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1281 MESSE, SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE : LE SACRIFICE DE LA CÈNE 1282

au.sens où saint Augustin l’entendait ; mais non pas encore l’acte cultuel et social qui constitue le sacrifice au sens strict du mot.

Et c’est encore en ce sens large qu’il faut sans aucun doute entendre les assertions relevées chez les théologiens de l'École française aux. xvii « et xviiie siècles. Quelques textes nous en convaincront. En réalité, toute la vie du Christ fut un sacrifice, selon le cardinal de Bérulle, Vie de J&us, c. xix, parce que l’oblation qu’en a faite le Sauveur >< est, à la fois, offrande continue de l’immolation future et offrande incessante d’une immolation actuelle, qui prépare et commence à réaliser déjà celle qui se consommera au Calvaire ». Lepin, op. cit., p. 465. De même, le P. de Condren : Pour ce qui est du sacrifice de la Nouvelle Loi, qui est le sacrifice de Jésus-Christ, il faut savoir que toute sa vie. depuis le premier moment de l’incarnation jusque dans l'éternité, est le sacrifice véritable figuré par ceux de la loi ancienne et par tous les autres. » L’idée du sacerdoce, IIe part., p. 80. Mais l’on sait que, pour Condren, si la consécration du sacrifice unique de Jésus-Christ commence à l’incarnation, {'immolation n’en a été faite qu'à la croix. L’oblation que le Christ a faite de lui-même dès l’incarnation est un sacrifice, parce que, dès l’origine, le Christ s’est offert pour être immolé ». Cette direction imposée à toute la vie du Sauveur vers sa passion et sa mort en croix est marquée plus explicitement encore par M. Ollier : « Notre-Seigneur, venant au monde, s’est une fois offert à Dieu son Père en qualité d’hostie dans le sein de la très sainte Vierge, comme sur un autel, pour cire un jour immolé et consommé à la gloire de sa divine majesté… « Explication des cérémonies, t. VI, c. n. Les mêmes assertions se retrouvent chez Thomassin, Bossuet et nombre d’autres auteurs de cette époque. Toute la vie de Jésus-Christ fut un sacrifice, parce qu’elle était la préparation de l’immolation de la croix, et que les dispositions habituelles que Jésus y fit paraître devaient donner au sacrifice consommé au Calvaire son mérite et sa valeur rédemptrice. Cf. M. de la Taille, dans Gregorianum, mars 1928.

2..Mais de là à affirmer que seules ces dispositions intérieures forment l’essence du sacrifice rédempteur, il y a un abîme. Le sacrifice proprement dit, offert sur la croix, exige de plus l’immolation sanglante, telle que l’a prévue et imposée Dieu le Père, et telle que l’a voulue, librement le Verbe incarné. Sans doute, les dispositions intérieures du Christ pouvaient suffire, à cause de la dignité de sa personne, pour expier nos crimes, si son Père l’eût ainsi réglé ; mais, de plus, Dieu a voulu qu’il offrît ce sacrifice visible. Ce n’est pas seulement à la volonté de mourir, mais encore à la mort effective du Sauveur qu’il a attaché la rédemption des hommes : ainsi la mort de JésusChrist et l’oblation de cette mort précieuse qui en était inséparable, étaient aussi essentielles dans l’ordre de la Providence, que les dispositions intérieures qui les animaient. La mort du Sauveur n’est donc pas à l’instar d’un simple rite extérieur, et pour ainsi dire étranger a l’essence du sacrifice de la croix : c’est le sacrifice même, l’action particulière que Dieu exigeait pour réparer l’outrage fait à sa gloire, expier nos crimes, rendre a sa souveraine majesté l’honneur que le pécheur avait prétendu lui ravir : et c’est là ce qu’avec la théologie catholique on doit appeler le sacrifice strictement dit de la rédemption.

Le sacrifice de la cène.

f. La cène est le même

sacrifice que la messe, dont elle fut la première célébration.- — Cette vérité se trouve équivalemment enseignée par le concile de Trente : Jésus donc… à la dernière cène… se déclarant ((institué pour l'éternité prêtre selon l’ordre de Melchisédech, offrit à Dieu son Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin. Aux

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

apôtres qu’il constituait alors les prêtres du Xouvcau Testament, et à tuas leurs successeurs dans le sacerdoce, il donna l’ordre d’offrir ce corps et ce sang sous les symboles des mêmes éléments, par ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi ». Dans ce texte, le concile distingue ce que lit le Christ à la dernière cène et ce qu’il commanda à ses apôtres de faire. Ce qu’il lit, c’est l’offrande à Dieu son Père, de son corps et de son sang sous les espèces du pain et du vin. Ce qu’il commanda à ses apôtres, en les constituant prêtres du nouveau Testament, et à tous leurs successeurs dans le sacerdoce, c’est de renouveler la même oblation du corps et du sang sous les mêmes symboles. En d’autres termes la messe est la même oblation du corps et du sang de Jésus-Christ et renouvelle la cène qui fut son prototype.

2. L’oblation de la cène n’est pas une partie du sacrifice sanglant de la Croix : bien qu’intimement liés, la cène et le Calvaire sont deux sacrifices distincts. — Nous avons déjà rappelé cette vérité à propos de la thèse du P. de la Taille, voir col. 1245. Les termes du c « ncile de fiente ne laissent place à aucun doute : Jésus donc… — quoique devant s’offrir à Dieu le l'ère une seule fois sur l’autel de la croix… — parce que cependant son sacerdoce ne devait pas s'éteindre par sa mort, afin de laisser ù l'Église son épouse un sacrifice visible, etc. Si le concile avait reconnu dans l’oblation de la cène une partie constitutive et initiale du sacrifice de la croix, il aurait parlé ainsi : « Jésus…, parce que devant s’offrir sur l’autel de la croix, etc. » Cette terminologie montre combien est fondée l’opinion quasi unanime des théologiens postérieurs au concile, opinion qui tient l’oblation de la cène comme distincte de celle du Calvaire, et n’en constituant pas une partie essentielle ou intégrale. M. Lepin, qui a exposé longuement le sentiment des théologiens sur ce point, rappelle, op. cit., p. 692, qu’ils présentent la cène « comme une oblation proprement sacrificielle, et s’efforcent d’en déterminer le rapport avec la croix. Plusieurs ont songé à une oblation actuelle, portant sur une immolation également actuelle du Sauveur, c’est-à-dire à un commencement réel de la passion : et c’est en cela que la cène leur a paru être un vrai sacrifice. Quelques-uns ont vu cette oblation et cette immolation réalisées dès avant la cène, au cours de la vie terrestre du Sauveur, et même depuis son origine. La plupart se sont arrêtés à l’idée d’une oblation réelle présente, se rapportant à une simple représentation anticipée de l’immolation future. Or, même parmi ces derniers, nous n’en avons trouvé aucun pour qui l’oblation faite à la cène ait été proprement l’oblation du sacrifice de la croix, c’est-à-dire un acte si essentiellement constitutif du grand sacrifice rédempteur, que, sans lui, l’immolation du Calvaire aurait manqué de ce qui en fait un sacrifice réel et proprement dit. »

Toutefois, la cène et le Calvaire sont intimement liés. La mort sur la croix, sans doute, n’avait pas besoin de la cène pour être un sacrifice complet et véritable ; mais la cène dépend essentiellement de la croix, comme le symbole et la représentation dépendent de la chose à représenter et à symboliser.

3. Comme la messe, dont elle, est le prototype, la cène est un sacrifice essentiellement relatif au sacrifice sanglant du Calvaire. - — Sans doute, le sacrifice de la cène représente la mort du Christ comme future, encore que cette mort soit imminente ; et à la messe, c’est une. mort passée que commémore le sacrifice. Mais cette différence est tout extrinsèque et accidentelle. Ln soi, en effet, la cène représente, tout comme la messe, la mort du Christ ; que cette mort, par rapport

à la première, soit future, par rapport à la seconde, soit passée, c’est une différence en dehors de la signifi X. — 41