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MESSE, EFFICACITÉ : VALEUR DU SACRIFICE


soient. » Bull. Auctorem Fidei, Denzinger-B., n. 1530. Et cette raison trouve un confirmatur dans l’analogie des sacrements, lesquels ne produisent qu’un effet limité dans l'âme bien [ disposée et peuvent être renouvelés. Cappello, n. 593.

On trouvera cependant dans Hugon, op. cil, des remarques opportunes à rencontre de ces raisons.

Est-il besoin d’ajouter que l’une et l’autre opinion se réclame de saint Thomas ? Les partisans de la première déclarent que saint Thomas ne reconnaît de limitation au fruit de la messe quant à son extension que dans la dévotion de ceux qui le perçoivent ; ce qui revient à dire que cette extension est illimitée. Sum. theol., III », q. lxxix, a. 5 ; cf. In 7Vum ScnL, dist. XLV, q. ii, a. 4, sol. 2. Mais les partisans de la seconde opinion font voir que ces textes supposent aussi une application plus considérable du fruit de la messe, en raison de l’intention plus spéciale du célébrant, cf. Suppl., q. lxxi, a. 13, surtout ad 2um, et que saint Thomas admet pleinement la limitation extensive du fruit de la messe, In I' am, Sent., dist. XLV, q. ii, a. 4, sol. 3, ad 2um ; et sol. 2, arg. sed contra.

Somme toute, la conclusion de Billuart paraît sage : U traque (sententia) est probabilis, et quamvis in secundam propendere videar, agnosco tamen neutram esse certam, sed quamlibet pâli suas difficultates. Loc. cit.

c. Conclusions pratiques. — Puisque l’opinion de Cajétan est probable, le célébrant qui doit offrir spécialement la messe à l’intention qu’on lui a fixée, agira sagement en appliquant aussi la messe, par une intention secondaire, et sous la condition de ne léser aucun des droits de ceux pour qui il est obligé de célébrer, pour tels ou tels autres, et même pour tous les vivants et les défunts. Cf. Ami du Clergé, 1912, p. 235, et Galtier, La messe en seconde intention, dans Nouvelle revue théologique, 1907.

Puisque, de l’aveu de tous, une plus grande dévotion appelle un fruit plus abondant, prêtres et fidèles devront s’efforcer de s’approcher de l’autel avec plus de piété et d’amour, afin de recevoir plus de grâce.

Il est, en soi, plus profitable de faire célébrer pour soi-même des messes de son vivant qu’après sa mort. En effet : l°le vivant est certain, s’il est en disposition convenable, de participer à tous les fruits de la messe, et d’obtenir non seulement les grâces spirituelles, mais encore les secours temporels qui lui permettront de bien vivre et d’augmenter beaucoup sa gloire éternelle. D’autre part, il n’est pas absolument certain que tous les fruits de la messe puissent être appliqués aux défunts. 2° Il y a un mérite plus grand pour le vivant qui se prive de l’honoraire de la messe. 3° Le vivant peut assister à la messe qu’il fait célébrer pour lui et, de ce chef, participer à son offrande et recevoir ainsi des fruits plus abondants. Enfin, 4° « La célébration de la messe est plus certaine : l’expérience ne démontre-t-elle pas que souvent il devient impossible d’acquitter les messes après la mort de celui pour qui elles devraient être dites, soit à cause des dispositions injustes de la loi civile, soit à cause de la malice ou de l’insouciance des héritiers ou de ceux qui devraient s’en occuper. » Cappello, De sacramentis, i, n. 007. Cf Benoît XV, Bref Sodalitalem, 31 mai 1921.

c) Le fruit de la messe est-il infini quant ù son intensité? — Il s’agit, rappelons-le, du fruit considéré dans son application actuelle. Or, il n’y a pas de doute que, sous cet aspect, le fruit de la messe ait une intensité limitée.

L'Église ne permet-elle pas qu’on renouvelle, même fréquemment, l’offrande du saint sacrifice à la même intention : libération d’une âme du purgatoire ;

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

conversion d’un pécheur ; recouvrement de la santé ; éloignement d’un fléau, peste ou guerre, etc.? Or. L'Église ne le permettrait pas si le sacrifice offert une seule fois devait nécessairement nous obtenir les biens implorés ou écarter de nous les maux redoutés.

D’où vient la limitation du fruit de la messe, considéré quant à son intensité ?

a. — La plupart des auteurs estiment que cette limitation provient d’une volonté expresse de JésusChrist. Le sacrifice eucharistique ne peut nous procurer les bienfaits de la rédemption que dans la mesure établie par Dieu. Dans la distribution de ses faveurs, Dieu exige, en règle générale, notre coopération. L'étendue des fruits de la messe est donc fixée par Dieu, pour chacun de ceux qui en profitent, eu égard à ses dispositions. Avant tout, il faut donc faire entrer en ligne de compte la part du bon plaisir de Dieu et de la volonté miséricordieuse de Jésus-Christ. Il faut aussi, en second lieu, considérer la disposition de celui à qui est appliqué le fruit du sacrifice. Cette opinion pense s’appuyer sur le concile de Trente qui parle de l’application par la messe de la vertu de la croix. Or, qui dit application dit détermination et dès lors restriction. Pasqualigo, op. cit., tr. i, q. exix. Cf. Sporer, Theol. sacram., part. II, c. iv, sect. iii, 3.

b. — Mais un certain nombre de théologiens estiment qu’il est impossible de concevoir une taxation divine préalable aux dispositions du bénéficiaire de la messe. D’après eux, la limitation du fruit de la messe provient uniquement de la capacité du sujet, en raison de ses dispositions. Il faut donc, avant tout, faire entrer ici en ligne. de compte ces dispositions mêmes. Les thomistes font remarquer que c’est là le sens obvie de saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxix, a. 5. Cf. Gonet, loc. cit., n. 88. « Si la messe est en elle-même et relativement à sa fin d’une efficacité infinie, quelle raison aurions-nous de supposer une taxation préalable limitant cette efficacité ? De plus, puisque l’effet des sacrements se mesure uniquement sur les dispositions de ceux qui les reçoivent, le fruit de la messe ne doit également être limité qu’en raison de l'état de ce"ux pour qui est offert le sacrifice et de la manière plus ou moins parfaite de cette application. » Billot, op. cit., p. 653. Cf. Analccta ecclesiastica, t. iv, dissertation du P. Maurus Kaiser, O. P. Entendons ici cette manière plus ou moins parfaite de l’intention plus précise ou plus confuse du prêtre, comme il a été expliqué plus haut, nous souvenant toutefois qu’il n’appartient pas au prêtre de limiter, par son intention, le fruit de la messe, comme il appartient au pape ou à l'évêque de limiter l’indulgence qu’il accorde. Cf. Gonet, loc. cit.

Il est facile de déclarer en général que l’application finie du fruit de la messe est en raison de l’excellence des dispositions de ceux pour qui est offert le saint sacrifice. Il est plus difficile de déterminer en particulier pour chacun des bénéficiaires en quoi consiste précisément la dévotion requise pour une plus complète participation au fruit du sacrifice. « S’il s’agit des défunts, leur plus ou moins grande capacité pourra être conçue soit en raison du plus ou moins d’intensité de leur charité actuelle, ou encore en raison du plus ou moins de soin qu’ils auront apporté, au cours de leur vie terrestre, à se procurer l’offrande du saint sacrifice. En ce qui concerne les vivants, l’explication est plus facile : on peut, en effet, considérer en eux différentes conditions selon les différents fruits dont ils sont capables : coopération directe au sacrifice, soit en procurant sa célébration, soit en y assistant, soit en y participant de toute autre manière ; ou encore foi plus ou moins grande, espérance de se libérer du péché grâce à la vertu du sacrifice, etc. » Billot, op. cit., p. 652.

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