Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/644

Cette page n’a pas encore été corrigée

12 ;

MESSE, OHLATION ET IMMOLATION MYSTIQUE

ses actions, l’a voulu, quando Verbum voluit, ainsi que l’affirme saint Augustin, In Joannem, tract, xlvii, n. 11 : /'. /-.. t. xxxv. eol. 1739. C’est là le commentaire

obvie de.loan.. x. 18 : Je donne rua vie pour mes brebis : personne ne me la ravit. C’est de moi-même que je la quitte. J’ai le pouvoir de la quitter, j’ai le pouvoir de la reprendre : paroles que la tradition a entendues non seulement de l’offrande, niais encore de l’immolation que Jésus-Christ a faite de lui-même sur la croix. Cf. S. Thomas, Compendium theologiæ, c. ccxxx. Pour qu’existe le sacrifice de la croix, il a donc fallu que Jésus-Christ devienne, par un acte positif de sa volonté, cause efficiente indirecte de sa propre mort.

Quand donc on assure que l’oblation. la donation du Christ a duré depuis le premier instant de son existence et que « notre souverain prêtre, tous les jours de sa vie mortelle, a été, à raison de son expiation continuelle, en acte permanent d’oblation et de sacrifice », on confond la disposition habituelle de l'âme sainte de Jésus-Christ par rapport à notre rédemption, et l’acte libre et volontaire, d’ailleurs conforme à cette disposition habituelle, que Dieu exigea en fait de cette âme sainte pour notre rédemption.

En fait, disons-nous. Car une deuxième remarque s’impose. Tous les théologiens admettent avec saint Thomas que la passion et la mort de Jésus-Christ considérées dans leur élément physique, purement afllictif et pour ainsi dire matériel, ne présentent à Dieu aucune valeur méritoire : Passio, in quantum hujusmodi, non est meritoria, quia habet principium ab exteriori ; sed secundum quod eam aliquis volunlarie sustinet, sic habet principium ab inleriori et hoc modo est meritoria. Sum. theol., IIP q. xlviii, a. 1, ad lum. C’est bien dans l’acte de volonté par lequel Jésus a voulu subir la passion et la mort et les a de fait subies que réside toute la valeur méritoire du sacrifice rédempteur. Et nous savons que l’acte de volonté du Christ porta explicitement sur la passion et la mort.- — Mais, cette vérité une fois accordée, il faut maintenir l’aspect essentiel que toute la tradition accorde à la passion et à la mort dans le sacrifice rédempteur.

Il est très vrai que la volonté libre du Christ aurait suffi pour rendre infiniment méritoire n’importe quelle action du Sauveur. Mais les affirmations scripturaires nous obligent à reconnaître qu’en fait Jésus a dû nous racheter non seulement par une vie d’abnégation et de vertu, mais spécialement et obligatoirement dans et par les souffrances de la passion sanglante et la mort sur la croix : patiendo et moriendo, dit le schéma du canon 6 du c. iv, De doctrina catholica, préparé au concile du Vatican. L’expiation pénale n’a aucune valeur sans la réparation morale : c’est entendu ; mais la réparation morale n’a pu s’exercer en fait, historiquement, que dans et par l’expiation pénale et telle expiation pénale qu’il a plu à Dieu de déterminer.

Il faut donc conclure que la passion et la mort de Jésus, non en tant qu’oeuvre sacrilège de ses bourreaux, mais en tant qu'œuvre expiatoire acceptée, recherchée et surtout indirectement causée par la libre volonté de Jésus, a constitué le sacrifice rédempteur : l’oblation et la donation incluses dans cet acte étant l'élément formel, l’immolation sanglante, incluse dans les souffrances et la mort en croix, étant l'élément matériel du sacrifice ; les deux éléments réunis constituant essentiellement le sacrifice lui-même.

b) L’analogie nous fait immédiatement entrevoir la même dualité d'éléments essentiels, constitutifs du sacrifice de la messe.

D’une part, l’enseignement catholique tient que Jésus-Christ, comme prêtre principal, s’olTre lui-même à l’autel, comme il s’est offert jadis au Calvaire.

Mais, avec le plus grand nombre des théologiens, nous avons établi, voir Col. 1249 sq., qu’il n’est pas suffisant d’affirmer que le Christ est prêtre principal a l’autel « pane qu’il a institué lui-même le sacrifice eucharistique et donné aux siens le pouvoir et l’ordre de l’offrir après lui ». La logique veut que le Christ soit prêtre principal parce qu’au moment de la consécration, quoique par le ministère du prêtre, il offre encore actuellement le sacrifice de la messe — chaque sacrifice de la messe - — renouvelant à cet effet les sentiments de soumission et d’obéissance qui l’animaient jadis au Calvaire.

Les sentiments qui animent ainsi Jésus à l’autel sont ceux-là même qui l’animaient au Calvaire et manifestaient à Dieu sa volonté de souffrir et de mourir pour expier. L’immolation voulue par le Christ et présentée à Dieu sera donc toujours, en fin de compte, l’immolation sanglante du Calvaire ; mais, parce que cette immolation est passée et ne saurait être réitérée, les sentiments qui animent présentement l'âme de Jésus à l’autel ne sauraient constituer un sacrifice, au sens strict du mot, qu'à la condition d'être derechef manifestés d’une manière sensible par l’immolation nouvelle, mystique, mais représentative de l’immolation passée. Simple condition du sacrifice eucharistique, cette immolation ? Non, certes, puisqu’elle seule donne à l’oblation du Christ son caractère sacrificiel. Qu’on définisse, en effet, le sacrifice par l’oblation ou par l’immolation, peu importe. L’immolation mystique, manifestée extérieurement par la double consécration, est l'élément rituel nécessaire au sacrifice : elle se réfère directement à la chose offerte, et ainsi, si nous retenons l’analogie du sacrifice sanglant de la croix, nous la devons concevoir comme l'élément matériel, mais essentiel, auquel s’ajoutent, pour constituer intégralement le sacrifice eucharistique, du côté du Christ et par le ministère du prêtre visible, l’oblation réitérée des sentiments qu’inspiraient au Sauveur ses souffrances et sa mort, et, du côté de l'Église, l’oblation faite par le même prêtre visible des sentiments qui animent présentement le corps mystique de Jésus s’unissant au sacrifice de son Chef et 'se confoimant, autant qu’il est possible, à ses dispositions.

L’argument devient plus pressant, si l’on considère que l’oblation de Jésus à l’autel n’est pas seulement un état continué, mais un acte spécial, réitéré à chaque messe. Or, cette ohlation actuelle faite par le Christ caché et invisible n’aurait pas la signification sacrificielle propre à la messe — sacrifice relatif, représentatif de l’immolation sanglante de la croix — s’il ne s’y adjoignait, d’institution divine, un sjmbole sensible, marquant extérieurement l’identité des sentiments actuels du Christ et des sentiments qu’il manifesta jadis au Calvaire. D’institution divine, cette réalité symbolique est la consécration, laquelle, par une admirable disposition, réalise d’une part la présence réelle de Jésus à l’autel avec les sentiments dont son âme sainte est animée et, d’autre part, produit, par la séparation sacramentelle du corps et du sang, l’immolation mystérieuse qui signifie, d’une façon non seulement sensible, ainsi que le requiert la nature dii sacrifice, mais actuelle, ainsi que l’exige l’oblation présentement renouvelée par le Christ à l’autel, l’objet même de ces sentiments. Et ici, redisons-le, par suite de son caractère essentiellement relatif, l’immolation mystique, fût-elle cent fois, mille fois, des millions de fois réitérée, ne saurait nuire à l’unité du sacrifice du Christ que, par sa relativité même à l’immolation sanglante de la croix, elle affirme et consacre. Nous avons trouvé cette formule excellente proposée par des théologiens de valeur tels que Gihr, At /berger. Pesch, Lépicier, etc.