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1277 MESSE, SACRIFICE EUCHARISTIQUE ET SACRIFICE CÉLESTE 1278

souffrance qui, sans l’atteindre dans son humanité désormais glorieuse et impassible, présente cependant a Dieu cette humanité sous les marques extérieures de la passion qu’elle endura au Calvaire. Et c’est dans cette présentation que consiste l’immolation non sanglante, représentative de l’immolation sanglante, ainsi que l’affirme le concile de Trente.

Cette immolation mystique suffit pour que l’oblation faite à la messe par le Christ de son corps et de son sang soit un véritable sacrifice. Ce revêtement de mort, en etïet, non moins que la destruction réelle d’une victime, est apte à réaliser la signification symbolique propre au sacrilice : « En vertu des paroles du prêtre, le corps et le sang sont sensiblement représentés comme séparés : devant son Église, Jésus apparaît dans on état de mort. Et cela suffit pour rappeler et représenter à Dieu pour nous la valeur infinie de la croix, avec les adorations actuelles de Jésus ; cela suffit pour signifier et représenter devant Dieu les hommages et les expiations de l’Église dont Jésus est le chef religieux et la victime ; cela suffit donc pour constituer un très réel sacrifice. » J. Grimai, Le sacerdoce et le sacrifice de N.-S. J.-C, Paris, 1923, p. 238.

V. LE SACRIFICE EUCHARISTIQUE ET LE SACRIFICE

Céleste. — Nous pourrions nous dispenser d’aborder ici ce problème subsidiaire qui n’intéresse qu’indirectement la question de l’essence du sacrifice eucharistique. Mais on a tellement insisté en ces derniers temps sur l’étroite connexion qui existe entre le sacrifice du ciel et le sacrifice de l’autel, qu’il paraît utile de rappeler au moins quelques principes.

1° // semble peu conforme à la vérité d’affirmer dans le ciel un sacrifice proprement dit de Noire-Seigneur glorifié. — Voir sur ce point Jésus-Christ, t. viii, col. 1339-1342. Cf. Stentrup.De Verbo incarnato. Soteriologia, t. ii, Inspruck, 1889, sect.m, th. Lxxxi-Lxxxiii. Il semble bien d’ailleurs que l’état de compréhenseur ne comporte pas l’exercice extérieur et sensible du sacerdoce : Sacrificium dicit vel innuitumbras et figuras, quæ in patria visionis et lucis perfectse non concipiuntur. Hugon, Tractalus, t. iii, p. 484.

2° Quoi qu’il en soit, il ne faut pas considérer comme essentiellement liés à l’essence du sacrifice eucharistique les actes par lesquels Jésus consomme son sacrifice dans le ciel. — La sainte Écriture, en effet, et tout l’enseignement de la Tradition, résumé dans le concile de Trente, font dépendre la messe du Calvaire, et rapportent essentiellement le sacrifice de l’autel au sacrifice de la croix. Mais si l’Écriture, notamment l’Épître aux Hébreux, est explicite sur la consommation céleste du sacrifice sanglant offert sur la croix, elle est muette sur les relations du « sacrifice céleste » et de la messe. "Voir pourtant ci-dessus, col. 847. Muette pareillement la tradition des Pères ; muet, l’enseignement officiel de l’Église.

3° Toutefois, le rapprochement du sacrifice céleste et du sacrifice eucharistique est utile au triple point de vue dogmatique, apologétique, mystique. — 1. Le dogme de la présence réelle, base de toute explication du sacrifice, tire un grand profit de ce rapprochement. Car le sacrifice céleste nous montre Jésus-Christ glorieux, sans cesse interpellant pour nous près de Dieu. Hebr., vu, 2.5. Or, c’est le même Jésus-Christ qu’appellent sous les espèces sacramentelles les paroles consécratoires. La théologie du sacrifice eucharistique trouve dans les assertions de l’Épître aux Hébreux — laquelle nous montre le Christ désormais impassible, incorruptible et glorieux, après l’unique sacrifice sanglant qu’il lui a été donné d’offrir de lui-même, iv, 14 ; vu, 28 : ix, 11-12 ; 24-28 : cf. P.om., .vi, 9 — un point d’appui solide pour affirmer l’immolation non sanglante de la messe. La médiation toute-puissante du Christ-prêtre dans le ciel est une analogie pressante

pour établir le dogme de l’efficacité propitiatoire du sacrilice terrestre. Cf. I Joan., ii, l, 2.

2. Ce dernier point dogmatique prend un aspect apologétique chez les controversistes des xvi « et xvii «  siècles. U s’agit pour au d’expliquer contre les protestants la valeur propitiatoire de la messe. Nous en avons fait la remarque pour Bossuet, voir col. 1162. M. Lepin le note expressément pour certains apologistes de la Contre-Réforme, Ruard Tapper, Lindanus, François Sonnius, Jean Gropper, Jacques Gilbert de Nogueras, Claude de Saiuctes, et, plus tard, Jean Hessels, Jean de Via, Estius et, parallèlement à Bossuet, Denys Amelote. L’argument revient à ceci : « Puisqu’il est certain que le Sauveur est pontife dans le ciel, et qu’il y exerce son ministère, il faut de foute nécessité. qu’il y offre un sacrifice… Mais, si le Fils de Dieu offre la victime de son sang pour nous dans le ciel, et s’il l’offre en intercédant pour notre salut, il ne déroge donc pas à son sacrifice de la croix, ens’otïrant depuis sa mort, mais il en représente le prix à son Père pour ceux qui s’approchent de lui par son entremise. Pourquoi donc lui-mesme, demeurant tous les jours avec son Église jusqu’à la fin des siècles, et rendant son corps et son sang présens sous les signes du pain et du viii, ne pourra-t-il pas, par lui-meune comme pontife et par les prestres comme ses ministres, estre offert à Dieu pour nous renouveller la mémoire de sa passion et pour nous en communiquer les mérites’?… » Amelote, Abrégé de théologie, Paris, 1675, t. VI,

C XL.

3. Le rapprochement du sacrifice céleste et de la messe est utile également à la piété et surtout à la piété sacerdotale : car il nous fait comprendre la nécessité, pour le corps mystique du Christ, de demeurer uni à son chef sur terre, afin d’être participant à sa gloire dans le ciel ; et le prêtre, chargé par devoir d’état de réaliser, de maintenir, d’accroître cette union des membres à leur chef, y trouve indiquées les exigences surnaturelles de sa sublime vocation. A la consommation céleste du sacrifice de Jésus, les élus, déjà en possession de la gloire, sont intimement unis. Car Jésus, dans cette consommation de son sacrifice, introduit son corps mystique déjà racheté et sauvé par lui, et maintenant glorifié. Solidaires de Jésus, les membres de ce corps mystique ressusciteront en Lui et par Lui ; ils sont déjà glorifiés en Lui et par Lui. C’est en Jésus et par Jésus que se fera l’incorporation totale en Dieu de l’humanité rachetée, sauvée, glorifiée, et la victoire complète de Dieu sur le péché. Or, dans l’offrande du sacrifice eucharistique, le corps mystique, encore sur la terre, doit être uni à son chef. La contemplation du sacrifice céleste nous montre dès lors cette union se poursuivant dans le ciel par l’union des élus au prêtre souverain, consommant son sacrifice dans la vie éternelle. Cette vérité profonde nous fait comprendre que nos actes, unis à ceux de Jésus, à l’autel, ont un prolongement nécessaire dans le sacrifice céleste de notre prêtre souverain. Nos prières, nos satisfactions, nos mérites sont donc offerts à Dieu, par le Médiateur suprême, dans ce sacrifice céleste, et par Lui présentés à la fois comme les effets du sacrifice sanglant du Calvaire et les parties intégrantes de l’hostie offerte à l’autel eucharistique. Bien plus, l’union du Christ glorifié aux saints vivant dans la gloire et participant activement à son sacrifice céleste exige que nos prières, nos mérites, nos satisfactions soient présentés a Dieu en union avec les prières et les adorations des élus. C’est ce qu’exprime la liturgie par ces paroles du canon, sur lesquelles les vieilles explications de la messe al tiraient l’attention : Supplices le rogamus, omnipotens Deus, jubé heec perferri per marins sancti angeli lui in sublime altare tuum…