifiée et exaucée par Dieu « eu égard à sa profonde soumission » (Hebr., v, 7), monte ainsi, jusqu’au ciel par nos propres mains, et que là, d’une manière permanente, elle nous obtient tous les biens que le Christ autrefois a demandés pour nous en sacrifiant à cette intention sa vie. Et l’impétration sacrificielle de la messe est donc dite agir ei opère operato. en tant qu’elle renferme et rend pour ainsi dire nôtre la prière du Christ, qui est comme un titre marqué au sceau éternel de la divine gloire. Il n’y a donc aucune différence à établir entre l’efficacité ex opère operalo de la messe, sacrifice impétratoire et sacrifice propitiatoire ; c’est de la même façon que la messe nous approprie l’impétration et la propitiation du Christ ; et la propi tiation n’a pas plus d’efficacité que l’impétration pour réaliser immédiatement son effet en nous. »

L’effet produit ex opère operato par la messe, effet infaillible, immédiat et certain, c’est donc de présenter à Dieu le sacrifice même du Christ, et, par ce sacrifice, l’impétration de notre Sauveur, laquelle, par rapport à nos fautes, s’ollre à Dieu comme une propitiation et une satisfaction.

b) L' « ex opère operato » de la messe, par rapport au fruit que nous en retirons réellement. — La messe a donc toute efficacité pour obtenir de Dieu les biens que nous lui demandons. Mais nous les obtient-elle en fait ? Elle présente à Dieu le titre que nous a acquis le Christ ; il reste à se demander si Dieu nous donne infailliblement les biens représentés par ce titre.

Or, si du côté de la cause de l’impétration, c’està-dire des mérites et du sacrifice de Jésus-Christ, l’effet de la messe est absolument infaillible, il n’en est pas de même si on considère l’objet de l’impétration et le sujet auquel elle doit profiter. Cf. Billot, op. cit., th. lv, coroll. 1. Aussi devons-nous examiner le problème quant aux personnes (vivants ou défunts), et quant aux biens demandés.

a. Les viuanls. — a) Biens, objet de l’impétration proprement dite. — On peut les ramener à cinq catégories de biens : grâces de conversion ; victoires sur les tentations ; occasions opportunes de bonnes œuvres et par là moyens de progrès spirituel ; protection spéciale de la Providence dans les besoins spirituels et temporels ; biens temporels de tous genres pouvant servir, selon les desseins de Dieu, à notre salut.

Il est trop clair que l’effet de l’impétration, quant à tous les biens qu’on vient d'énumérer, n’est pas infaillible et dépend en quelque façon du bon plaisir, divin. En ce qui concerne, en effet, les grâces d’ordre temporel, il faut toujours sous-entendre deux conditions, savoir : leur utilité, leur accord avec les lois de la Providence. Dieu n’a pas établi dans l'Église un moyen ordinaire d’obtenir infailliblement des miracles. En ce qui concerne les autres bienfaits d’ordre spirituel, la réponse ne saurait être uniforme. La grâce de la conversion demandée pour tel pécheur peut être rendue impossible par l’obstination même de celui-ci. Les justes obtiendront avec plus de facililité les grâces d’ordre spirituel demandées pour eux au saint sacrifice : mais qui dira si les grâces demandées sont précisément celles qui importent le plus à leur salut ? Remarquons d’ailleurs que l’augmentation de grâce ne sera jamais qu’un effet médiat de la messe, en tant que la messe obtiendra au juste des grâces actuelles qui accroîtront son mérite par des œuvres nouvelles. Cf. De Lugo, disp. XIX, n. 150.

P) Biens, objet de la propitiation. — En tant que propitiatoire, le sacrifice de la messe tend à effacer les péchés, à détourner les maux communs et privés que Dieu voudrait inlliger aux hommes comme châtiments ; à écarter les peines bien plus terribles encore de l’ordre spirituel, que Dieu, dans sa justice, a décrété d’infliger au pécheur, à moins d'être apaisé à son sujet. Mais ce fruit propitiatoire doit être expliqué.

Dieu, justement indigné à cause des péchés commis, refuse au pécheur les secours plus abondants, qui l’amèneraient à résipiscence. Mais, par l’oifrande du sacrifice, Dieu est apaisé et confère des secours par lesquels l’homme pécheur est amené à la pénitence ; indirectement, en vertu de la propitiation qui apaise la colère divine et ôte ainsi l’empêchement aux grâces plus abondantes ; directement, en vertu de l’impétration, qui sollicite immédiatement Dieu de concéder ces secours. Cf. De Lugo, disp. XIX, sect. ix, n. 141. Il faut de plus noter que le sacrifice de la messe remet