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MESSE, EFFICACITÉ : MODE D’ACTION


2. Efficacité de la messe, comme sacrifice de l’Église. — Ou sait que la messe est le sacrifice non seulement du Christ, mais encore de son corps mystique tout entier. Voir ci-dessus, col. 1284. Sous ce point de vue, la valeur et l’eincacité de la messe dépendent de la dignité des mérites et de la sainteté de l’Église. Ce qui fait dire à Bossuet que « ce sacrifice n’aura jamais sa perfection tout entière qu’il ne soit olïert par des saints ». Explication de quelques difficultés…, n. 36. Considérée sous cet aspect, la valeur de la messe sera toujours finie et limitée, parce que l’Église n’est jamais infiniment sainte. Cf. Lambreeht, De ss. missæ sacrificio, Louvain, 1885, part. IV, c. i, § 2, 3. L’impétration de l’Église sera d’autant plus favorablement accueillie de Dieu que sa sainteté — qui se compose de la sainteté de ses membres — sera plus parfaite. De tdle sorte qu’il faut demander sans cesse à Dieu de « purifier nos cœurs, ut Ecclesise tuse preces, quæ tibi gratæ sunt, munera déférentes, liant expiatis mentibus gratiores (Secrète de la férié v après le ive dimanche de Carême).

Mais la sainteté de l’Église n’est pas le seul élément qui intervienne pour nous permettre de juger de la puissaace impétratoire du sacrifice. « Outre le sacrifice, l’Église olîre à Dieu des prières et des cérémonies qu’elle y a jointes. Tous ces rites sont accomplis au nom de l’Église et agissent puissamment sur le cœur de Dieu… La forme différente de la messe peut donc augmenter accidentellement la puissance impétratoire du sacrifice offert au nom de l’Église et la diriger d’une façon toute spéciale vers un but particulier. En dehors du degré de sainteté de l’Église, les prières particulières et le rite entier du sacrifice influent donc sur l’étendue et la nature des fruits obtenus par la médiation de l’Église. » Gihr, op. cit., p. 149. En principe donc, et par rapport au fruit accidentel, une messe solennelle aurait une plus grande valeur et une plus grande efficacité de la part de l’Église qu’une messe basse ; une messe votive, célébrée pour un motif suffisant et dans une intention conforme à son caractère, et très particulièrement la messe de Requiem dite pour les défunts, serait plus efficace, pour le but qu’on se propose, que la simple messe du jour. Cf. S. Thomas, Suppl., q. lxxii, a. 9, ad. 5 ura ; Pasqualigo, De sacrificio nouas Legis, tract, i, q. cxxxi, et q. cclxxxvii ; Gihr, op. cit., p. 150-152.

3. Efficacité de ta messe, comme acte personnel du prêtre et des fidèles qui participent au sacrifice. — Le prêtre qui célèbre, les fidèles qui assistent, qui servent, qui ont fourni l’honoraire ou les objets nécessaires, accomplissent l’action la plus sainte du culte : à ce titre, leur acte, comme toute autre bonne œuvre, possède — d’une façon limitée sans doute, mais très réelle — force impétratoire, valeur satisfactoire et méritoire. D’après la doctrine de l’Église, « le fruit impétratoire et le fruit satisfactoire seuls peuvent être recueillis et gagnés pour autrui. Le fruit méritoire est personnel et ne peut être appliqué à d’autres. Ces trois fruits, étant ex opère operantis, ne sont recueillis dans toute leur étendue que par ceux qui sont en état de grâce, agissent avec une intention pure, avec foi et respect. Ces remarques fournissent les éléments nécessaires pour résoudre la question de la valeur de la messe célébrée par un prêtre indigne. A considérer le sacrifice en soi, la valeur est la même, parce que c’est le même prêtre principal et la même victime dont la sainteté n’est pas ternie par les ministres souillés. Cf. Conc. Trid, , sess. xxii, ci, Denz-B., n. 939. « …Si l’on considère seulement la valeur de la personne privée et des prières privées qu’elle offre en même temps que le sacrifice, il est manifeste que la messe du saint curé d’Ars vaut mieux que la messe du pauvre prêtre tombé… Mais ce point de vue est

tout secondaire, cette valeur tout accidentelle, vu que le célébrant ne se dépouille jamais de sa personnalité officielle, et que sa faute ne peut rejaillir sur les autres, ni leur nuire moralement tant qu’ils ne se font pas ses complices. » Hugon, La sainte eucharistie, p. 229.

Toutefois, un point reste controversé. Le prêtre visible offre le sacrifice non seulement au nom du Christ, mais encore au nom de l’Église. Son action, comme ministre de l’Église, est sans doute accidentelle par rapport à son ministère principal ; mais l’effet de cette action ministérielle secondaire se produit indépendamment de ses bonnes ou mauvaises dispositions personnelles. On se demande donc si cet elïet secondaire et accidentel, mais produit cependant (par rapport aux mérites du prêtre) ex opère operato, voir plus loin, n’est pas accru ou diminué en raison de sa sainteté ou de son indignité. La plupart des auteurs le nient, selon la doctrine qu’expose le P. Hugon. Cf. Suarez, disp. LXXIX, sect. viii, n. 10. Mais certains auteurs admettent que le fruit de la messe produit par l’action ministérielle du prêtre agissant, au nom de l’Église, dont il fait partie, subit des accroissements et des diminutions suivant la valeur morale du célébrant. Le P. de la Taille, qui fait de la messe l’oblation propre de l’Église, ne peut que se rallier à cette dernière opinion, invoquant l’autorité de Galenus, de Henriquez et de Facundez, S. J., et surtout de Pasqualigo. Myslerium jidei, El. xxvii, a. 1.

Mode d’action.

1. Action « ex opère operantis » 

et « ex opère operato ». — Les effets de la messe sont produits ex opère operato, s’ils sont causés en raison même de l’institution et de l’efficacité du sacrifice eucharistique, indépendamment des mérites de ceux qui l’offrent visiblement, prêtres et fidèles ; ex opère operantis, s’ils sont concédés eu égard à ces mérites.

Cette distinction nous permet d’éliminer de notre considération le mode d’action ex opère operantis, c’est-à-dire provenant des dispositions du célébrant et des fidèles qui concourent à la célébration du sacrifice. Ce mode d’action, en effet, rentre dans la catégorie plus générale de Vopus operantis qui s’attache à nos prières, bonnes œuvres, mérites, satisfactions.

Ainsi le problème est restreint au mode d’action ex opère operato. Ce mode d’action existe très certainement dans la messe, considérée comme l’oblation du Christ. L’opus operatum découle ici tout entier de la dignité infinie de Jésus, indépendamment des mérites soit du célébrant soit des fidèles. Faut-il également admettre ce mode d’action dans la messe considérée comme l’oblation de l’Église ? La prière de l’Église, corps mystique du Christ, est par elle-même, abstraction faite des dispositions de tel célébrant ou de tels participants, très efficace ; mais d’autant plus efficace que les mérites et la dignité des membres actuels de l’Église sont plus grands. En soi, l’effet de la messe, considérée comme oblation de l’Église, est donc produit ex opère operantis, et certains auteurs n’admettent pas qu’on puisse le caractériser autrement. Cf. Cappello, op. cit., n. 571. Cependant cet effet est, dans son ensemble, indépendant des mérites du célébrant, et donc, en une certaine façon très exacte, on peut le dire ex opère operato.

2. Considérée comme sacrifice latreutique et eucharistique, la messe, soit comme oblation du Christ, soit comme oblation de l’Église, produit toujours, ex opère operato et d’une manière infaillible, son effet d’adoration et de remerciement à l’égard de Dieu. Aucun obstacle, en effet, ne peut provenir de la part de Dieu, à qui s’adressent ces hommages. Cette vérité est incluse dans l’affirmation générale du caractère latreutique et eucharistique de la messe.