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1287 MESSE, CONCLUSION : UNITÉ DU SACRIFICE CHRÉTIEN 1288

l’unité numérique de cet acte d’oblation. Il subsiste toujours le même en son fonds, que cette diversité ne touche pas, lui étant tout à fait extrinsèque… Ni la multitude, ni la diversité de ses rapports (au passé, au présent, à l’avenir, à différentes perfections, à différents bienfaits, à différentes récompenses) n’empêche l’unité, l’identité de son essence, parce qu’ils ne lui apportent aucun changement intrinsèque. » Instruction pastorale sur l’eucharistie dans Œuvres, Paris, 1812, t. i, édit. Migne, col. 1212. Et quelques pages auparavant cet auteur affirme l’identité substantielle du sacrifice de la messe et du sacrifice de la croix, ne leur reconnaissant qu’une pluralité accidentelle, col. 1237. Voir col. 1221.

|C’est aussi sur l’unité d’oblation dans le sacrifice de Jésus-Christ qu’insiste Mgr Mac-Donald, en affirmant que « la messe, aux yeux de l'Église qui l’offre, n’est pas un nouveau sacrifice, un sacrifice autre que celui du Calvaire, mais c’est l’offrande renouvelée du même sacrifice une fois offert sur la croix. » The sacrifice of the Mass, p. 80. Et le P. de la Taille, en affirmant que, dans la messe, « toute la nouveauté se tient du côté de l'Église », suppose— et il l’enseigne explicitement — que l’oblation du Christ demeure virtuellement la même. Virtuellement, disons-nous, parce que l’oblation que le prêtre visible fait du sacrifice du Christ au nom de l'Église tire toute son efficacité de celle du Christ, laquelle du chef passe dans les membres. S’il fallait admettre, déclare le P. de la Taille, une nouvelle oblation personnelle du Christ à chaque messe, on ruinerait l’unité du sacrifice du Sauveur. El. xxiii ; cf. el, v.

La thèse de M. Lepin, bien que dirigée dans le même sens, est beaucoup plus souple et tient compte davantage des données concrètes du problème. Elle tient compte surtout de la nécessité d’une oblation dn Christ pour ainsi dire réitérée à chaque messe, et à l’unité générale d’oblation, fondement du système, le distingué théologien ajoute des modalités particulières qui diversifient l’oblation du Christ selon les circonstances et les conditions du sacrifice. Sans doute « le sacrifice consiste essentiellement dans l’oblation, et le sacrifice du Christ, dans l’oblation que le Christ fait directement de lui-même. Mais cette oblation du Christ revêt divers modes, suivant les circonstances et les conditions dans lesquelles elle s’opère. A la croix, le Christ s’offre réellement immolé ; à la cène, il s’offre sous les signes représentatifs de l’immolation future ; à la messe, il s’offre sous les signes représentatifs de l’immolation passée… Ainsi l’unité d’oblation constitue ce fond commun qu’il faut certainement admettre dans ce qu’on appelle : sacrifice de la cène, sacrifice de la croix, sacrifice de la messe… Sous cette unité foncière d’oblation, se laissent aisément reconnaître les divers « modes d’oblation », dont parle le concile de Trente… » (Communication personnelle.)

Toutes ces explications sont unanimes à affirmer l’identité substantielle du sacrifice eucharistique et du sacrifice de la croix. D’après cette conception, il semblerait donc qu’entre l’un et l’autre, il n’y ait qu’une différence accidentelle ou extrinsèque. Seul Mgr de Pressy et, de nos jours G. Pell et Mgr Mac Donald sont allés jusqu'à cette conclusion explicite. Le P. de la Taille, avec son opinion de la messe, sacrifice propre de l'Église, accepte volontiers une certaine dualité, même substantielle, entre la cène et la croix, d’une part, et la messe, d’autre part. M. Lepin ne tire aucune conclusion en ce sens, et met simplement ses lecteurs en garde contre « l’inconvénient grave qu’il y aurait à supposer plusieurs sacrifices, et même une multitude de sacrifices du Christ, se comptant séparément et pouvant s’additionner. »

b) L’unité du sacrifice d’après la thèse du sacrificeimmolation. — Le eardinal Billot, par une réaction un peu vive contre la thèse du P. de la Taille, établit que, la messe étant substantiellement le même sacrifice que la cène, il faut tenir que « l’oblation sacramentelle tant de la cène que de la messe, se distingue adéquatement de l’oblation de la croix », et que « la nature de l’immolation à la messe et à la cène est proprement distinctive de ces sacrifices et totalement différente de l’immolation de la croix. Il faut donc conclure, ajoute l’auteur, que le sacrifice de la messe n’est pas le même sacrifice que celui de la croix, mais que ce sont deux sacrifices différents, et par le nombre et par l’espèce. Puisque le sacrifice consiste dans l’offrande, les divers modes d’offrandes diversifient les sacrifices. » De sacramentis, Rome, 1924, t. i, p. 604. — L’unité du sacrifice du Christ subsiste néanmoins, malgré cette dualité. Mais c’est une « unité d’ordre », unité en son genre très étroite, puisqu’elle est fondée sur la nature même du sacrifice eucharistique, lequel suppose essentiellement le sacrifice de la croix ; sur l’immolation mystique elle-même qui n’est telle que parce qu’elle est la représentation sacramentelle de l’immolation sanglante ; en un mot, sur la relation étroite qui unit la messe au Calvaire en l’y reportant tout entière.

Gihr distingue entre « sacrifice » et « acte sacrificateur » : « Pour juger de l’unité spécifique et numérique ou de la différence du sacrifice, il faut considérer la victime, le prêtre et l’acte sacrificateur. Le sacrifice de la croix et celui de la messe sont identiques : c’est le même sacrifice (idem specie et numéro sacrificium) parce que des deux côtés, c’est une seule et même victime, le même sacrificateur. Au contraire, dans le sacrifice sanglant et non sanglant, l’acte sacrificateur (effusion du sang, réelle ou mystique) est différent numériquement et spécifiquement. C’est ainsi que la plupart des théologiens comprennent, et à juste titre, ces paroles du concile de Trente, que « la manière d’offrir est seule différente », sola offerendi ratio divursa. De même, les sacrifices offerts tous les jours sur l’autel, à raison de l’acte sacrificateur répété, diffèrent numériquement non seulement de la cène et du sacrifice de la croix, mais encore les uns des autres. Tous ces sacrifices sont identiques, seulement à raison de la victime et du prêtre sacrificateur. » Le saint sacrifice de la messe, tr. fr., t. i, p. 134, note.

Tout en admettant substantiellement la même thèse, M. Van Noort combine les terminologies de Billot et de Gihr : « Il est manifeste, écrit-il, que le sacrifice de la messe diffère du sacrifice de la croix ; tout comme une messe diffère d’une autre messe. En outre, il semble bien qu’on doive affirmer une différence spécifique entre le sacrifice sanglant et le sacrifice non sanglant. La forme confère le caractère spécifique ; or, la forme du sacrifice est l’immolation ou la destruction de la victime. Donc, puisque l’immolation réelle et l’immolation mystique diffèrent spécifiquement, il faut que le sacrifice de la messe — en raisonnant philosophiquement — soit différent spécifiquement du sacrifice de la croix. Je dis : en raisonnant philosophiquement. En l’espèce, en effet, la dignité et la valeur du sacrifice dépendent de la victime et de l’offrant principal beaucoup plus que du mode d’immolation. Rien n’empêche donc d’affirmer que le sacrifice de l’autel et le sacrifice de la croix sont substantiellement semblables : et c’est là ce qu’entendent reconnaître les prédicateurs et catéchistes, lorsqu’ils déclarent… simplement qu'à la messe et sur la croix le même sacrifice est offert. » De sacramentis, t. i, n. 478.

La même réponse se retrouve chez le P. Ch. Pesch, op. cit., n. 916, s’appuyant sur Suarez, disp. LXXVI, sect. i, n. 4-6.